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Emploi - Embouteillé, Pôle emploi délègue au privé l'accompagnement de 10% des chômeurs

"Moins de 10% de demandeurs d'emploi sera confié aux opérateurs privés, soit 250.000 personnes par an." C'est ce que Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, a déclaré le 27 juillet 2009 dans une interview accordée au journal Le Parisien. Une démarche d'externalisation qui inquiète les acteurs du service public de l'emploi, et notamment les syndicats. "Nous ne sommes pas idéologiquement opposés au recours aux opérateurs privés à condition que ce soit limité et encadré, et que ce soit pour un accompagnement spécifique, comme pour les conventions de reclassement personnalisé par exemple", explique ainsi Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la CFTC. La syndicaliste reconnaît même qu'en temps de crise, il semble nécessaire d'y avoir recours. "Pour le contexte actuel, avec la crise, le recours à des structures privées est justifiée car la priorité, ce sont les demandeurs d'emploi, mais on ne peut pas décider de se fixer, de manière pérenne, une barre de 10% des demandeurs d'emploi traités par le privé ; l'intervention des opérateurs privés doit venir en complément et non se substituer à Pôle emploi."
De plus, l'efficacité de l'accompagnement privé des demandeurs d'emploi n'est pas prouvée. D'après les premières évaluations de la Cour des comptes, publiées en 2006, la plus-value du service public, quand il met les moyens, serait même "nettement supérieure" à celle des opérateurs privés. Le rapport 2008 préparatoire à la création de Pôle emploi indiquait pour sa part qu'"il n'existe pas de preuve générale que le secteur privé soit plus efficace que le secteur public". Quoi qu'il en soit, et d'après le plan de bataille de Pôle emploi présenté la semaine dernière par Laurent Wauquiez, destiné à réduire les délais d'indemnisation des chômeurs et à améliorer leur accueil, 320.000 demandeurs d'emploi vont être accompagnés par des structures privées d'ici fin 2011. Pôle emploi est en train de sélectionner les opérateurs  (le marché a été fractionné en 66 lots régionaux). Il y consacrera 100 millions d'euros en 2009 et 200 millions en 2010 sur un budget total de 4,5 milliards d'euros. Il faut dire que les dossiers de demandes d'indemnisation ne font qu'augmenter. Actuellement, entre 20.000 et 30.000 demandes sont déposées chaque jour et le stock moyen de dossiers en attente est d'environ 50.000. Le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A (sans emploi et faisant des actes positifs de recherche) a augmenté de 36.400 en juin pour dépasser les 2,5 millions. Bruno Le Roux, député de Seine-Saint-Denis, a récemment alerté le secrétaire d'Etat sur les dysfonctionnements de Pôle emploi. "Alors que la fusion des Assedic et de l'ANPE était censée améliorer la prise en charge des chômeurs et faciliter l'accès à l'emploi, Pôle emploi rencontre de graves difficultés pour faire face à la hausse massive du chômage", signale-t-il dans une question écrite, signalant au passage les "conditions de travail déplorables" que rencontrent les conseillers de Pôle emploi au quotidien. Face à ces interrogations, Laurent Wauquiez a rappelé le dispositif mis en place pour faire face à la hausse du nombre de dossiers à traiter. "A la fin du mois de mai 2009, plus de 12.000 agents de Pôle emploi ont été formés pour répondre aux missions unifiées du nouvel opérateur, signale ainsi le secrétaire d'Etat dans sa réponse du 21 juillet, et les 1.840 recrutements, annoncés par le président de la République fin mars 2009, vont permettre d'apporter un renfort utile en cette période." Ils seront opérationnels fin août 2009. La création de 500 nouveaux postes par contrat à durée déterminée, qui seront affectés aux plates-formes téléphoniques régionales qui centralisent les demandes d'inscription et de rendez-vous, permettra d'améliorer le service téléphonique 3949 et le recours aux organismes de cotraitance, comme les missions locales pour les jeunes, sera renforcé. "Certaines activités seront entièrement externalisées", a également précisé le ministre dans sa réponse, comme l'évaluation des compétences et les ateliers CV, permettant aux conseillers de Pôle emploi de se concentrer sur leur coeur de métier, le suivi mensuel des demandeurs d'emploi et leur accueil. Reste à savoir si ces dispositifs, associés au recours aux opérateurs privés pour l'accompagnement, suffiront pour traiter des dossiers de demande qui risquent d'être encore en augmentation en septembre 2009, avec l'arrivée d'une nouvelle classe d'âge sur le marché du travail.

Emilie Zapalski