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Projet de loi Egalité et Citoyenneté - Documents d'urbanisme et réforme territoriale : les sénateurs apportent leurs retouches à travers le Plec

Maintien de la minorité de blocage dans les processus de fusion de PLU communaux au sein d'EPCI au-delà du 24 mars 2017, modification du code de l'urbanisme pour "maintenir une certaine continuité des Scot", suppression de la possibilité de créer de nouveaux PLUi "ayant les effets d'un Scot", nouvelle définition de l'intérêt communautaire au sein des EPCI : lors de leur examen en première lecture du projet de loi Egalité et Citoyenneté (Plec), voté le 18 octobre, les sénateurs ont souhaité mieux encadrer les conséquences des fusions intercommunales sur les documents d'urbanisme.

En commission spéciale comme en séance, les sénateurs ont apporté de nombreuses retouches aux dispositions du projet de loi Egalité et Citoyenneté concernant l'urbanisme et tout particulièrement les conséquences des fusions intercommunales sur les documents d'urbanisme (sur les dispositions liées aux autres volets du texte, notamment au logement, lire notre article de ce jour "Une maille à l'endroit, une maille à l'envers : que restera-t-il du Plec à la fin du jeu parlementaire ?").
L'article 33 du texte prévoit notamment d'autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnance pour "procéder à diverses adaptations du droit actuel pour prendre en compte les situations créées par les fusions d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard de la compétence relative au plan local d'urbanisme, aux documents en tenant lieu et à la carte communale".

EPCI et PLU 

Au cours de l'examen par la commission spéciale les 13 et 14 septembre dernier, les sénateurs ont d'abord modifié dans ce cadre la rédaction d'un point de la loi Alur selon lequel une "communauté de communes ou communauté d'agglomération […] issue d'une fusion après la date de publication de [ladite] loi, et qui n'est pas compétente en matière de plan local d'urbanisme […] le devient le lendemain de l'expiration d'un délai de trois ans à compter de [s]a publication". "Il résulte de cette rédaction qu'il ne saurait y avoir, avant le 27 mars 2017, et le cas échéant ultérieurement, un 'exercice immédiat' de la compétence PLU par l'EPCI issu de la fusion, alors même que cette compétence n'a pas encore été transférée dans les conditions prévues par la loi Alur. La volonté du législateur est bien que les conseils municipaux des communes membres puissent délibérer préalablement concernant ce transfert", ont fait valoir deux amendements identiques d'Hervé Marseille (UDI-UC, Hauts de Seine) et de Loïc Hervé (UDI-UC, Haute Savoie).
Deux autres amendements des mêmes sénateurs en commission font en sorte que le régime dérogatoire que le gouvernement est autorisé à créer par voie d'ordonnance pour permettre à certains EPCI, en raison de leur grande taille et de l'ampleur de la fusion dont ils sont issus, d'élaborer plusieurs PLUi partiels couvrant l'ensemble du territoire devienne un droit pour tous les EPCI concernés. Ils suppriment également la disposition selon laquelle le préfet de département doit valider le périmètre des PLUi, estimant qu'il n'a pas à "interférer dans l'exercice de cette compétence décentralisée".
En commission, les sénateurs ont aussi affiné le périmètre des ordonnances que le gouvernement est autorisé à prendre en vertu de l'article 33 pour "traiter la diversité des situations en matière de PLU créés par recomposition territoriale". Ils ont précisé qu'il s'agit "de résoudre les difficultés identifiées pour les EPCI disposant aujourd'hui d'un PLUi tenant lieu de PLH (PLUi-H), arrêté ou approuvé, et dont le périmètre évoluerait à la suite à la mise en œuvre des nouveaux SDCI". Actuellement, 93 EPCI ont approuvé ou élaborent un PLUi-H et doivent fusionner avec un autre EPCI dans le cadre des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), et parmi eux 7 EPCI dotés d'un PLUi-H (approuvé ou arrêté) devraient voir leur périmètre évoluer du fait des SDCI, a expliqué la rapporteure du titre II du projet de loi, Dominique Estrosi Sassone (LR, Alpes Maritimes). De fait, à droit constant, "les dispositions habitat de leur PLUi-H ne pourraient plus produire leurs effets, la compétence habitat ne pouvant s'exercer qu'à l'échelle de l'EPCI dans son intégralité". Or "Le PLH ou le volet 'H' du PLUi est le support de la délégation de compétences des aides à la pierre, laquelle porte nécessairement sur l'intégralité du périmètre de l'EPCI", a souligné la sénatrice. L'amendement propose donc que les PLUi-H approuvés ou arrêtés des EPCI impactés par des mouvements de périmètre puissent temporairement produire leurs effets durant les trois ans qui suivent une fusion en considérant l'EPCI comme doté d'un PLH exécutoire sur l'ensemble de son territoire.

