Habitat - Droit au logement opposable : quels chiffres ?
Dans une question écrite, Roland Courteau, sénateur de l'Aude, s'inquiète des résultats du droit au logement opposable (Dalo), issu de la loi éponyme du 5 mars 2007. Il évoque notamment - la question date de mars 2010 - des chiffres du comité de suivi du Dalo évoquant le fait que seuls 1,3% des demandeurs auraient été relogés. Dans ces conditions, il souhaite connaître les mesures envisagées par le gouvernement pour que le droit au logement devienne effectif.
La réponse du secrétaire d'Etat au Logement apporte des précisions intéressantes. Les chiffres fournis sont très différents de ceux avancés par le sénateur de l'Aude. Elle indique ainsi que, sur l'ensemble de la France métropolitaine, 46,3% des 40.276 ménages reconnus bénéficiaires du Dalo avaient été relogés au 28 février 2010. Ce résultat d'ensemble recouvre toutefois un fort contraste géographique : seuls 27,6% des 24.274 ménages reconnus bénéficiaires du Dalo en Ile-de-France - région "où la tension du marché est la plus élevée" - ont été relogés, alors que cette proportion atteint 72,1% chez les 15.160 ménages du reste de la Métropole. La contradiction entre les chiffres évoqués dans la question et dans la réponse réside dans la base de référence. Ceux fournis par le ministère concernent uniquement les personnes reconnues bénéficiaires du Dalo par les commissions départementales (et dont les dossiers ont donc fait l'objet d'une instruction complète et sont arrivés au terme de la procédure). Le pourcentage évoqué par le sénateur de l'Aude est vraisemblablement à rapprocher du nombre total de personnes demandant le bénéfice du Dalo, ce qui inclut également les personnes qui ne sont pas encore reconnues par les commissions départementales et celles qui ne le seront pas ou se désisteront en cours de procédure.
Au-delà de ces éléments chiffrés, la réponse du secrétaire d'Etat au Logement rappelle que le Dalo a connu plusieurs évolutions récentes, qui peuvent expliquer l'amélioration progressive des résultats, qui devrait se poursuivre dans les prochains trimestres. Certaines de ces améliorations concernent le dispositif lui-même, par exemple avec le décret du 22 avril 2010 qui a clarifié et simplifié plusieurs aspects de la procédure (voir notre article ci-contre du 26 avril 2010). D'autres viennent des orientations données par les pouvoirs publics ou des modifications apportées à d'autres dispositifs dans le domaine du logement. Cela a notamment été le cas, cet été, avec la circulaire "relative à l'accompagnement vers et dans le logement", qui invite les préfets à utiliser leur contingent en priorité pour les bénéficiaires du Dalo et rappelle que les collecteurs du 1% logement ont l'obligation d'orienter le quart de leurs attributions en faveur de ces bénéficiaires (voir notre article ci-contre du 26 juillet 2010). Une autre instruction ministérielle devrait venir prochainement porter sur le logement, dans le parc social, des publics bénéficiant du droit au logement opposable. Les précisions du Conseil d'Etat sur le calcul de l'astreinte due par l'Etat en cas de non-application du Dalo vont également jouer dans le même sens (voir notre article ci-contre du 22 juillet 2010)
Enfin, la réponse ministérielle ne manque pas de faire le lien entre l'amélioration des résultats du Dalo et la politique gouvernementale en matière de logement social. Elle rappelle ainsi qu'avec 120.000 logements sociaux financés, l'année 2009 a marqué un record par rapport au creux du début de la décennie (40.000 logements en 2000), même si ce record doit beaucoup au plan de relance et à la comptabilisation de logements remis en service après rénovation. Entre 2005 et 2009, plus de 485.000 logements locatifs sociaux ont été financés, ce qui représente 97% de l'objectif du plan de cohésion sociale. Y compris sur le champ du très social : le nombre de logements et places d'hébergement financés en PLA-I a atteint 21.600 l'an dernier. C'est ainsi la première fois que le nombre de PLA-I financés atteint l'objectif de 20.000 fixé dans la loi Dalo du 5 mars 2007.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Sénat, question écrite n°12595 de Roland Courteau, sénateur de l'Aude, et réponse du secrétaire d'Etat au Logement et à l'Urbanisme (Journal officiel du Sénat du 2 septembre 2010).
Un colloque sur le Dalo
Le Centre d'études et de recherches sur le droit de l'environnement, de l'aménagement et de l'urbanisme (Cerdeau) de l'université Paris I Panthéon-Sorbonne a organisé, le 22 juin dernier, un colloque sur l'évaluation juridique de la mise en oeuvre du Dalo. Les actes de ce colloque sont en ligne (voir lien ci-contre) sur le site du Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat (Gridauh), qui a piloté le travail de recherche. Ils comprennent le compte-rendu d'une table ronde, ainsi que plusieurs contributions universitaires sur la saisine et l'instruction des recours, le fonctionnement et les décisions des commissions, les contentieux liés au Dalo, ou encore les suites des décisions. Si l'approche est - par définition - très juridique, ces contributions n'en apportent pas moins des informations très concrètes sur la mise en oeuvre du Dalo, par exemple à travers une analyse comparée des décisions des commissions de Paris, de la Seine-et-Marne et de la Seine-Saint-Denis.