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Éthique et transparence : le contrôle et l'audit internes ont un rôle central

Quelque 180 experts et élus sont attendus pour la rencontre annuelle que la Conférence des inspecteurs et auditeurs territoriaux (CIAT) tient ces 28 et 29 novembre, à l'hôtel de ville de Paris. Interrogé par Localtis, Yannis Wendling, le président de cette association professionnelle, met en avant l'importance du contrôle et de l'audit internes pour le respect des obligations d'éthique par les collectivités.

Localtis - Pour quelles raisons avez-vous inscrit les enjeux d'éthique et de transparence au menu de votre rencontre annuelle ?
Yannis Wendling - Près de trois ans après la publication de la loi "Sapin 2", qui a notamment prévu la création de l'Agence française anticorruption, les collectivités sont loin de bien connaître ce nouvel acteur et ses recommandations. De plus, seule une minorité d'entre elles ont mis en place, à ce jour, un plan global de prévention de la corruption. Les grandes collectivités sont certes, globalement, plus en avance. Mais elles n'ont pas mis en oeuvre toutes leurs obligations. Nous le constatons par exemple pour la procédure de recueil des signalements émis par les lanceurs d'alerte. Sur cette obligation comme sur d'autres – par exemple l'évaluation des risques générés par les relations avec les tiers – les collectivités ont réellement besoin d'être accompagnées.

Quels sont les risques dont les collectivités doivent se prémunir ?
Il s'agit d'éviter qu'une personne nommée sur un emploi ne se trouve dans une situation de conflit d'intérêts. Ce risque existe aussi lorsque les élus votent une subvention ou attribuent un marché.  Au-delà du problème de la prise illégale d'intérêt, l'acte de la collectivité peut, dans ce cas, être annulé. Sur ce sujet, les règles sont complexes et le juge procède à un examen au cas par cas. Les élus locaux ont donc besoin de repères sur ce qu'il est possible ou non de faire. Les autres gros risques sont ceux de la corruption et du détournement de fonds publics, qui, au quotidien, concernent d'ailleurs plus les agents que les élus, contrairement à ce que l'opinion publique laisse entendre.

Quel rôle les auditeurs internes et les inspecteurs territoriaux jouent-ils dans la détection et la prévention de ces risques ?
Leur rôle les place naturellement au cœur de la réponse à ces enjeux. La mission de l'auditeur interne consiste, en effet, à s'assurer que l'organisation et les processus "sécurisent" bien la collectivité, notamment dans les domaines financier, de la lutte contre la fraude, ou de la conformité juridique. Des collectivités – comme la ville de Paris – disposent d'une fonction d'inspection générale, dont la vocation est différente. Il s'agit, dans ce cas, de rechercher une responsabilité individuelle ou collective, lorsque des dysfonctionnements ont été constatés. Dans ce cadre, l'inspecteur peut suggérer l'enclenchement d'une procédure, qui peut être d'ordre disciplinaire.

Quelle place les collectivités accordent-elle à l'audit interne ?
Une importance croissante. D'après notre enquête annuelle, l'existence d'une fonction d'audit interne identifiée et confiée à un agent (pas nécessairement à plein temps) a progressé de 17 points entre 2014 et 2019 dans les grandes collectivités. Même si l'enquête comporte des biais, cela traduit une réelle progression de l'audit interne dans le secteur public local. Nous faisons le même constat pour le contrôle interne dont la vocation est d'aider l'administration à mettre en place les mesures de prévention des risques. Quant à la gestion des risques, elle est en émergence (sauf dans les régions). Cela consiste à "cartographier" les sujets sur lesquels il y a une sensibilité particulière et où il faut progresser en matière de contrôle interne. Jusqu'à présent, les régions étaient les pionniers dans ces domaines. Mais, récemment, les départements ont beaucoup progressé. Ils ont sécurisé les processus d'attribution des aides sociales pour éviter les retards, maîtriser la charge financière de ces prestations et lutter contre la fraude. L'audit et le contrôle internes sont également davantage présents aujourd'hui dans les grandes villes. On pensait en effet, auparavant, que la proximité des élus avec les usagers et les services permettait d'être au courant des dysfonctionnements. Mais, cette idée est en train de s'estomper.

Quels sont les projets, en cours et à venir, de la CIAT ?
Nous avons travaillé à la rédaction d'une fiche sur les "auditeurs internes", qui a intégré le répertoire des métiers du CNFPT [Centre national de la fonction publique territoriale]. En matière de contrôle interne, nous avons mis en place un référentiel commun aux collectivités. La création d'un site internet fait partie de nos projets. Cet outil, parmi d'autres, nous permettra de toucher des collectivités qui ne sont pas encore sensibilisées aux démarches que nous promouvons ou qui, si elles les mettent déjà en œuvre, ne sont pas nécessairement intégrées dans un réseau professionnel.