Intérêt communautaire

En commission, les sénateurs sont aussi revenus sur la majorité requise au sein des EPCI pour définir l'intérêt communautaire : il faudra la majorité des deux tiers des membres du conseil communautaire, et pas des suffrages exprimés. Lors de la discussion du projet de loi à l'Assemblée nationale, les députés avaient assoupli les conditions de majorité au sein des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre lors du vote au sujet de la définition de l'intérêt communautaire des compétences qui y sont soumis, en passant d'une majorité des deux tiers des membres du conseil communautaire à une majorité des deux tiers des suffrages exprimés. "Cavalier législatif", dénoncent les quatre amendements identiques qui ont supprimé cette modification.
Les sénateurs ont expliqué que cette définition de l'intérêt communautaire "a un effet significatif et durable sur le champ des compétences des communes et de leurs intercommunalités puisqu'elle fixe la ligne de partage, au sein d'une compétence, entre les domaines d'action transférés à la communauté et ceux qui demeurent du ressort des communes". D'où l'importance selon eux de prendre en compte tous les membres de l'assemblée délibérante.

Minorité de blocage

Au cours de l'examen en séance, les 11 et 12 octobre, les sénateurs ont encore adopté plusieurs amendements à l'article 33. Ils ont voté pour le maintien de la minorité de blocage dans les processus de fusion de PLU communaux au sein d'EPCI au-delà du 24 mars 2017. Dans le cadre de la fusion de communes au sein d'un EPCI, le projet de loi prévoyait jusqu'ici que le gouvernement publie une ordonnance pour que les communes conservent la compétence PLU "jusqu'à la fin de la période transitoire" prévue par l'article 136 de la loi Alur, soit le 24 mars 2017. Pendant cette période, 25% des communes représentant au moins 20% de la population d'un EPCI à fiscalité propre peuvent s'opposer au transfert automatique de la compétence PLU à l'intercommunalité. "La rédaction de ces dispositions laisse penser que la décision [des communes réfractaires] pourrait être remise en cause", a prévenu le sénateur prévient RDSE du Var Pierre-Yves Collombat, auteur d'un amendement qui supprime donc la référence à cette période transitoire pour "maintenir effective cette minorité de blocage". La rapporteure du titre II du projet de loi, Dominique Estrosi Sassone (LR, Alpes-Maritimes) a donné un avis favorable à cet amendement qui "lève une ambiguïté".

