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Effervescence autour d'une possible réouverture des musées

Roselyne Bachelot a réuni le 8 février les représentants du secteur des musées et commence à évoquer la perspective d'une réouverture avec une jauge réduite, sans toutefois pouvoir donner d'échéance. Et seuls les lieux d'exposition seraient concernés. Pendant ce temps, les propositions et initiatives ne manquent pas. Parmi elles, celle de Villes de France : mettre en place des "zones sanitaires expérimentales" avec un protocole spécifique.

Les musées pionniers ou cheval de Troie – c'est selon – de la réouverture de lieux culturels ? Les musées et les monuments historiques pourraient en effet obtenir ce que les théâtres, les cinémas et les salles de spectacles ne sont pas parvenus à obtenir, malgré le soutien et les nombreuses prises de paroles, interpellations et pétitions des artistes et des intellectuels. Même si rien n'est encore fait, ni même réellement engagé, il règne en effet une grande effervescence autour d'une possible réouverture des musées et Roselyne Bachelot elle-même semble entrouvrir la porte ou du moins ne pas la refermer.

Une jauge qui pourrait passer de 4 m2 à 10 m2 par personne

Face à la pression qui monte, la ministre de la Culture a en effet affirmé, dans une interview à BFMTV, le 8 février : "Nous nous préparons à une réouverture le plus rapidement possible des musées et des monuments". Roselyne Bachelot s'est toutefois refusée à indiquer, ni même esquisser, une date, mais a affirmé que "ça peut être assez rapide". Elle a en revanche réuni le jour même, avec Olivier Véran, le ministre des Solidarités et de la Santé, une trentaine de représentants de ce secteur, "très divers - il y a des établissements publics, des musées municipaux, des musées privés, qui ont tous des caractéristiques différentes pour la réouverture". A l'issue de cette réunion en visioconférence, qu'elle a jugée "très constructive", Roselyne Bachelot a indiqué à l'AFP que les musées et monuments publics et privés se sont montrés disposés à "vraiment assurer la sécurité d'un modèle résilient", y compris en durcissant les jauges.

La ministre a confirmé ses propos lors d'une visite à la manufacture de porcelaine de Sèvres (Hauts-de-Seine). Elle a en particulier évoqué l'hypothèse de "passer de la jauge de 4 m2 du premier confinement à une jauge de 10 m2". Les responsables de ces monuments se seraient également dits prêts à "réfléchir sur les heures d'ouverture, pour faire en sorte que les flux ne soient pas au moment où les transports en commun sont les plus sollicités". Elle a toutefois bien pris soin de rappeler à nouveau qu'un changement ne pourra intervenir que lorsqu'il y aura "stabilisation de la décrue de cette pandémie".

Pourquoi les musées en premier ?

Ne sera-t-il pas difficile de rouvrir les musées et les monuments historiques et de le refuser aux autres lieux de culture ? Sur un plan strictement économique, il peut sembler curieux de commencer par les musées. Le plus souvent propriétés de l'Etat ou de collectivités et financés essentiellement par des subventions publiques, ils ne sont pas menacés dans leur existence par la crise sanitaire, contrairement aux salles de cinéma, aux théâtres privés ou aux salles de spectacles, qui vivent avant tout de leurs recettes. Or la ministre n'a fait pour l'instant aucune proposition pour ces établissements. Et cela fait un petit moment déjà que l'idée d'une approche différenciée fait son chemin. Ainsi, dès la mi-janvier lors de l'annonce de la généralisation du couvre-feu à 18 heures, Roselyne Bachelot avait évoqué un possible "échelonnement selon le type de lieux". Et lors de sa conférence de presse de jeudi dernier, Jean Castex avait mentionné une distinction entre "les établissements circulants" tels que les musées et ceux où le public est statique. On n'oubliera pas non plus que la reprise d'une programmation des salles de spectacle sera plus facilement envisageable une fois levé le couvre-feu de 18 heures...

Il n'empêche que les suggestions et propositions montent de toutes parts. Le 4 février, Alain Rousset, le président (PS) de la région Nouvelle Aquitaine, a ainsi proposé, dans une lettre au Premier ministre et lors d'une conférence de presse, de mettre en place une expérimentation s'appuyant sur un programme d'intelligence artificielle. Baptisé "Opera", celui-ci permet d'évaluer la situation au travers d'une trentaine de paramètres : circulation du virus, jauge, durée du spectacle, renouvellement d'air...

Les propositions se multiplient

Et l'initiative est loin d'être isolée, à défaut d'être concertée. Deux jours plus tôt, Jeanne Barseghian, la maire (EELV) de Strasbourg, avait également écrit au Premier ministre pour proposer l'expérimentation d'un "scénario concerté" avec des acteurs culturels, afin de rouvrir les espaces culturels à des "publics spécifiques" : scolaires, étudiants et personnes "en situation d'isolement familial, financier ou psychologique".

Et à la mi-janvier, Yann Galut, le maire (PS) de Bourges s'était déjà porté volontaire, dans un courrier adressé à la ministre de la Culture, pour que sa ville expérimente une réouverture progressive des lieux culturels.

De son côté, Villes de France, présidé par Caroline Cayeux, maire de Beauvais, qui représente les villes de 10.000 à 100.000 habitants, propose de "mettre en place des zones sanitaires expérimentales permettant la réouverture des lieux culturels". "Basés sur le volontariat, ces espaces seraient expérimentés pendant une durée de 15 jours avec l'application d'un protocole sanitaire plus strict" : multiplication des tests antigéniques aux abords des lieux culturels, limitation du nombre de personnes, développement des réservations par internet, augmentation des temps de nettoyage...

Une position proche de celle de la Fédération nationale des collectivités pour la culture (FNCC) qui, lors de son conseil d'administration du 28 janvier, a regretté "un traitement toujours plus exigeant dans les perspectives de reprise d'une vie artistique et culturelle" et rappelé qu'"à l'initiative de collectivités territoriales de toutes tailles, et en lien avec les autorités locales de santé, des expérimentations de réappropriation des espaces publics par les artistes sont ou vont être envisagées".

Perpignan fait cavalier seul

Quelques élus semblent toutefois surtout voir dans ce débat autour de la réouverture des musées l'occasion de faire le buzz. C'est le cas de Louis Aliot, le maire (RN) de Perpignan. Celui-ci a en effet annoncé, l'ouverture en toute illégalité, le 9 février, des quatre musées de la ville. Sans faire état pour autant de la mise en œuvre de protocoles particuliers ou expérimentaux, Louis Aliot a notamment expliqué qu'"il y a un virus, on l'a pour longtemps, il faut vivre avec. Des variants il y en aura, des virus il y en aura. Il y a des traitements, il y a la vaccination, il y a toutes les précautions qu'on prend, habituons nous. Et cela commence par expérimenter des choses".

Le préfet des Pyrénées-Orientales a indiqué avoir immédiatement saisi le tribunal administratif de Montpellier en vue d'une suspension des arrêtés de réouverture du maire de Perpignan. De son côté, Roselyne Bachelot a condamné cette démarche en solitaire et expliqué que "les représentants des musées et monuments, du spectacle vivant et du cinéma avec qui nous préparons la réouverture sont responsables et inventifs" mais que "des initiatives purement politiciennes ne défendent pas la cause de la culture".

 

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