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"Engagement et proximité" : le plan du gouvernement pour renouer avec les maires

Le gouvernement présentera mercredi en conseil des ministres le projet de loi "Engagement et proximité". A huit mois des élections municipales, l'objectif est de favoriser les candidatures et de redonner des marges de manœuvre aux maires, notamment dans le cadre de l'intercommunalité. Il s'agit aussi de prendre en compte le besoin de proximité que les Français ont exprimé durant le Grand Débat. Tour d'horizon des mesures devant figurer dans la réforme qui sera discutée au Sénat au début de l'automne.

Après un grand oral devant le Conseil national d'évaluation des normes, le 11 juillet, ce sera, mercredi 17 juillet, le jour J pour Sébastien Lecornu. Le projet de loi en faveur de "l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique", que l'exécutif a annoncé au lendemain du Grand Débat national et sur lequel le ministre multiplie les rendez-vous depuis quelques semaines, sera cette fois examiné par le conseil des ministres. S'agira-t-il d'un texte de plus sur ce qu'il est correct d'appeler "les conditions d'exercice des mandats locaux" ? Le ministre des Collectivités territoriales le reconnaît en public : "beaucoup d'avancées" ont déjà eu lieu sur le dossier, dont certaines sont récentes. La loi initiée par sa ministre de tutelle, Jacqueline Gourault, lorsqu'elle était sénatrice, ne s'applique pour certains de ses aspects (le DIF des élus locaux par exemple) que depuis à peine plus de deux ans. Pourtant, l'initiative que prend le gouvernement d'Edouard Philippe est originale : il s'agit du premier "texte global" comportant de multiples mesures sur les élus locaux, comme s'est plu à le dire Sébastien Lecornu, au début du mois, devant des députés.
Ce texte doit permettre de "corriger les irritants de la loi NOTR" d'août 2015 - selon la formule populaire, forgée par le jeune ministre. En mettant sur le métier trois dossiers : les compétences, les périmètres et la gouvernance. Sur chacun de ces points, le ministre répète qu'il s'agit de "corriger, sans bousculer". Point question d'élaborer une loi "NOTR bis", confie-t-il. Il ne s'agit pas non plus d'empiéter sur le projet de loi de décentralisation, que prépare la ministre en charge de la Cohésion des territoires. Le "projet de loi Lecornu" a également vocation à favoriser l'engagement dans la vie publique locale, et ce en facilitant chaque étape : la candidature, l'exercice des fonctions locales et, enfin, l'après-mandat (avec, par exemple, la reprise d'une activité professionnelle).
En s'appuyant sur l'avant-projet de loi que le gouvernement a transmis mi-juin au Conseil d'Etat, ainsi que sur les déclarations ministérielles faites depuis, Localtis passe en revue ces mesures qui feront l'objet d'une discussion au Sénat à partir de fin septembre, ou début octobre.

Gouvernance des EPCI

- Possibilité pour les EPCI d'élaborer en début de mandat un pacte de gouvernance. Celui-ci "peut prévoir" la création d'un conseil des maires et de conférences territoriales des maires. Il "prévoit" la création de commissions spécialisées associant les maires.

- Possibilité de déléguer certaines prérogatives de l’EPCI (dépenses d'entretien courant d'infrastructures ou de bâtiments communautaires) au maire et de placer des services de l'EPCI sous son autorité fonctionnelle.

- Droit commun : installation d’un conseil des maires, si 30% des maires en font la demande.

- Fixation dans la loi des règles de renouvellement des conseillers communautaires des communes de moins de 1.000 habitants en cas de cessation des fonctions du maire.

- Possibilité pour un conseiller municipal siégeant dans une commission de l'EPCI à fiscalité propre d'être remplacé pour une réunion par un autre conseiller municipal de la commune.

- Diffusion par courriel de tous les documents utiles (dossiers, délibérations, comptes rendus…) à tous les conseillers municipaux de l’EPCI.


Répartition des compétences entre la communauté et les communes

- Eau et assainissement : possibilité pour la communauté de communes ou d'agglomération de déléguer par convention tout ou partie des compétences vers une commune, si celle-ci a adopté un plan des investissements et s'engage à respecter un cahier des charges. Il s'agirait d'une subdélégation, la communauté restant responsable de la compétence.

