Archives

Pouvoir locaux - En Corse, Manuel Valls maintient les "lignes rouges"

"Il y a des lignes rouges, vous le savez." Manuel Valls a de nouveau affiché sa fermeté face aux revendications des leaders nationalistes, le 4 juillet, lors de sa première visite en Corse en tant que Premier ministre, presque six mois après les avoir accueillis à Paris, le 18 janvier. Cette réunion à Matignon s'était tenue quelques semaines après la victoire des nationalistes aux élections régionales. Il y avait été décidé de constituer trois groupes de travail consacré à l'avenir et au développement de la langue corse, à la lutte contre la spéculation foncière et la fiscalité et à la mise en place de la collectivité unique.

Collectivité unique

Le calendrier prévu par la loi Notr pour la création de cette collectivité, issue de la fusion des deux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse et de la collectivité territoriale de Corse, est bien maintenu au 1er janvier 2018. Elle sera dotée d'une "chambre des territoires" à Bastia, comme l'ont demandé de nombreux élus corses, "sans remettre en cause le principe d'une collectivité unique", a précisé Manuel Valls, devant l'Assemblée de Corse, en présence de plusieurs de ses ministres. Ce chantier a été confié au ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, en février dernier. Le gouvernement maintient sa volonté de procéder par voie d'ordonnance, sans passer par un texte législatif spécifique.

Non à la co-officialité de la langue corse

Le Premier ministre a par ailleurs réitéré son refus devant les trois revendications les plus symboliques défendues par le président indépendantiste de l'Assemblé de Corse et le président autonomiste du conseil exécutif Gilles Simeoni, à savoir la co-officialité de la langue corse, l'amnistie des "prisonniers politiques" ou le statut de résident. "L'affirmation de l'identité corse ne passera pas par l'exclusion, la co-officialité de la langue ou le statut de résident", a-t-il déclaré. Le 17 mai 2013, l'Assemblée de Corse avait déjà voté une délibération sur la co-officialité de la langue corse au côté du français. "La co-officialité du corse et du français n'est pas un caprice. Des études scientifiques ont démontré qu'elle était indispensable si nous voulions interrompre le déclin de la pratique au sein de la société ", a défendu Jean-Guy Talamoni. Ce à quoi Manuel Valls a répondu que la République avait "une seule langue officielle". "Nous ne reviendrons pas, bien sûr, sur le principe." Toutefois, il a annoncé la création d'une nouvelle agrégation de langue et culture corses et celle d'une vingtaine de postes dans l'académie. Il a aussi réaffirmé l'objectif d'une filière bilingue dans chaque établissement scolaire.

Pas de statut de résident

Le troisième groupe de travail mis en place en début d'année avait trait à la spéculation foncière et à la fiscalité. Pour lutter contre la flambée du foncier, les élus corses demandent en particulier un "statut de résident". Cette disposition a fait l'objet d'une délibération votée par l'Assemblée de Corse le 24 avril 2014. Elle prévoit de réserver tout achat immobilier sur l'île aux résidents de plus de cinq ans. "Outre la dépossession des Corses, cette spéculation induit des dérives mafieuses qui menacent de gangréner notre société", a justifié Jean-Guy Talamoni. Un statut rejeté par Paris qui y voit une rupture de l'égalité des citoyens et donc un problème d'inconstitutionnalité. En revanche, le chef du gouvernement s'est montré ouvert au maintien de certains régimes fiscaux dérogatoires. Concernant l'arrêté Miot, qui réduit l'impôt sur les successions en Corse, il s'est dit certain qu'une "voie juridique existe pour prolonger le régime dérogatoire spécifique", malgré "la contrainte constitutionnelle" du principe d'égalité entre les citoyens français. Le gouvernement fera une "proposition solide" en ce sens.
Sur la question des "prisonniers politiques", Manuel Valls a écarté la possibilité d'une "amnistie" comme le demandaient Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni. Si la rencontre s'est déroulée dans une ambiance sereine, elle a donné lieu à quelques piques. "Dans notre pays – chez vous également – la parole donnée est sacrée. La voie qu'il faudra finalement adopter sera celle de l'amnistie", a lancé Jean-Guy Talamoni.