Entrées de ville : "attention à ne pas reproduire les erreurs du passé"
Le gouvernement est lancé à travers plusieurs programmes dans la transformation des entrées de ville et zones commerciales. Un guide sur le sujet élaboré par l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) est disponible depuis le 5 octobre pour les collectivités qui souhaitent se lancer. Mais l'association Centre-ville en mouvement alerte sur le risque de relancer le bras de fer entre les commerces de périphérie et les commerces de centre-ville.
Alors que l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) publie un guide sur les entrées de ville à destination des communes du réseau Action Cœur de ville (voir notre encadré ci-dessous), l'association Centre-ville en mouvement met en garde contre le risque de "reproduire les mêmes erreurs que par le passé". "On est en train de reconstruire les centres commerciaux en périphérie à travers des rues commerçantes, on repart comme ça et c'est un risque", explique à Localtis Pierre Creuzet. Si le directeur fondateur de Centre-ville en mouvement estime que les programmes en cours - et l'idée de revoir ces entrées de ville et zones commerciales -, sont indispensables car ces constructions ont "saccagé nos villes", et que rien n'avait été fait dans ces zones sur l'imperméabilisation des sols ou la végétalisation des espaces et parkings, "il faut rééquilibrer les choses", insiste-t-il. "Après 20 ans d'effort pour revitaliser les centres-villes est-il déjà l'heure de faire machine arrière en venant au chevet des grandes surfaces pour leur donner une deuxième chance ?", interroge l'association dans un communiqué publié le 5 octobre. "Comme si une première injustice n'avait pas suffi, faut-il en créer une deuxième ?"
"Réduire de manière drastique les mètres carrés commerciaux en périphérie"
A l'heure actuelle, plusieurs programmes se focalisent en effet sur ces zones (on en compte 1.500 soit l'équivalent de 500 millions de m2) qui constituent cette "France moche" que beaucoup ne veulent plus voir. La phase 2 d'Action Cœur de ville pour la période 2023-2026 est centrée sur les entrées de ville et d'agglomération et les quartiers de gare. Un plan de transformation des zones commerciales en périphérie a également été lancé le 11 septembre 2023 (voir notre article du 11 septembre 2023) pour engager, par des expérimentations, la transformation de ces zones, le tout en intégrant une dimension architecturale et paysagère forte et en développant des constructions durables et le verdissement des espaces. Il prévoit une enveloppe de 24 millions d'euros pour la première phase d'expérimentation (les premiers lauréats étant attendus pour novembre 2023), et la mise en place d'une "task force" pour accompagner ces transformations, notamment en matière d'ingénierie, d'expertise administrative et juridique. Des objectifs et programmes louables donc mais qui, selon CVM, risquent de venir concurrencer les centres-villes et alors que le marché est déjà en difficulté. "Olivia Grégoire, la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, nous dit que 72% des achats se font en périphérie, mais ce n'est pas vrai car elle intègre dans ce chiffre la vente en ligne, et ce chiffre est en baisse constante, détaille Pierre Creuzet, et il faut constater les difficultés actuelles des grandes enseignes. Il faut réduire de manière drastique les mètres carrés commerciaux. Il y en a trop, les taux de vacance de ces centres commerciaux sont énormes, sauf certains du fait de leur localisation comme ceux de La Défense, plein d'autres ne marchent pas en province !"
Ne pas déséquilibrer le centre-ville
Pour l'association, il faut apporter un cadre très précis dans les textes de loi pour réglementer au maximum les aménagements futurs de ces zones commerciales, et rester vigilant pour "ne pas déséquilibrer le centre-ville". "La ministre dit aux petits commerçants qu'ils peuvent aussi s'installer en périphérie mais ce n'est pas vrai car les terrains ne leur appartiennent pas, souligne Pierre Creuzet, il faut absolument que 50% des terrains détenus par les grands groupes privés soient vendus ou cédés à la collectivité". L'association propose ainsi que les collectivités investissent pour devenir propriétaires de murs de boutiques afin de préserver la diversité commerciale et artisanale. Elle estime nécessaire le maintien des loyers modérés pour permettre d'implanter ce type de commerçants. "Ne faisons pas disparaître nos centres-villes en les vidant de leurs commerces et de leurs habitants au profit de ces pôles de centralités en périphérie", insiste le communiqué de l'association.
Enfin, Centre-ville en mouvement estime qu'au-delà des centres commerciaux, il faut laisser la place à d'autres activités aujourd'hui indispensables comme l'industrie, la logistique avec la constitution d'hôtels logistiques pour la livraison du dernier kilomètre en centre-ville, puisque les livraisons sont amenées à augmenter, et le stationnement, pour favoriser les autres types de mobilités propres jusqu'en centre-ville. Centre-ville en mouvement estime qu'il est important sur ce thème d'avoir l'avis des membres du nouveau Conseil national du commerce et un véritable débat pour faire des propositions concrètes au gouvernement. Cette diversification des usages est aussi ce que l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) entend promouvoir (voir notre article du 4 octobre 2023). Des sujets qui ne manqueront pas d'être abordés lors de la cinquième édition des Rencontres de Cœur de ville organisée les 9 et 10 octobre 2023, à Avignon.
Le guide des entrées de ville de l'ANCT
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