Dotations aux collectivités : plusieurs chantiers à relancer
De nouveaux chantiers de modernisation de la dotation globale de fonctionnement devront probablement intervenir dans les années à venir, a estimé le 24 juin le directeur général des collectivités locales devant des députés. Il a notamment évoqué les limites du mécanisme actuel de financement de la progression des dotations de péréquation en direction des communes et la nécessité de financer les charges des communes peu denses. Le haut fonctionnaire a également dévoilé des pistes de réforme des indicateurs financiers qui entrent dans le calcul des dotations.
La dotation globale de fonctionnement (DGF), que le gouvernement de Manuel Valls avait envisagé en 2015 de réformer en profondeur, avant d'y renoncer face aux protestations de certains maires, "peut encore tenir quelque temps, mais sera probablement dans les prochaines années à réinscrire [à l'agenda des réformes]", a estimé ce 24 juin le directeur général des collectivités locales, Stanislas Bourron. Le haut fonctionnaire était auditionné par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale.
Depuis 2017, la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation d'intercommunalité ou encore les modalités de la péréquation au profit des communes d'outre-mer ont été retouchées. En outre, une dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité a vu le jour. Mais alors que l'actuel président de la République s'était dit prêt, à l'automne 2018, à "rouvrir le sujet" de la réforme d'ensemble de la dotation globale de fonctionnement (voir notre article du 22 novembre 2018), rien n'a en fait été accompli par le gouvernement d'Edouard Philippe puis par celui de Jean Castex.
"Prendre en compte la faible densité"
En 2015, il avait été constaté que la DGF "pâtit d'une architecture peu lisible" et "d'une répartition inéquitable" – avec par exemple des communes défavorisées qui voient leur attribution baisser d'année en année – et ne tient pas compte des évolutions de l'organisation territoriale, a rappelé, lors de l'audition, la députée Christine Pires Beaune, auteure à l'époque d'un rapport au gouvernement sur le sujet. Sa contribution avait servi à la rédaction de la réforme inscrite dans le projet de loi de finances pour 2016.
Les travaux menés à ce moment-là – qui avaient été prolongés en 2016 – constituent une base de réflexion "solide" et "pertinente", a considéré le directeur général des collectivités locales. Mais si une réforme de la DGF devait être enclenchée de nouveau, elle aurait à introduire de nouveaux éléments, a-t-il dit. En précisant par exemple que la nécessité de "prendre en compte la faible densité, les charges liées à la faible présence de population" est "une dimension qui a pris une très forte importance depuis 2015 et qu'on n'avait pas complètement vue". L'enjeu est de "préserver des recettes pour ces communes dont la perspective n'est pas de se développer massivement" et de "reconnaître les aménités rurales". Ce sujet est aujourd'hui pris en compte via la dotation "biodiversité" (dont le montant en 2021 s'élève à 10 millions d'euros). Une dotation qui sera sans doute amenée à évoluer encore prochainement. "On reviendra sur [le dispositif] à l'occasion du PLF 2022", a glissé Stanislas Bourron.
Financement de la croissance de la péréquation : chantier à venir
La dotation nationale de péréquation (DNP), mécanisme de solidarité qui bénéficie aux communes (790 millions d'euros) "est toujours sur la sellette", a aussi déclaré l'administrateur civil hors classe. Il a évoqué plusieurs pistes d'évolution : la suppression de la dotation et le fléchage de son enveloppe vers la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation de solidarité urbaine, voire dans la dotation forfaitaire, ou encore la création d'un "outil un peu différent" qui fonctionnerait avec des "critères de richesse fiscale".
Le directeur général des collectivités locales a aussi mis sur la table la question de l'avenir de l'écrêtement de la dotation forfaitaire des communes, qui permet de financer la progression des dotations de péréquation. Avec ce mécanisme, 24.000 communes ont vu leur dotation forfaitaire baisser de 142 millions d'euros en 2021 (dans la limite de 1% de leurs recettes réelles de fonctionnement). Les prélèvements ont été calculés en fonction de la population et du potentiel financier : les communes les moins riches n'ont donc pas été ponctionnées. Mais certaines communes ayant une situation financière très favorable ont été épargnées. Elles font partie des quelque 500 communes qui ne touchent plus de DGF. Le législateur n'a pas prévu qu'elles contribuent via leurs recettes fiscales à l'effort en faveur de la croissance des dotations de péréquation. Dans ce contexte, l'écrêtement de la dotation forfaitaire "peut encore tenir quelques années, mais va finir par se heurter à une difficulté", a analysé Stanislas Bourron. "On va devoir de plus en plus écrêter, et donc prendre de l'argent à d'autres collectivités qui, le temps passant, seront peut-être moins riches que ce qu'on imagine".
Indicateurs financiers
Au-delà du dossier des dotations, Stanislas Bourron a évoqué les travaux de réforme des indicateurs financiers qui se poursuivent depuis le début de l'année au sein d'un groupe de travail du Comité des finances locales. La DGCL a récemment présenté à l'instance présidée par André Laignel une piste d'évolution du potentiel financier des communes : pour que l'indicateur reflète mieux la réalité de la richesse des collectivités, il prendrait en compte les recettes de droit de mutation à titre onéreux (DMTO) des communes et intercommunalités. Ce produit fiscal de 3 milliards d'euros est en effet totalement absent aujourd'hui des calculs du potentiel financier. Les travaux du CFL se concentrent également sur la nécessité de moderniser le calcul de l'effort fiscal, afin de tirer les conséquences de la disparition de la taxe d'habitation sur les résidences principales.
Sur ce sujet des indicateurs financiers, il n'est pas indispensable de prévoir des mesures dans le projet de loi de finances pour 2022, a déclaré Stanislas Bourron. Agir de la sorte serait même "prématuré", selon lui. Les dispositions de "neutralisation" des effets de la réforme de la fiscalité locale sur les indicateurs financiers, figurant dans la loi de finances pour 2021, permettent de "rester serein" en 2022, a-t-il expliqué.