Environnement : le Parlement européen tempère les ardeurs de la Commission
En cette dernière année de mandat pour les députés européens, les débats sur les questions environnementales se font toujours plus âpres. Contre toute attente, la révision de la directive sur les produits phytopharmaceutiques est ainsi passée à la trappe, du fait d’une alliance entre ses plus ardents partisans et ses plus fervents détracteurs. Et si la révision de la directive sur les emballages a, elle, finalement pu franchir l’écueil, c’est au prix d’un sérieux coup de rabot sur la proposition initiale. Les députés se prononcent en revanche pour renforcer les normes d’émissions des véhicules lourds neufs, en y incluant les véhicules professionnels (les camions à ordures), tout en accordant un sursis pour les bus au biométhane. La Commission, elle, continue d’œuvrer. Elle vient de proposer un nouveau règlement pour placer les forêts sous surveillance.
En présentant la stratégie nationale biodiversité 2030 (voir notre article du 27 novembre), Christophe Béchu alertait sur le risque du "toujours plus" en matière environnementale, en prenant exemple du projet de règlement sur la restauration de la nature, voté d’un cheveu (voir notre article du 12 juillet). Après le récent vote sur la norme Euro 7 (voir notre article du 10 novembre), la session plénière du Parlement européen tenue la semaine passée aura sans nul doute conforté son analyse.
Produits phytopharmaceutiques : le règlement SUR mort-né
Le principal coup de tonnerre est venu le 22 novembre, avec le rejet inattendu de la proposition de règlement de la Commission du 22 juin 2022 (voir notre article du 23 juin 2022) sur l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (dit règlement SUR), telle que modifiée en séance. Certes, le texte était âprement discuté, inquiétant particulièrement un monde agricole (voir notre article du 15 mars) échaudé par la stratégie "De la ferme à fourchette" (voir notre article du 15 octobre 2021), dans lequel s’inscrit cette révision de la directive SUR. "Ce texte en l’état était tellement radical qu’il menaçait directement notre capacité de produire en Europe notre alimentation", expliquait après le vote François-Xavier Bellamy (PPE). Mais son adoption en commission Envi (voir notre article du 24 octobre) ne laissait pas présager une telle issue. Or, en séance le texte a été tellement amendé que ses promoteurs ont finalement décidé de le saborder. Le texte a été rejeté par 299 voix, allant de l’extrême-gauche à l’extrême-droite (celles des élus Renew français, de l’ensemble des Verts, de la grande majorité des groupes Identité et démocratie, Socialistes & démocrates et de The Left), contre 207 pour (une très large majorité des élus PPE et une majorité d’élus Renew). "Nous avons obtenu que des équilibres soient obtenus. La situation a tellement fait enrager nos collègues de la gauche, des verts, qu’ils ont choisi à la fin, chose inouïe, de voter contre ce texte", observait l’élu du PPE. Les députés – "l’alliance de la droite et de l’extrême droite", pointe Pascal Canfin (Renew) – ayant également voté contre la poursuite des travaux en commission, le Parlement se retrouve sans position officielle, rendant impossibles les négociations en trilogue. "Le SUR est donc mort pour le moment", déplore la rapporteure du texte, l’Autrichienne Sarah Wiener (Verts/ALE).
Le lendemain, les parlementaires ont en revanche adopté une résolution approuvant l'objectif principal de l'initiative révisée de l'UE pour les pollinisateurs, qui vient compléter le règlement sur la restauration de la nature. "Une journée après les funérailles de SUR, presque une blague !", a tweeté Sarah Wiener. Les députés y appellent notamment la Commission à évaluer la conformité des plans stratégiques de la PAC avec les objectifs de cette initiative de l'UE et à créer un chapitre spécifique au sein de ces plans pour décrire des mesures concrètes visant à protéger les pollinisateurs. Ils plaident également pour un indicateur spécifique dans la PAC d'ici 2026. Ils demandent encore de mettre fin à l'importation de produits agricoles fabriqués à partir de pesticides interdits dans l'UE d'ici 2027. Ils plaident en outre pour la création d’un "fonds pour la nature" dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel.
