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Pôle emploi - Dix ans après, le retour des "comités de liaison" pour écouter les chômeurs

"Pôle emploi est une structure lourde, avec 45.000 personnes, 2.000 sites et 26 directions régionales, l'écoute des demandeurs d'emploi est un véritable levier de changement interne." C'est ce qu'a déclaré Christian Charpy, le directeur de Pôle emploi, le 18 mars 2009, lors d'un colloque organisé à Bercy par Solidarités nouvelles face au chômage, l'Agence nouvelle des solidarités actives, et le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP). Le but de cette rencontre était de réfléchir à la manière d'associer les chômeurs à la définition, la conduite et l'évaluation des services de Pôle emploi. Laurent Wauquiez a appuyé cette nécessité d'écoute : "C'est précisément parce qu'il y a la crise qu'on a besoin de s'écouter", a ainsi affirmé le secrétaire d'Etat chargé de l'emploi. L'une des solutions envisagées, au-delà du médiateur de Pôle emploi mis en place depuis deux mois (voir encadré), ce sont les comités de liaison. Créés dans chaque agence locale avec la loi contre les exclusions de 1998 sous la pression de mouvements de chômeurs, ces comités étaient destinés à "améliorer l'information des demandeurs d'emploi et leur capacité à exercer leurs droits". Dix ans après, ce colloque a été l'occasion de dresser un état des lieux assez mitigé. Certains comités créés ont un bilan plutôt positif. Dans le Nord-Pas-de-Calais par exemple, des réunions sont ainsi organisées régulièrement entre les associations de chômeurs et les directeurs d'agence, avec un ordre du jour commun, qui aborde les sujets qui fâchent, y compris les radiations. Des contacts directs par la suite permettent aux associations de renégocier les radiations. "Après des phases d'affrontement, on en est venu à des choses beaucoup plus pratiques", a indiqué pour sa part Jean-Bernard Coffy, directeur régional de Pôle emploi Rhône-Alpes, qui a animé deux comités de liaison. "Cela a amorcé le dialogue ; nous avons ensuite pu discuter des radiations."
Dans d'autres régions, en revanche, la mayonnaise n'a pas pris. "A Vannes, il n'y a pas de comité de liaison, a ainsi expliqué une participante au colloque. Les directeurs d'agence ont refusé par manque de temps et à cause d'un taux de rotation trop important." Une enquête réalisée en janvier 2009 par le MNCP met en relief les problèmes rencontrés le plus souvent par ces comités : refus des directeurs d'agence d'en créer un, crainte de certains chômeurs, ordre du jour souvent imposé par l'ANPE, compte-rendu rédigé par la même ANPE, peu d'informations données aux chômeurs sur ces comités... La nécessité, imposée par la loi, d'avoir un seul représentant des demandeurs d'emploi, pose aussi de sérieux problèmes, les chômeurs étant amenés à retrouver du travail.
Si le bilan de ces comités de liaison est en demi-teinte, tous les participants au colloque ont réaffirmé la nécessité de les relancer, en modifiant leurs modalités. "Il est impératif de faire avancer les choses, l'aspect de coconstruction permet aux usagers de Pôle emploi de devenir acteurs de ce dispositif", a ainsi affirmé Christophe Fourel, directeur général de l'Agence nouvelle des solidarités actives, qui considère que ce dialogue permettra aux chômeurs de mieux "faire face à une machine qui reste quand même complexe". "Il y a un besoin d'information sur l'utilisation du service public de l'emploi, a-t-il souligné, on est dans la même situation que quelqu'un qui va à l'hôpital." Pour certains, la fusion entre l'ANPE et les Assedic donne non seulement l'occasion de relancer le débat mais le rend indispensable. "Avec la création de Pôle emploi, il y a concentration des rôles, a déclaré Marie Lacoste, directrice adjointe d'Avenir Toulouse, cela doit nous amener à créer un moyen d'expression pour les chômeurs." Et parmi les thèmes qui doivent être abordés dans ces comités de liaison, on peut citer les modalités d'accueil et de suivi des demandeurs d'emploi, les prestations de services, l'application des sanctions et de modalités de recours, la qualité des offres proposées, les chiffres du chômage, etc. 
En tout cas, le gouvernement est bien décidé à donner une deuxième chance à ces comités. Objectif : développer ces comités d'abord au niveau départemental sur tout le territoire d'ici l'été 2009, pour ensuite décliner les rendez-vous localement. Mais la question des moyens reste en revanche en suspens. "Cela demande des moyens, de la formation, du temps. Tout cela a un coût", a souligné Marc Desplats, administrateur du MNCP Strasbourg.

 

Emilie Zapalski

 

Un médiateur de l'emploi pour régler les conflits individuels

Depuis le 19 décembre 2008 et suite au Grenelle de l'insertion, Pôle emploi est doté d'un médiateur national de l'emploi, en la personne de Benoît Genuini. Objectif : recevoir et traiter les réclamations sur le fonctionnement de Pôle emploi pour améliorer et humaniser les relations entre l'organisme et ses usagers. Pour faire appel à lui, il faut auparavant avoir fait une réclamation auprès de son agence locale, sans avoir obtenu satisfaction. A l'heure actuelle, 90% des demandes sont satisfaites au niveau des agences. Le médiateur s'intéresse au 10% restant. "C'est une voie de recours nouvelle, plus accessible, plus simple, plus directe, un moyen de régler à l'amiable les litiges, avant ou au lieu d'avoir recours au tribunal", explique Benoît Genuini. Mais le médiateur ne décide pas, il "recommande". A l'heure actuelle, il a déjà reçu quelque 200 mails et courriers de personnes en difficulté. Des courriers qui lui montrent à quel point la "machine" a besoin d'être améliorée. "Il y a à Pôle emploi le culte du règlement, du texte, de la gestion des listes, explique-t-il. Le problème, c'est quand ces procédures annulent toute initiative individuelle, comme de demander des excuses quand on a commis une erreur."
A partir du traitement de ces réclamations et de ses observations sur le terrain, le médiateur pourra élaborer des propositions d'amélioration, voire avancer des modifications dans les procédures ou les textes, pour "mieux faire vivre les rapports avec les demandeurs d'emploi". "Il est bon qu'il y ait une personne tiers qui puisse intervenir et résoudre les cas particuliers", a insisté Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, lors du colloque du 18 mars. Pour compléter le dispositif au niveau local, vingt-six médiateurs régionaux sont en train d'être nommés. Le médiateur livrera quant à lui chaque année un rapport au gouvernement.

E.Z.