Périmètres des Scot

Plusieurs nouvelles dispositions concernent aussi les schémas de cohérence territoriale (Scot). Sachant que "la moitié des périmètres de Scot sont touchés par la dernière réforme territoriale", Jean-François Husson (LR, Meurthe-et-Moselle), Roland Courteau (SER, Aude) et Philippe Bonnecarrère (UDI-UC, Tarn) ont proposé à travers trois amendements identiques de "maintenir une certaine continuité". Ils ont souhaité modifier directement le code de l'urbanisme à ce sujet via le projet de loi Egalité et Citoyenneté, plutôt que d'autoriser des ordonnances. Les amendements permettent notamment "l'achèvement des procédures en cours dès lors que le débat sur le PADD a eu lieu avant l'extension du périmètre " et "d'engager une modification ou une mise en compatibilité des Scot existants jusqu'à l'approbation d'un schéma couvrant l'intégralité du nouveau périmètre".
De plus, si un EPCI n'est pas entièrement compris dans un tel schéma (suite à la fusion de plusieurs EPCI n'appartenant pas à un Scot par exemple), le principe est qu'"un Scot ne peut pas 'couper' un EPCI à fiscalité propre compétent : celui-ci est soit totalement inclus, soit totalement exclu". Pour "faciliter la recomposition de Scot" après la réforme territoriale, un établissement public de Scot ne pourra plus refuser de s'étendre à l'ensemble de la communauté ou de la métropole et ces dernières pourront anticiper le délai de réflexion de six mois qui était accordé, avant extension automatique du périmètre de Scot.
La réforme territoriale va également créer des situations où "le territoire d'une communauté ou métropole sera inclus dans plus de deux Scot", soulignent les sénateurs : dans ce cas, l'extension automatique du périmètre de Scot se fera au bénéfice du Scot qui compte dans son périmètre le plus grand nombre d'administrés, et non au moins 50% de la population. L'amendement remplace aussi l'expression "appartenance à un Scot" par "périmètre de Scot" pour que les communautés ou métropoles concernées par des Scot en cours d'élaboration soient également concernées par cette modification. Ces dernières pourront elles aussi anticiper le délai de réflexion de six mois. Si plusieurs EPCI ou syndicats mixtes porteurs de Scot à leur échelle fusionnent, le nouvel établissement assurera le suivi du ou des Scot, il pourra achever les procédures en cours sur leur périmètre initial et engager des procédures de modifications ou de mise en compatibilité jusqu'à l'approbation d'un Scot sur l'ensemble de son périmètre.

Passage au PLU intercommunal, PLU et communes nouvelles

Au-delà de l'article 33, les sénateurs ont introduit d'autres mesures concernant les PLU. Alors que selon le code de l'urbanisme actuel, un EPCI compétent en matière de PLU a l'obligation d'élaborer un PLUi "lorsqu'il le décide et, au plus tard, lorsqu'il révise un des PLU applicables dans son périmètre", un amendement d'Hervé Marseille en commission a restreint cette obligation au cas où l'EPCI ou la commune décide de "changer les orientations définies par le PADD". En effet, "l'obligation d'élaborer immédiatement un PLUi, dans les autres cas, comme la réalisation d'un projet en zone A et N, ne se justifie pas, en particulier si l'EPCI nouvellement compétent n'entend pas se doter rapidement d'un tel document", a soutenu le sénateur. "Le passage à un PLU intercommunal doit résulter d'une décision forte et non pas dépendre d'un événement incident et minime", a abondé Marc Daunis (SER, Alpes-Maritimes) via un autre amendement.
Que devient le PLU quand une nouvelle commune voit le jour, étant donné qu'au moins "370 nouvelles communes sont apparues depuis le 1er janvier 2015 et que 400 projets sont en cours ?" se sont aussi demandé les sénateurs de la commission spéciale. "Aujourd'hui, le code de l'urbanisme prévoit que l'obligation de réaliser un PLU à l'échelle de la commune nouvelle est automatiquement déclenchée par une procédure de révision. Elaborer un PLU à cette nouvelle échelle entraîne des délais de réalisation nécessairement plus longs et il serait préjudiciable qu'une telle démarche, qui fait totalement sens pour la parfaite réussite de la commune nouvelle, véritable collectivité territoriale réunie autour d'un projet politique fort, bloque le développement d'une partie d'un territoire pendant un certain temps", ont fait valoir Loïc Hervé et Hervé Marseille à travers deux amendements. Ceux-ci prévoient de n'imposer l'obligation de réaliser un PLU à l'échelle de la commune que "lorsqu'il s'agit d'une révision dite générale, mais de l'écarter pour celle qu'impose la réalisation par exemple d'un projet en zone A et N, comme le permet le code de l'urbanisme depuis la recodification."

