Emploi : la crise a manifestement plus impacté les zones touristiques et les plus fragilisées
Si la crise sanitaire et le choc économique ont affecté l’ensemble de la France en 2020, leur puissance a été variable selon les territoires, indique une note d’analyse publiée par France stratégie le 16 avril 2021. Celle-ci confirme la forte exposition des territoires touristiques de l’Est, du Sud et de l’Île-de-France, alors que l’Ouest résiste mieux. Une attention particulière devrait être apportée aux zones déjà fragiles avant l’arrivée de la pandémie.
"Dans l’optique d’orienter les politiques publiques de soutien territorial, l’identification des zones les plus fragilisées par la crise en 2020 est essentielle", exposent les auteurs de la note d’analyse publiée par France stratégie le 16 avril qui proposent de "cerner les difficultés préexistantes des territoires les plus touchés afin de cibler ceux qui devraient bénéficier d’un accompagnement plus appuyé de sortie de crise".
Pour ce faire, ils ont mesuré les effets de cette dernière sur les entreprises et les personnes dans les territoires à l’échelle des zones d’emploi (305 espaces géographiques) à partir de trois indicateurs : l’exposition à la perte de valeur ajoutée via l’effet de la composition sectorielle de l’emploi ; le taux de recours apparent à l’activité partielle ; la variation de l’emploi salarié privé.
L’est et le sud très touchés, l’ouest relativement épargné
Si "toutes les régions ont vu leur situation économique se dégrader", le croisement de ces trois indicateurs montre que "les conséquences de la crise sont plus fortes dans l’est et le sud de la France où se concentrent des zones touristiques et certaines zones industrielles", ainsi que l’Île-de-France. Les trente zones les plus affectées parmi lesquelles se trouvent les Alpes, la Côte d’Azur et la Corse, rassemblent environ 8% de la population nationale.
Seules quelques zones d’emploi de l’ouest et du centre de la France se démarquent positivement, en partie grâce à une forte spécialisation économique dans l’agroalimentaire, secteur relativement épargné. Parmi les trente zones d’emploi ayant le mieux résisté, qui rassemblent 4,5% de la population nationale, neuf se trouvent en Bretagne et six en Nouvelle-Aquitaine. Ce qui vient corroborer les premières analyses de l'Observatoire des impacts territoriaux de la crise.
Si les secteurs d’activité les plus impactés par la crise ont déjà été à de nombreuses reprises mentionnés, France stratégie propose une analyse plus fine sur l’emploi en établissant un classement synthétique des zones d’emploi les touchées. Il pointe des groupes de zones bien plus exposées que d’autres même si peu de zones s’en sortent beaucoup mieux que la moyenne nationale (perte de 1,5% de l’emploi salarié en un an).
36 zones ont perdu plus de 3,5% de leur emploi salarié
Les trente-six zones les plus affectées (plus de deux points de plus que la moyenne nationale) se trouvent principalement en Île-de-France, autour de Saint-Nazaire et dans les Alpes (- 12% dans La Tarentaise et - 8,4% à Briançon), ainsi que dans le quart sud-est de la France (- 6,5% à Saint-Maxime). Mais figurent aussi des zones qui "semblaient relativement préservées jusqu’ici" telles Vire-Normandie et Avranches en Normandie, Châteauroux en Centre-Val de Loire, Épernay et Chaumont dans le Grand-Est, Château-Thierry et Dunkerque en Hauts-de-France ou encore Belfort en Bourgogne-Franche- Comté, qui ont notamment subi de fortes pertes d’emplois dans l’intérim.
Les trente zones les moins affectées, qui rassemblent environ 4% de la population nationale, se situent principalement en Champagne, en Bretagne et dans la partie orientale de la Nouvelle-Aquitaine. De manière générale, la façade Atlantique semble mieux résister à la vague de destruction d’emplois. Les situations locales sont disparates mais toutes semblent là encore avoir subi de fortes pertes d’emplois dans l’intérim. Au final, seules 25 zones sur 305 ont créé de l’emploi. "Les différences territoriales d’évolution de l’emploi ne relèvent pas uniquement de leur composition sectorielle mais d’autres caractéristiques propres aux territoires", analyse France stratégie.
Les petites agglomérations ont mieux résisté
Evalué à 4,3% pour l’ensemble du territoire, le taux de recours à l’activité partielle (1) a été également beaucoup plus élevé en Île-de-France (11% à Roissy, 7,6 % à Marne-la-Vallée), dans les régions Paca (8,2% à Menton) et Auvergne-Rhône-Alpes (6,7% dans la Tarentaise et 6,5% au Mont-Blanc), ainsi qu’en Corse (9,6% à Calvi et 8,3% à Propriano). "Au sein des zones d’emploi les plus mobilisatrices du dispositif, aucune zone d'emploi de l’Ouest ne figure", constate l’étude. Cependant, "peu de territoires s’en sortent bien mieux que la moyenne nationale".
Enfin, si la densité de population d'une zone d'emploi ou le nombre d'habitants de son agglomération principale ne sont pas particulièrement liés à l'ampleur du choc économique subi, il ressort de l’étude de France stratégie que les petites agglomérations et les zones à densité intermédiaire semblent mieux résister que la moyenne. De fait, les zones d’emploi des grandes métropoles ont à l’inverse un score légèrement moins favorable que la moyenne, en particulier Nice, Toulouse et Paris, quand Nantes, Rennes et Lille s’en tirent mieux.
Prévenir un approfondissement des inégalités territoriales
Reste à savoir si les territoires les plus vulnérables avant la crise ont aussi été les plus touchés par le choc de 2020. Il semble que cela soit le cas, "un petit nombre de zones d’emploi concentre les difficultés - avec notamment des taux de chômage de 10% en 2019 - de nouvelles s’ajoutant aux fragilités structurelles du territoire", relate France stratégie. "Que ce soit en termes de niveau de vie, de chômage, ou d’impact de la crise, le littoral méditerranéen en particulier se révèle fortement fragilisé, de nombreuses zones (Agde-Pézenas, Sète, Arles, Sainte-Maxime, Fréjus et Calvi) y cumulant les vulnérabilités".
"C’est pourquoi, les spécificités de ces territoires pourraient être prises en compte dans la définition de l’accompagnement de sortie de crise, afin de prévenir un approfondissement des inégalités territoriales", préconisent les auteurs de l’étude. "Mais, préviennent-ils, il convient au préalable de répliquer l’exercice mené dans cette note avec une vision prospective, car les territoires les plus fragilisés en 2020, marqués par le confinement strict du printemps, ne seront pas forcément les mêmes que ceux fragilisés en sortie de crise."
(1) Ce taux mesure la part des montants d’activité partielle versés aux salariés du privé, rapportés à la masse salariale totale brute versée.