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Ressources humaines - Droit individuel à la formation : attention chantier !

La réforme du droit individuel à la formation (DIF) dans la fonction publique entre théoriquement en vigueur dans trois semaines ! Si le nouveau dispositif est attrayant pour les agents, les responsables ressources humaines expriment nombre de questions et de craintes.

Les agents territoriaux pourront faire valoir leur droit individuel à la formation (DIF) à partir du 21 février prochain. Prévu par les lois du 2 février et du 19 février 2007, le nouveau dispositif ouvre aux agents un crédit de vingt heures de formation par an, cumulables sur six ans. Mais, bien que le décret d'application soit paru le 29 décembre dernier, beaucoup de collectivités ne pourront répondre rapidement aux premières demandes. Il faudrait au préalable qu'elles aient réuni le comité technique paritaire (CTP). Or, bien peu l'ont fait, constate Bruno Romoli, président de l'association des anciens élèves de l'Inet, selon qui les choses pourraient s'accélérer après les élections municipales. Le DGA du conseil général de Saône-et-Loire minimise la portée de ce retard : "Cette période là va nous permettre de réfléchir."
Cela semble d'ailleurs indispensable, car les DRH cherchent encore la solution à beaucoup de questions pratiques et de fond. Les spécialistes des ressources humaines du secteur public en ont largement témoigné dans le cadre du Salon de l'emploi public qui s'est tenu en fin de semaine dernière à Paris, notamment au cours d'une table-ronde entièrement consacrée à la réforme. Par exemple, comment articuler les demandes de formation de nature individuelle émises au titre du DIF avec des demandes collectives ? Comment rendre possibles des préparations aux concours et examens pour un DIF de trois jours ? Autre interrogation : des formations peuvent-elles être suivies en dehors du temps de travail ?  Si oui lesquelles ?
Pour Claire Cornet, DGA du CNFPT, "les collectivités n'ont pas uniquement à mettre en place un compte formation" : le DIF doit faire l'objet d'une véritable politique. D'une manière générale, la collectivité doit se pencher sur les usages, les contenus et les types de formations dont pourront bénéficier les agents. Si le nombre des questions est si important, c'est aussi parce que le DIF s'inscrit nécessairement dans le cadre d'un plan de formation. Or, à ce jour peu de collectivités se sont dotées d'un tel outil.
Sans plan de formation, pas de DIF. Claire Cornet va plus loin. Pour elle il n'y aura pas de DIF réussi sans un vrai entretien d'évaluation entre le chef de service et l'agent. L'entretien doit permettre à ce dernier de formuler ses souhaits en matière de formation. Certains agents de catégorie C apprécieront sans doute cet exercice, parce qu'ils ont du mal à choisir seuls une formation. Enfin, les collectivités peuvent se munir utilement d'un règlement de formation, dont le rôle est d'informer les agents sur leurs droits.

 

Plus de succès que dans le privé ?

Les DRH et les responsables formation ont donc bien du travail. "Ils ne vont pas rigoler tous les jours", parie Bernard Dreyfus. C'est pourquoi le délégué général du médiateur de la République estime qu'une professionnalisation accrue de la fonction RH est nécessaire. Il conseille aux intéressés de programmer sur le long terme les demandes de formations en tenant compte d'autres éléments comme les formations obligatoires, les comptes épargne temps et les départs en retraite. Pour lui, le DIF amènera les collectivités locales à remettre sur la table la question de l'organisation du temps de travail.
Bernard Dreyfus se déclare "raisonnablement pessimiste" sur l'impact du DIF dans le secteur public. Citant un sondage réalisé il y a un an auprès d'entreprises privées, il indique que 74% de celles-ci trouvent le système de formation plus complexe qu'avant la réforme du DIF. Les DRH des trois fonctions publiques craignent que les mêmes maux gagnent leur secteur. Selon une enquête rendue publique le 29 janvier dernier par EFE, société spécialisée dans la formation, ils estiment dans leur ensemble que le "système de formation sera beaucoup plus lourd à gérer". Certains redoutent en particulier que le DIF aboutisse à une négociation permanente entre les agents et leur employeur.
"Le contexte de la fonction publique est différent de celui du privé", réagit Grégoire Parmentier. Le sous-directeur des politiques interministérielles à la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) estime que le secteur public a "tiré les leçons" des premières années de mise en oeuvre du DIF dans le privé. Il prédit "un plus grand succès du DIF dans le public que dans le privé".
Compte tenu de la très forte hétérogénéité entre les employeurs publics locaux, l'impact du nouveau dispositif sera variable, en particulier sur le plan financier. Pour Bruno Romoli, les grandes collectivités qui disposent d'importants moyens budgétaires, "n'auront pas trop de difficultés" à intégrer la réforme du DIF. Cela ne sera sans doute pas le cas des petites communes, pour qui le partenariat avec le CNFPT sera très important, celui-ci jouant en quelque sorte un rôle de "péréquation" entre les collectivités. "En fonction de ce qui se fait déjà", les formations validées au titre du DIF seront payantes ou bien bénéficieront au contraire d'une prise en charge par le CNFPT, dans le cadre de son budget, confirme Claire Cornet. Les formations destinées à la préparation des concours seront ainsi prises en charge par l'établissement public.

 

Thomas Beurey / Projets publics