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Tice - Ecole numérique : Vincent Peillon veut une meilleure connexion avec les collectivités

Vincent Peillon a présenté sa stratégie 2013-2017 pour "faire entrer l'école dans l'ère du numérique". Sachant que les collectivités ont déjà beaucoup investi dans les équipements, le ministre assure vouloir soutenir les communes rurales... et offrir un contenu numérique de qualité aux élèves et à leurs enseignants.

Une stratégie globale plutôt qu'un plan… Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale, a présenté le 13 décembre un vaste chantier pluriannuel (2013-2017) destiné à "faire entrer l'école dans l'ère du numérique". Le changement de cap n'est pas seulement sémantique. Il est dicté par les profondes transformations opérées dans la société et la communauté éducative. Sur les principes, le projet a de quoi séduire : il vise à dynamiser les contenus éducatifs, la formation des enseignants, la diffusion des services numériques intégrés et, fait nouveau, prépare un nouveau cadre partenarial avec les collectivités territoriales.
"Depuis les années 70 j'ai comptabilisé 16 plans en faveur du numérique", a relevé le ministre pour expliquer ses choix, estimant qu'aucun ce ces plans ne traitait véritablement "la question des usages". Autant de politiques qui auraient généralement conduit à des gaspillages de ressources : "Les collectivités territoriales ont souvent fait l'effort d'investir dans des équipements qui n'étaient pas utilisés dans les établissements", a rappelé Vincent Peillon. Si bien que la France a peu à peu décroché, au point de se classer 24e sur 27 dans l'utilisation du numérique à l'école, selon l'étude Pisa de l'OCDE. La nouvelle posture proposée aujourd'hui est moins spectaculaire, elle ne comptabilise pas des matériels ou des volumes de connexion, ses orientations semblent plus équivoques car encore au stade de promesses... Mais elle laisse entrevoir à la communauté éducative qu'un travail de fond commence a être entrepris.
La stratégie proposée se concentre en effet sur les fondamentaux et notamment sur le développement d'une offre de produits pédagogiques de qualité, ainsi que sur la formation des enseignants. Ce "rattrapage" est dicté par le souci de proposer une offre de services en ligne à ceux qui assurent la transmission des connaissances. Quant à la dimension pluriannuelle, elle introduit de la flexibilité. Elle permet de démarrer modestement puis d'accélérer au fil du temps une fois les bases plus solidement établies.

Nouvelles ressources dédiées aux élèves et aux enseignants

Des dispositions concrètes sont prévues dès 2013. Côté élèves, des ressources prioritairement libres seront mises en ligne : films d'animation pédagogiques, sujets et éléments de correction du brevet des collèges et du bac en open data, service d'apprentissage de l'anglais en primaire, web TV réalisée par les lycéens... L'Education nationale prévoit en outre l'accompagnement personnalisé de 30.000 élèves de 6e des établissements d'éducation prioritaire qui comprendra un dispositif en ligne regroupant des parcours personnalisés interactifs. Côté enseignants, des modules de formation en ligne préfigurant un campus numérique vont être proposés à la rentrée de janvier, un réseau social professionnel des enseignants sera ouvert et des accès facilités aux ressources numériques des grands établissements culturels et scientifiques vont leur être offerts. Tout cela dans la perspective de création d'un portail de référence de ressources numériques pédagogiques dédié aux enseignants prévu pour 2017.

Les collectivités territoriales associées à la gouvernance des ENT

Dans l'ensemble du dispositif, les espaces numériques de travail (ENT), véritables plateformes fédératrices, vont constituer un socle de base à forte valeur ajoutée dans la vie pédagogique et administrative. Le ministère compte renforcer les capacités de ces outils en réseau, que ce soit sur le volet pédagogique (extension de services, enrichissement des ressources), sur l'information et la formation des parents, sur l'interopérabilité des plateformes ou sur la prise en compte des évolutions technologiques.
Les collectivités territoriales verront également leur rôle renforcé. Elles ont en effet largement assuré le déploiement de ces équipements structurants, comme le rappelle  la plaquette de présentation diffusée par l'Education nationale : "63 départements et 19 régions ont prévu de généraliser l'ENT à l'ensemble des établissements de leur territoire d'ici 2014". Une collaboration plus étroite est prévue, y compris dans le 1er degré. Elle portera sur le pilotage national des ENT au sein d'une gouvernance partagée, sur l'appui que recevront les collectivités pour équiper les écoles, "plus simplement et pour un coût moindre, de solutions ENT adaptées" et sur des actions conjointes académies-collectivités-ministère destinées à relancer les projets aujourd'hui en difficulté. La Caisse des Dépôts voit sa position de partenaire privilégié du ministère confirmée sur le développement des ENT et sur la simplification de l'accès aux ressources numériques pédagogiques et personnalisées depuis l'ENT. Un premier cycle de travail réunissant tous les acteurs (collectivités, académies, Caisse des Dépôts, fournisseurs…) est prévu au 1er semestre 2013 afin de "stabiliser la vision partagée".

Un accompagnement renforcé des communes rurales

Les collectitivités territoriales vont être mieux accompagnées dans le déploiement de services numériques pour leurs écoles. C'est en tout cas le souhait du ministère.
Vincent Peillon a une nouvelle fois évoqué, plus globalement, la nécessaire clarification des rôles et des responsabilités entre l'Etat et les collectivités dans le domaine de l'éducation - un enjeu qui s'inscrira dans le futur projet de loi de refondation de l'école. Dans ce contexte, il entend mettre en place une gouvernance territoriale conjointe entre le ministère et les collectivités pour mieux coordonner les actions en faveur du numérique.
Sur le terrain, les collectivités locales, et en particulier les plus rurales, seront plus fortement soutenues dans leurs projets. D'ores et déjà, en réponse aux difficultés rencontrées par les communes dans le choix de solutions d'équipements numériques, le ministère vient de conclure un accord avec l'Union des groupements d'achat public (Ugap) pour construire une offre globale d'équipement et de prestations pensée pour les écoles primaires, incluant notamment la maintenance. "Les communes pourront ainsi accéder à des solutions techniques globales et à des prix compétitifs, dès la fin 2013. Une proposition d'espace numérique de travail pour les écoles rurales complétera le dispositif en 2014", a indiqué le ministre.
Dans ce cadre, la Caisse des Dépôts aura pour mission de préparer l'arrivée du très haut débit dans les écoles et d'exploiter toutes les potentialités du numérique : appui pour déployer le très haut débit (incitations au raccordement en milieu rural, prise en compte de cet enjeu dans les schémas départementaux dont la Caisse des Dépôts est partie prenante), développement de structures de mutualisation, promotion de services et d'usages numériques innovants. Pour parachever l'ensemble, le ministère va demander aux académies de se rapprocher des collectivités pour construire des projets numériques permettant de mobiliser les fonds européens pour les communes fiscalement défavorisées (Feder) à soumettre en 2013.
Sur le papier, l'ensemble du projet est séduisant. Mais il comporte de nombreuses inconnues, en particulier concernant la robustesse des dispositifs qui seront progressivement mis en place dans les écoles rurales avec l'aide des collectivités territoriales. Le fait que le projet s'étale sur cinq années, et que ses promoteurs aient souhaité effectuer des évaluations régulières dans un cadre plus flexible est en tout cas intéressant. Il sera temps d'ici à 2017 de corriger le tir si les résultats obtenus ne sont pas satisfaisants.