Energie : la chaleur renouvelable se pose en alternative du "tout élec"
A l'occasion de la 3e semaine de la chaleur renouvelable, les acteurs de la filière ont présenté ce 7 décembre huit propositions visant à accélérer le déploiement de ce secteur et à le replacer au cœur de la stratégie énergétique nationale. Ils défendent notamment la généralisation d'un "plan territorial chaleur renouvelable" dans toutes les collectivités territoriales de plus de 20.000 habitants et la fixation d'objectifs de consommation de chaleur renouvelable dans les bâtiments existants.
Avec 669 TWh en 2020, la chaleur représente près de la moitié de la consommation d'énergie finale en France mais seulement 22,8% de cette chaleur est d'origine renouvelable. Les différents usages de la chaleur (chauffage des bâtiments, eau chaude sanitaire, procédés industriels) reposent aujourd'hui à près de 60% sur des énergies fossiles importées, fortement émettrices de CO2 et soumises à des variations de prix importantes. Une situation difficilement soutenable pour atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050 et répondre aux défis énergétiques actuels. "Il est nécessaire de remettre la chaleur renouvelable au cœur du jeu dans les débats sur l'avenir du mix énergétique de la précampagne présidentielle", a estimé ce 7 décembre Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, lors de la présentation des propositions de la filière pour accélérer le développement de la chaleur renouvelable en France. "Il y a à ce sujet un triple enjeu de souveraineté énergétique, de climat et de pouvoir d'achat", a-t-il défendu. "Dans le contexte d'envolée des prix des énergies fossiles sur le marché international, les systèmes individuels et collectifs de chaleur renouvelable et de récupération sont vecteurs d'une énergie locale, avec des prix stables et compétitifs, tout en représentant un vivier important d'emplois dans les différentes filières", ont souligné les acteurs du secteur.
Sortir du "scénario tout élec"
A l'occasion de la 3e édition de la semaine de la chaleur renouvelable organisée ces 7 et 8 décembre, Amorce, la Fédération des services énergie environnement (Fedene), le Syndicat des énergies renouvelables (SER), l'association Via Sèva, l'association française des professionnels de la géothermie (AFPG), le Comité interprofessionnel du bois énergie (Cibe), l'association technique énergie environnement (Atee) et le syndicat des professionnels de l'énergie solaire Enerplan ont présenté huit propositions pour accélérer le déploiement de la chaleur renouvelable et de récupération en France. "Il faut que la chaleur renouvelable retrouve sa juste place dans le dispositif énergétique", insiste Nicolas Garnier. "Notre crainte est d'entrer dans un scénario tout élec où l'on consommerait un maximum d'électricité pour en produire un maximum", poursuit-il.
Plus de chaleur renouvelable dans les bâtiments existants
Les professionnels veulent d'abord faire du développement de la chaleur renouvelable une "composante centrale de la neutralité carbone en 2050". Pour cela, ils proposent de fixer un objectif national de 50% de chaleur consommée d’origine renouvelable et de récupération en 2030. Cela implique un rythme de développement de 17 TWh/an qu'ils jugent atteignable "moyennant des mesures fortes d'accompagnement" puisque sur l'année 2020, la production de chaleur renouvelable a déjà augmenté de 12 TWh/an. Ils préconisent également de fixer des objectifs de consommation de chaleur renouvelable dans les bâtiments existants (tertiaires, industriels et résidentiels collectifs), qui représentent aujourd'hui près de 70% de la chaleur consommée et sont alimentés à près de 75% par de la chaleur non renouvelable. "Concrètement, il s'agirait de fixer au niveau national et par voie législative une part minimale de chaleur renouvelable et de récupération consommée par les bâtiments existants avec des paliers progressifs en 2030, 2040 et 2050", détaillent les acteurs de la filière.
Plans territoriaux chaleur renouvelable
Leur "priorité n°2" est de "systématiser les plans chaleur renouvelable dans les territoires". Ils proposent ainsi de généraliser un "plan territorial chaleur renouvelable" dans toutes les collectivités territoriales de plus de 20.000 habitants dans le cadre des documents de planification existants. Plus précisément, il s'agirait de les obliger à élaborer un volet "développement de la chaleur renouvelable" dans leur plan climat air énergie territorial (PCAET) reposant sur un état des lieux de la chaleur domestique, industrielle et collective consommée sur le territoire. Dans les territoires ruraux, des plans spécifiques devront également permettre de créer 1.500 réseaux de chaleur "pour valoriser l’ensemble des énergies renouvelables et de récupération locales et faire basculer un grand nombre d’usagers vers des modes de chauffages vertueux", espèrent les promoteurs de la chaleur renouvelable qui veulent croire à "un changement de paradigme" alors que les solutions "classiques" (gaz et électricité) prévalent toujours dans les nouveaux logements.
Fonds chaleur et MaPrimeRénov à renforcer
La troisième priorité des professionnels est de renforcer les mécanismes de soutien à la chaleur et au froid renouvelable. Ils souhaitent d'abord rehausser l’enveloppe du Fonds Chaleur de l’Ademe en cohérence avec les objectifs de développement fixés au niveau national. De 350 millions d'euros par an actuellement, son montant pourrait être doublé, estiment les acteurs de la chaleur renouvelable. Ils proposent aussi de faciliter le cumul intégral des aides du Fonds Chaleur avec les certificats d’économie d’énergie (CEE) et de bonifier les CEE pour les projets les plus vertueux. Ils veulent également inscrire le dispositif MaPrimeRénov dans une trajectoire budgétaire pluriannuelle, "de manière à donner une visibilité à 5 ans au développement de la chaleur dans le secteur du bâtiment existant". Autre proposition : garantir la compétitivité des systèmes de chaleur renouvelable en élargissant l’aide au fonctionnement du Fonds de décarbonation de l'industrie à toutes les filières de production de chaleur renouvelable et de récupération. L’objectif est de compenser l’écart de coûts entre la chaleur produite à partir d’énergies renouvelables et celle provenant d'énergies fossiles quand les prix de ces dernières sont très bas.
Création d'un "fonds social pour le climat"
Enfin, pour préserver le pouvoir d’achat des foyers les plus modestes, ils préconisent la création d'un "fonds social pour le climat" alimenté par une partie des recettes de la contribution climat énergie (CCE) qui devra être selon eux augmentée. Ce fonds permettra en particulier de créer un "chèque chaleur" pour aider les foyers les plus modestes à payer leur facture de chauffage. Contrairement au chèque énergie, ce chèque pourra aussi être utilisé par les occupants des logements pour régler directement leurs charges de chauffage. Enfin, le fonds social pour le climat doit aussi permettre de renforcer les aides MaPrimeRénov, notamment pour financer la conversion d'appareils anciens ou utilisant des énergies fossiles par des équipements de chaleur renouvelable, ou un raccordement à un système de chauffage vertueux.