Décentralisation : l'exécutif veut faire du "cousu-main" dans chaque région
Le nouvel acte de décentralisation, qui sera présenté mi-2020, tiendra compte de la diversité territoriale. En septembre, s'ouvrira une consultation dans chaque région. Objectif : "définir avec chaque territoire une réponse adaptée, sur mesure". C'est ce qu'a annoncé le Premier ministre ce 13 juin, au Sénat.
La ministre de la Cohésion des territoires déposera mi-2020 un projet de loi "décentralisation et différenciation", a annoncé le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, ce 13 juin au matin au Sénat. À l'occasion de cette intervention devant la chambre haute – un fait rare dans l'histoire politique de la France –, le chef du gouvernement a détaillé la réforme dont le président de la République avait énoncé les grands principes lors de sa conférence de presse du 25 avril dernier. Une petite faveur faite aux élus dont la mission est notamment de représenter les collectivités territoriales.
"D'ici juillet", la ministre en charge du dossier, Jacqueline Gourault, "recevra l'ensemble des associations [d'élus locaux], d'abord séparément, puis toutes ensemble, en associant les parlementaires", a précisé Édouard Philippe. Dans un second temps, "à partir de la rentrée de septembre, (...) ce dialogue se poursuivra localement", a-t-il ajouté. Chaque préfet de région réunira la conférence territoriale de l'action publique pour mener la concertation locale sur le projet de réforme. "Dans chaque région, nous ouvrirons la voie à la différenciation pour définir avec chaque territoire une réponse adaptée, sur-mesure dans le cadre d'un droit clair, mais adaptable", a expliqué le chef du gouvernement. Ce dernier entend s'inspirer d'initiatives déjà prises avec la Bretagne, ou plus récemment avec le Bas-Rhin et le Haut-Rhin (lesquels fusionneront pour donner naissance en 2021 à la collectivité européenne d'Alsace). "Le bon échelon le plus en capacité de mettre en œuvre les politiques publiques ou de conduire certains investissements (...) n'est pas le même partout", a plaidé le Premier ministre. Les principes de "proximité", de "responsabilité politique" et celui qui veut que l'échelon en charge de la décision est celui qui paie, serviront de fils conducteurs à cette réforme.
Projet de loi "engagement et proximité"
"Certaines des évolutions qui émergeront de ces consultations locales pourront être mises en œuvre à droit constant, c'est-à-dire sans attendre. D'autres nécessiteront d'adapter la loi", a indiqué Édouard Philippe. Le gouvernement présentera le projet de loi "décentralisation et différenciation" à la fin du premier semestre de 2020. Le cadre de cette réforme sera donc "défini avant les échéances électorales de 2021" (élections départementales et régionales), a souligné l'ancien maire du Havre.
Lors de sa conférence de presse post-grand débat, le président de la République avait affirmé que l'acte de décentralisation devrait "aboutir pour le premier trimestre 2020." Dans la foulée, Édouard Philippe avait annoncé que la concertation avec les élus locaux serait lancée au début du mois de juin. Mais, le 5 juin, la ministre de la Cohésion des territoires avait déclaré à la presse qu'"il serait raisonnable d'imaginer que ce soit un texte qui passe plutôt après les municipales".
Avant ce scrutin du printemps 2020, le gouvernement, souhaite, on le sait, l'adoption d'un premier projet de réforme, dont il a confié la responsabilité au ministre chargé des collectivités territoriales, Sébastien Lecornu. Ce projet de loi "engagement et proximité", qui sera présenté "avant la fin du mois de juillet" en vue d'un examen au Sénat à la "rentrée", vise à "conforter les maires au moment où la crise de l'engagement est aigue". Il garantira aux élus locaux "une véritable formation", "une protection juridique" et "un accompagnement professionnel et familial". Rappelant que le Sénat a déjà formulé des propositions en la matière, le Premier ministre a affirmé que le texte de loi les reprendra "très largement".
En outre, pour stopper "le sentiment de dépossession des maires", le gouvernement veut s'attaquer aux "effets de seuil qui pénalisent bien souvent les communes de petite taille". Il compte aussi renforcer les pouvoirs de police du maire et supprimer des obligations ou des contrôles "qui sont parfois superflus". Enfin, il s'agit, avec le projet de loi, de "retrouver un équilibre (…) entre les communes et leurs intercommunalités", lesquelles ont parfois atteint une "taille XXL", a fait remarquer l'hôte de Matignon. "Les récentes réformes, dont la loi Notr, ont parfois créé des irritations, qu'il convient aujourd'hui de corriger autour du triptyque "compétences, périmètres, gouvernance", a-t-il encore affirmé.
Services de l'État : une "déconcentration tous azimuts"
"La proximité, c'est aussi l'affaire de l'État", a lancé Édouard Philippe. Notamment en matière d'organisation de ses services dans les territoires. Sur le sujet, une circulaire parue au Journal officiel de ce 13 juin, que la presse avait dévoilée lorsqu'elle n'était encore qu'à l'état de projet, livre une véritable feuille de route. Elle précise notamment que l'un des objectifs sera de désenchevêtrer les compétences de l'État avec celles des collectivités territoriales dans les champs du développement économique, de l'urbanisme, de l'enfance et de la famille, ainsi que de la culture. Avec une autre circulaire, parue le 6 juin, le gouvernement entend engager "une action méthodique de déconcentration tous azimuts". "D'ici la fin de l'année, plus de 95% des décisions individuelles seront effectivement prises dans les territoires", a promis le Premier ministre. Les textes réglementaires nécessaires vont être publiés "tout au long du deuxième semestre 2019".
S'agissant de la réforme de la fiscalité locale, Édouard Philippe a confirmé notamment que la concertation avec les associations d'élus locaux reprendra la semaine prochaine. Invité de France info le même jour, le ministre des Finances a lui aussi apporté quelques confirmations. La suppression intégrale de la taxe d'habitation pour les 20% de ménages les plus aisés interviendra en 2023, et non en 2022 comme annoncé jusque-là par le gouvernement, a-t-il notamment fait savoir. "Nous faisons les choses progressivement", a dit Bruno Le Maire. La suppression de la taxe d'habitation pour les 20% de Français les plus riches "se déploiera sur trois années", avait indiqué le Premier ministre à l'Assemblée nationale, mercredi. Cette mesure coûtera 7 milliards d'euros aux finances publiques, une somme qui n'est pas prévue dans la programmation budgétaire. La suppression en 2020 de la taxe d'habitation pour les 80% de ménages les plus modestes coûtera quant à elle 9 milliards d'euros, mais cette perspective est déjà prise en compte budgétairement.