- Toilettage des modalités de mise en œuvre de la faculté pour les communautés de communes qui n’exerçaient pas au 5 août 2018 les compétences eau ou assainissement à titre optionnel ou facultatif, de délibérer, afin de reporter la date du transfert obligatoire de l’une ou de ces deux compétences, du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2026. Les EPCI concernés auraient jusqu’au 31 décembre 2019 (soit six mois de plus) pour délibérer. Suppression de la disposition prévoyant que la "minorité de blocage" s'applique également aux communes membres d'une communauté de communes qui exerce de manière facultative au 5 août 2018 uniquement les missions relatives au service public d'assainissement non collectif.

- Dans les communautés de communes et d'agglomération, possibilité pour les communes figurant au classement des stations de tourisme de décider par délibération de retrouver l'exercice de la compétence "promotion du tourisme, dont la création d'offices de tourisme."

- Octroi à la commune d'une marge plus importante d'initiative dans l'élaboration des documents d'urbanisme (avis donné sur le plan de secteur, possibilité de prendre l'initiative d'un projet de modification simplifiée si elle ne concerne que le territoire de la commune).

- Adaptation des conditions d'adoption par un EPCI d'un projet de plan local d'urbanisme, dans le cas où celui-ci est modifié pour tenir compte de l'avis d'une commune.

- Au sein de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, définition d'un intérêt métropolitain pour les compétences "création, aménagement et entretien de voirie", "signalisation" et "création, aménagement et entretien des espaces publics dédiés à tout mode de déplacement urbain ainsi qu'à leurs ouvrages accessoires".


Périmètre des EPCI

- Extension aux communautés d’agglomération de la procédure permettant à une commune de sortir de son EPCI pour adhérer à un autre (aujourd’hui réservée aux communautés de communes).

- Facilitation des séparations à l’amiable en deux intercommunalités respectant les critères de population (par exemple parce que le périmètre actuel ne correspond pas au bassin de vie).

- Obligation de réalisation d'une étude d’impact avant séparation ou modification d’un périmètre.

- Annulation de l'obligation de révision tous les six ans (2022, 2028, etc.) du schéma départemental de coopération intercommunale.


Pouvoirs de police du maire

- Fermeture d’office d’établissements recevant du public en cas de danger notoire. Possibilité de prononcer des astreintes (maximum de 500 euros par jour) pour faire respecter l'arrêté du maire.

- Sur demande du conseil municipal, délégation de la compétence du préfet pour les débits de boisson.

- Elagage et entretien des haies, ou occupation du domaine public : possibilité de prononcer une amende administrative (maximum de 500 euros) si l'arrêté municipal n'est pas suivi d'effets.


Un quotidien plus simple pour le maire

- Possibilité de demander au préfet de prendre une position formelle sur une question de droit concernant les compétences de la collectivité (rescrit).

- Habilitation donnée au gouvernement de prendre par ordonnance des mesures législatives pour modifier les règles relatives à la publicité des actes des collectivités territoriales.

- Patrimoine non protégé : faculté donnée au préfet de déroger à la règle voulant que le maître d'ouvrage finance au moins 20% des travaux.

- Dans les communes nouvelles, possibilité de célébrer les mariages et d'enregistrer les Pacs dans une annexe de la mairie, établie dans une commune déléguée.

- Rétablissement de la faculté pour les départements d'accorder des aides aux entreprises (pour les seules entreprises situées dans des communes touchées par une catastrophe naturelle reconnue).    


Accompagnement et protection des élus

- Extension à tous les salariés des 10 jours ouvrables de congés accordés sur leur demande pour mener une campagne électorale (droit réservé aujourd'hui aux candidats des communes d'au moins 1.000 habitants).

- Habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la loi, des mesures renforçant la formation des élus locaux, notamment par la mise en place du compte personnel de formation en leur faveur (en lieu et place du droit individuel à la formation). L'idée est notamment de faciliter, aux élus en début de mandat et à ceux des petites communes, l'accès à des formations.