Validité du POS

Dans les communes qui auront arrêté un projet de PLU avant le 27 mars 2017, le POS pourra rester valide en attendant l'approbation du PLU, au plus tard le 31 décembre 2017, alors que ces POS auraient dû devenir caduques le 26 mars 2017, ont également voté les sénateurs en séance. "De nombreuses communes n'ont pas pu mener à terme la procédure de révision de leur POS, du fait notamment des différentes réformes portant sur le contenu des PLU intervenues depuis la loi Alur", a motivé le sénateur Loïc Hervé. "En l'absence d'un tel dispositif, les POS deviennent caducs sans remise en vigueur du document antérieur et avec application du règlement national d'urbanisme. Une telle situation serait très préjudiciable pour les communes concernées et notamment contradictoire avec l'objectif du présent projet de loi qui prévoit d'élargir le champ de construction des logements sociaux."

Délais d'élaboration des PLUi

Concernant les délais d'élaboration des PLUi, "il paraît difficile à des EPCI fusionnés au 1er janvier 2017 et souhaitant joindre leurs procédures d'élaboration de PLUi de tenir le délai relatif au PADD qui doit être débattu avant le 27 mars 2017, condition nécessaire pour continuer à bénéficier du report des échéances (caducité des POS, obligation de mise en compatibilité avec un document supra, "grenellisation" des documents)", a jugé la rapporteure en commission dans un amendement qui n'a retenu que la condition d'approbation du PLUi avant le 31 décembre 2019. "Les territoires des anciennes communautés qui ont engagé une procédure de révision ou d'élaboration d'un PLUi avant le 31 décembre 2015 et dont l'ensemble des communes ont fusionné pour former une nouvelle commune après l'engagement de ce PLUi devront approuver ce plan local d'urbanisme, devenu communal, au plus tard le 31 décembre 2019", prévoit un autre amendement de Dominique Estrosi Sassone, voté en séance. Cette dernière estime qu'au moins six anciennes communautés de communes sont dans ce cas de figure qui n'était pas prévu par la loi. Elles bénéficient donc des mêmes prolongations de délais que les EPCI qui ont commencé à élaborer un PLUi intercommunal.
Lorsqu'un EPCI nouvellement élargi se retrouve à cheval sur plusieurs Scot ou non intégralement compris dans un Scot, son délai de réflexion pour choisir son Scot de rattachement a aussi été ramené de six à trois mois. Argument avancé par Jean-François Husson, Roland Courteau et Philippe Bonnecarrère, auteurs de trois amendements identiques en séance, justifiant ce raccourcissement : l'incertitude juridique qui prévaut durant ce laps de temps en raison de l'absence de "périmètre certain" et d'une "assemblée délibérante légitime".

PLUi ayant les effets d'un Scot

Par ailleurs, le débat parlementaire de la loi Grenelle II a permis la création des "PLUi ayant les effets d'un Scot", pour une minorité de territoires (isolés, en fond de vallée…). Or "le recours à cette procédure tend, de manière peu opportune, à se multiplier sur certains territoires, souvent dans un objectif 'défensif', en réaction à l'objectif légal fixé par la loi de 'couverture intégrale du territoire national par des Scot'", ont pointé Jean-François Husson, Roland Courteau et Claude Kern (UDI-UC, Bas-Rhin), ce qui "empêche souvent l'émergence de périmètres de Scot plus étendus et plus pertinents". En effet, "si certains avantages financiers d'économie d'échelle peuvent exister, ces derniers peuvent également être trouvés aussi efficacement par un simple 'groupement de commande' en coordonnant les cahiers des charges et les marchés des PLUi et du Scot". Leurs amendements ont donc supprimé ce dispositif, tout en permettant aux procédures déjà approuvées de produire leurs effets et à celles engagées de se conclure.
Enfin, l'objectif de "grenellisation" des PLU, intercommunaux ou non, est quant à lui prolongé de 2017 à 2019 car "les évolutions territoriales récentes, de même que celles réglementaires avec l'entrée en vigueur au 1er janvier 2016 d'un nouveau règlement de PLU appellent à un principe de réalité et à accorder un peu de souplesse en ce domaine", ont estimé dans leurs amendements Alain Vasselle (LR, Oise) et Loïc Hervé.

 

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