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Réforme des dotations : l'exécutif ne semble pas pressé

Auditionné le 4 juin sur les dotations de l'Etat, le ministre chargé des Collectivités territoriales a fait part d'une très grande prudence sur le chantier annoncé à l'automne dernier par le président de la République. Sébastien Lecornu a calmé les ardeurs réformatrices de certains députés de la majorité.

Le ministre en charge des Collectivités territoriales a confirmé, mardi soir, que la "question" de la dotation globale de fonctionnement (DGF) demeure "ouverte", mais il a montré une grande prudence sur ce chantier sensible annoncé en novembre dernier par le président de la République.
Cette réforme qu'à l'automne 2015 le Parlement a reportée d'un an, avant de l'enterrer l'année suivante, n'est probablement pas sur l'agenda des prochains mois. Car la priorité de l'exécutif va à la réforme de la fiscalité locale. "La question de la DGF est ouverte, sachant qu'il y en a une autre qui est déjà ouverte, celle bien sûr de la fiscalité locale", a indiqué Sébastien Lecornu. L'ancien président du département de l'Eure était auditionné à l'Assemblée nationale avec sa ministre de tutelle, Jacqueline Gourault. Lors de cette intervention sur les dotations de l'Etat, programmée dans le cadre du "Printemps de l'évaluation", il a aussi fixé les conditions qui lui semblent nécessaires pour lancer la réforme de la DGF. Il faut, a-t-il dit, "une volonté de coproduction loyale, équilibrée, saine (…) un climat dans lequel on fait peut-être un petit peu moins de politique". Une petite phrase qui était adressée en particulier aux dirigeants de l'Association des maires de France (AMF), lesquels ont donné ces derniers mois du fil à retordre à l'exécutif.

Réformer progressivement la DGF ?

Puisqu'un premier projet de réforme globale de la DGF a échoué, pourquoi ne pas modifier par étapes cette ressource de 28 milliards d'euros annuels pour les collectivités territoriales ? C'est la proposition qu'ont avancée les rapporteurs spéciaux de la commission des finances pour la mission Relations avec les collectivités territoriales, les députés LREM Christophe Jerretie et Jean-René Cazeneuve.
Ils ont présenté les trois priorités de leur plan de bataille. Primo : recentrer la dotation de solidarité rurale (1,5 milliard d'euros en 2018) aujourd'hui perçue par 33.000 communes. Secundo : l'articuler plus finement avec la dotation de solidarité urbaine (2,2 milliards d'euros), car aujourd'hui 220 communes bénéficient des deux dotations. Tertio : supprimer la dotation nationale de péréquation (DNP) sur dix ans. "Peu comprise par les élus locaux", cette dotation de 800 millions d'euros annuels, essentiellement attribuée à partir de critères de richesse, serait reversée dans les dotations de solidarité urbaine et rurale.
Un scénario bien ficelé que Sébastien Lecornu a balayé d'un revers de manche. "Tout ce que vous proposez va à l'encontre du principe de stabilité" qui avait été le maître-mot des députés lors de la discussion à l'automne dernier de la loi de finances, a-t-il dit. Semblant moins fermée que son collègue, Jacqueline Gourault a toutefois attiré l'attention des députés sur la situation de 92 communes, essentiellement des communes littorales de taille moyenne, qui, parmi l'ensemble des dotations de péréquation, ne bénéficient que de la DNP, "pour des montant parfois élevés".

Evaluer l'efficacité des dotations

Le ministre s'est montré beaucoup plus ouvert à l'idée de développer les "indicateurs de performance" permettant d'évaluer l'efficacité des dotations de péréquation et de celles qui ont pour objet de soutenir l'investissement local. Il a proposé par exemple la création d'"indicateurs verts", comme la part de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) mobilisée et mobilisable pour la transition écologique.
Alors que les dotations de péréquation représentent aujourd'hui le tiers des 28 milliards d'euros de DGF (contre le quart en 2014), la loi "n'impose aucun indicateur de performance sur cette péréquation", a souligné Jean-René Cazeneuve. "Le potentiel fiscal, facteur déterminant dans le calcul des dotations de péréquation, peut sembler obsolète du fait de la non-révision des valeurs locatives cadastrales des habitations", a-t-il aussi fait remarquer. Il a ainsi plaidé pour "une actualisation des outils mesurant la richesse des collectivités".
Faut-il revoir par ailleurs les critères d'éligibilité à la dotation d'équipement des territoires ruraux (plus d'un milliard d'euros en 2019) ? Le ministre a opposé ses plus vives réserves sur cette demande formulée notamment par le rapporteur général du budget, Joël Giraud (LREM) et la députée (socialiste) Christine Pirès Beaune. Les députés ont regretté que des départements ruraux comme l'Ariège, les Hautes-Alpes et le Puy-de-Dôme aient vu leur part de DETR baisser l'an dernier. Ces évolutions résultent, selon eux, de récentes modifications du dispositif, qui ont élargi le nombre des bénéficiaires de la dotation. Une analyse sur une longue période contredit le constat dressé par les députés, a répondu la ministre de la Cohésion des territoires. Par exemple, le département des Hautes-Alpes a vu le montant de sa DETR progresser de 106 % depuis 2014.

DSIL : un bilan positif

Sur la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), les députés ont dit être rassurés. Il y a un an, ils s'inquiétaient de la sous-consommation des crédits de paiement destinés à cette dotation (voir notre article du 11 juin 2018 : Dotation de soutien à l'investissement local : une sous-consommation liée à "un cercle vicieux", selon Gérard Collomb). Mais, à l'approche de la fin du mandat municipal, la DSIL monte en puissance. Sur les 456,3 millions d'euros engagés l'an dernier en faveur de cette dotation, 389,5 millions d'euros ont été consommés. Soit plus du double du volume consommé en 2017 (159 millions d'euros). La répartition des crédits de la DSIL a été "conforme aux grandes orientations de l'Etat, telles que votées par les parlementaires", a en outre constaté Sébastien Lecornu. 31% de l'enveloppe de la DSIL 2018 a servi au financement des contrats de ruralité, tandis que 17% ont bénéficié à des projets de rénovation thermique et de transition énergétique. La DSIL a ensuite financé (à hauteur de 15% pour chaque thème) la mise aux normes et la sécurisation des équipements publics, le développement des infrastructures de mobilité et le numérique (y compris la téléphonie mobile). Le reste de l'enveloppe a permis d'accompagner la politique de dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d'éducation prioritaire. Le "modèle de fonctionnement" de la DSIL est "à conforter", a conclu Sébastien Lecornu.

 

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