Emballages : le spectre de la consigne
Le 22 novembre, les députés se sont également accordés sur une position de négociation sur la révision de la directive sur les emballages et les déchets d’emballages, qui prend là encore la forme d’un règlement, proposé par la Commission l’an passé (voir notre article du 2 décembre 2022). En commission, le texte avait lui aussi fait l’objet d’âpres discussions, notamment sous l’impulsion des députés italiens favorables au recyclage plutôt qu’à la réutilisation, à tel point que le vote en plénière promettait d’être incertain (voir notre article du 25 octobre). Mais au prix d’un coup de rabot sur les ambitions affichées par le texte initial (par exemple, l’obligation progressive du réemploi cède la place à une obligation de servir les consommateurs apportant leur propre contenant dans la vente à emporter), le texte pourra, lui, poursuivre sa route. Si Pascal Canfin s’est félicité sur X du fait que "tous les emballages mis sur le marché en Europe devront être recyclables en 2030 et recyclés en 2035", la rapporteure du texte, la Belge Frédérique Ries (Renew), se fait toutefois moins enthousiaste : "Malheureusement, sur l'économie circulaire, et la prévention en particulier, le résultat du vote en plénière n'est pas aussi positif. Des 3R (Réduire, Réutiliser, Recycler), seul le recyclage s'en sort indemne. La fin des emballages jetables est encore loin !", déplore-t-elle.
Après moult débats, la boîte de camembert et la bourriche d’huitres ont – pour l’heure – sauvé leur tête. Les députés se sont en effet prononcés pour que les emballages en bois et en cire ne soient pas couverts par le règlement "tant que leur statut n’a pas fait l’objet d’une évaluation par la Commission européenne". "Le sujet est donc réglé !", tweete Pascal Canfin. "Un sursis très illusoire", estime au contraire François-Xavier Bellamy, qui regrette que l’amendement que son groupe avait déposé pour épargner définitivement ces boîtes ait manqué de "8 voix pour pouvoir passer, la gauche et les verts l’ayant combattu et nos collègues macronistes s’étant abstenus". Le député déplore qu’ait également été rejeté "à quelques voix près" l’amendement de son groupe visant à conserver la consigne facultative et préserver ainsi l’option française "du tri sélectif et du recyclage, filière dans laquelle les collectivités locales en France ont investi depuis des années des milliards d’euros". "Ce faisant, les collègues de la majorité présidentielle en France tournent le dos aux communes, à toutes les collectivités locales, à tous les investissements consentis depuis si longtemps", a-t-il dénoncé après les débats. Si la messe n’est pas encore dite – tout dépendra des taux de collecte constatés en 2026 et 2027, si le texte devait être adopté en l’état –, le spectre de la "fausse consigne" obligatoire est tout sauf écarté.
Bus : sursis pour le biométhane, pas pour les camions à ordures
Les députés ont également arrêté le 21 novembre leur position de négociation sur la proposition de règlement de la Commission visant le renforcement des normes de performance en matière d’émissions de CO2 des nouveaux véhicules lourds (voir notre article du 15 février). Comme la Commission, ils se prononcent en faveur d’une réduction des émissions, par rapport à celles de 2019, de 45% pour 2030-2034, de 65% pour 2035-2039 et de 90% à compter de 2040 pour les poids lourds, mais en y incluant les "véhicules professionnels" – camions à ordures, bétonnières… – que la Commission avait exemptés. Ils approuvent également l’ambition de la Commission de n’autoriser que la seule commercialisation de bus neufs à émission nulle à compter de 2030 – avec une dérogation jusqu’en 2035 pour les bus au biométhane. Il faudra donc accorder les violons avec le Conseil, lequel, sous la pression de la France, entend repousser l’échéance de 2030 à 2035 (voir notre article du 17 octobre).
La Commission européenne a proposé le 23 novembre un projet de règlement sur une surveillance globale des forêts européennes pour améliorer leur résilience. Il prévoit notamment la création d’une base de connaissances globales afin d’aider leurs propriétaires et gestionnaires à apporter des réponses adaptées aux pressions croissantes (nuisibles, sécheresses, incendies…) qui s’exercent sur elles. Surveiller, mais sans doute aussi punir, puisque la Commission précise que cette base "favorisera également le respect de la législation européenne". Une "gouvernance forestière intégrée", encourageant notamment les États membres à établir des plans forestiers à long terme, y est également promue. |