Eau : la Commission appelle les Vingt-Sept à accélérer la cadence
Dans deux rapports publiés ce 4 février, la Commission européenne déplore l’absence de progrès de la qualité des eaux de l’Union. Seul réel motif de consolation : la connaissance et la surveillance de ces dernières progressent. La France ne se distingue pas : elle est comme les autres États membres invitée à "relever son niveau d’ambition", en mettant en place de nouvelles mesures, avec des objectifs quantifiés et évalués.
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La Commission européenne a publié, ce 4 février, ses derniers rapports sur l’état de l’eau au sein de l’Union européenne, qui présentent des bilans contrastés mais guère réjouissants, même si leur tonalité paraît un (tout petit peu) moins pessimiste que celle du récent rapport de l’Agence européenne de l’environnement sur le sujet (voir notre article du 21 octobre).
Absence de progrès
À l’actif, le rapport sur la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau et de la directive Inondations met en évidence, s’agissant de la première, une amélioration de la connaissance et de la surveillance des eaux ainsi que l’atteinte d’un bon état quantitatif et chimique pour la plupart des masses d’eau souterraine (respectivement 86% et 82,2%). Au passif, qui semble l’emporter, l’absence de réels progrès en général, et des masses d’eau de surface toujours en mauvaise santé : 39,5% atteignent un bon état écologique (ou ont un bon potentiel) et 26,8% un bon état chimique. En l’espèce, l’échec est en grande partie attribué aux substances "omniprésentes, persistantes, bioaccumulables et toxiques" comme le mercure et les hydrocarbures aromatiques polycycliques. Même constat mitigé pour la mise en œuvre de la directive Inondations. D’un côté, des améliorations notables dans la gestion des risques et une meilleure prise en compte du changement climatique ; de l’autre, une efficacité des dispositifs difficile à évaluer, faute d’objectifs quantitatifs assignés dans la plupart des plans. Le rapport sur la directive-cadre sur la stratégie pour le milieu marin fait, lui aussi, état de progrès limités. Ces deux rapports sont par ailleurs complétés par un appel à contributions à la conception de la future "stratégie européenne de résilience pour l’eau", ouvert jusqu’au 4 mars prochain.
Directive-cadre sur l’eau : la France dans la masse…
Côté mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau, les résultats de la France ne se distinguent pas particulièrement. Du troisième rapport des plans de gestion de bassins – élaboré avant l’adoption du plan Eau –, il ressort ainsi que 43,6% des masses d’eaux de surface étaient dans un état écologique bon ou élevé en 2021. Un taux en légère diminution (44,2% dans le deuxième rapport, pour 2015), expliquée par une dégradation des résultats obtenus en Guyane – qui représente 8% du total –, elle-même due à une amélioration de la surveillance. La France estime que, hors exemptions, 65,9% des masses eaux de surface devraient atteindre un bon état écologique en 2027, et 1,8% au-delà de 2027. Le rapport relève néanmoins que le statut de 8% de l’ensemble des masses d’eau a été dégradé en raison du taux de concentration élevé de polluants spécifiques du bassin versant. Même constat peu ou prou sur l’état chimique des eaux : la proportion de masses d’eaux dans un mauvais état passe de 16 à 22%, lié à une amélioration des connaissances. En 2027, la France estime que 68,4% des masses d’eau de surface devraient être dans un bon état chimique, 16,7% supplémentaires devant l’être au-delà de cette date (et 14,6% restent dans l’inconnu).
C’est bien mieux du côté des masses d’eaux souterraines : 88,1% étaient, en 2021, dans un bon état quantitatif et 68% dans un bon état chimique. Deux taux là encore en légère diminution. S’agissant de l’état chimique, si les comparaisons historiques sont difficiles en raison de changement de périmètre, le rapport estime que "globalement, la confiance dans l’évaluation a diminué". Il dresse par ailleurs le quinté des polluants empêchant l’atteinte des objectifs en matière de qualité : les pesticides et leurs métabolites, le nitrate, l’ammonium, les trichloroéthylène et tétrachloroéthylène et le phosphate.
… est invitée à passer la vitesse supérieure
Pour remédier à la situation, la France se fait donner la leçon. Bruxelles estime qu’elle doit "relever son niveau d’ambition" et "mettre en place de nouvelle mesures". Avec pour objectif, entre autres, de réduire considérablement la pollution par les nutriments ; de s'attaquer à la pollution par les pesticides, en réduisant leur utilisation et en supprimant progressivement les pratiques non durables ; d’améliorer considérablement la continuité des rivières (même si le rapport relève que "la France semble être la pionnière" en la matière) ; de renforcer les efforts sur les solutions basées sur la nature (là encore, la France étant pourtant l’un des sept États membres en ayant fait une priorité) ; d’améliorer la protection des points d'eau potable ou encore de faire un meilleur usage du principe du pollueur-payeur lors de l'établissement des tarifs de l'eau. Rien qu’elle ne sache déjà.
La France est également invitée à mieux prendre en compte le changement climatique (il est toutefois observé que la France fait partie des États membres ayant élaboré une stratégie pour faire face à l’augmentation des sécheresses), en élaborant des plans régionaux de gestion de la sécheresse, en prenant des mesures efficaces pour promouvoir la réutilisation de l'eau, en changeant les pratiques agricoles pour réduire la dépendance à l'irrigation ou encore, lors de la planification de nouveaux barrages et réservoirs, en évaluant soigneusement leurs impacts environnementaux. Last but not least, Bruxelles recommande en outre d’"améliorer la coordination entre les différents niveaux administratifs".
Directive Inondations : des plans qui manquent de chiffres
Même son de cloche s’agissant de la mise en œuvre de la directive Inondations. Le contenu des plans de gestion des risques d’inondation français doit être enrichi, estime Bruxelles, notamment en y intégrant une évaluation des progrès réalisés ainsi que des données sur les coûts de toutes les mesures y figurant. Ces plans doivent également prendre davantage en considération les aires protégées, notamment les zones de captage d’eau potable (les inondations n’étant pas sans impact sur la qualité de l’eau, comme l’a rappelé récemment la FNCCR – voir notre article du 27 novembre) et les sites patrimoniaux.
Passable sur les eaux marines
"Modérément adéquat". Telle est enfin l’appréciation que porte la Commission européenne sur le programme de mesures actualisé de la France, présenté pour le deuxième cycle de mise en œuvre de la directive-cadre sur la stratégie maritime de 2008, pour répondre aux pressions sur le milieu marin et atteindre le bon état écologique des eaux marines (voir le rapport dédié). Globalement, le rapport présenté par la France est jugé très complet, mais avec des informations transversales pas toujours idoines (allant de "très bon" pour la consultation du public à "très pauvre" pour l’impact du changement climatique). Il en va de même pour les informations sur les indicateurs spécifiques présentés : "pauvres" pour l’eutrophisation, "très bonnes" pour la biodiversité. Ce qui se traduit dans les mesures prévues. La Commission estime ainsi que la France a très bien abordé, dans son programme, les pressions pesant sur la biodiversité, alors que celles visant l’eutrophisation ou les contaminants des produits de la mer ne sont "pas claires".