- Prise en charge de droit, pour tous les conseillers municipaux lors des réunions obligatoires, des frais de garde pour un enfant de moins de six ans, d'assistance auprès d’une personne en situation de handicap ou de dépendance (aujourd'hui ce droit s'applique à la condition que le conseil municipal ait pris une délibération). Financement par l’État pour les communes de moins de 1.000 habitants.

- Reconduction de l'alternative prévoyant que, sur délibération, la commune finance les chèques emploi service universel (CESU) utilisés par le maire. Extension du dispositif à tous les adjoints au maire (et non plus seulement ceux des communes d'au moins 20.000 habitants qui ont interrompu leur activité professionnelle). Compensation financière accordée par l’État dans les communes de moins de 1.000 habitants.

-Extension de cette possibilité d'aide financière de la collectivité à tous les vice-présidents des conseils départementaux et régionaux ayant reçu délégation (et non plus seulement à ceux qui ont interrompu leur activité professionnelle).

- Extension à tous les conseillers communautaires de la possibilité d'un remboursement des frais de déplacement engagés pour se rendre à des réunions liées à leurs fonctions électives (aujourd'hui, seuls les conseillers ne percevant pas d'indemnité de fonctions sont concernés).

- Protection fonctionnelle de droit pour le maire (mais le conseil municipal pourra s'y opposer par délibération). La commune "sera tenue" de souscrire un contrat d'assurance pour couvrir cette obligation (son coût sera compensé par l'Etat dans les communes de moins de 1.000 habitants).

- Extension aux conseillers des communautés de communes de la possibilité (effective sur demande) de s'absenter de leur travail pour participer à des réunions liées à leur mandat. En sachant que l'employeur ne sera "pas tenu de payer comme temps de travail" ces moments consacrés à des réunions de la vie publique locale.

Présente dans l'avant-projet de loi transmis au Conseil d'Etat, une disposition sur les indemnités des maires ne figurera finalement pas dans le texte qui sera examiné en conseil des ministres. Sébastien Lecornu dit vouloir avancer sur le sujet "sans tabou, ni démagogie". Mais sur ce terrain miné, il redouble de prudence. Pour lutter contre "les effets de seuil", le gouvernement envisage à ce stade une indemnité d'un même montant pour les maires des petites communes de 1 à 3.500 habitants, soit environ 1.670 euros par mois (contre 660 euros bruts actuellement pour celles de moins de 500 habitants). La revalorisation serait à la charge des communes, l'Etat ne venant au secours que de celles, très petites, dont le potentiel financier est trop faible.

Pour peaufiner son plan, le ministre en charge des Collectivités territoriales va poursuivre durant tout l'été les consultations. C'est pourtant "un texte de base" qu'il présentera mercredi, et non "un aboutissement". Sébastien Lecornu se dit ouvert aux initiatives parlementaires. Lorsqu'un sénateur demande l'extension du dispositif de délégation – prévu pour l'eau et l'assainissement - à d'autres compétences, il n'adresse pas une fin de non-recevoir. Au contraire. Lorsqu'un autre élu réclame un arsenal pour lutter contre l'inflation normative, le ministre répond qu'un des articles du projet de loi servira de "porte-avions". Quand un député redoute que le seuil de 1.000 habitants au-delà duquel l'Etat ne prendra pas en charge certains frais des communes, n'ait pour conséquence de dissuader des conseils municipaux de créer des communes nouvelles, il se dit "ouvert à la réflexion" sur un seuil de 3.500 habitants.

Sébastien Lecornu ne ferme pas non plus la porte à des amendements permettant de renforcer la parité dans les mandats locaux, ou donnant la possibilité de baisser le nombre des élus locaux. Mais il pose ses conditions : les mesures devront faire l'objet d'un accord entre les deux chambres. Et celles sur la parité ne devront s'appliquer qu'en 2026.
Le ministre entend donc "co-construire" le projet de loi avec le Parlement, suivant une méthode qui lui a plutôt réussi jusqu'à présent. Toutefois, en fixant des lignes rouges. Par exemple, conscient de l'importance de favoriser l'engagement des actifs du secteur privé dans la vie publique locale, il refuse d'imposer des contraintes aux entreprises, préférant que celles-ci promeuvent de "bonne pratiques".