Différenciation et dérogations aux normes : Elisabeth Borne à pied d'oeuvre

Lors d'une allocution, vendredi 8 septembre, devant les préfets, la Première ministre a confirmé qu'elle fera prochainement des propositions pour favoriser les expérimentations locales et les possibilités de dérogation aux normes. Elle a aussi annoncé la date du prochain comité interministériel des villes.

S'adressant à l'ensemble des préfets réunis, ce 8 septembre, à Matignon, Elisabeth Borne a déclaré qu'elle ferait "prochainement des propositions pour favoriser les expérimentations locales et renforcer le pouvoir de dérogation". La Première ministre agit en ce sens à la demande du président de la République. Dans le projet de relevé de conclusions des rencontres qui se sont tenues le 30 août à Saint-Denis, Emmanuel Macron indiquait que "la piste d'une plus grande expérimentation locale (qui supposerait une réforme constitutionnelle) ou différenciation ou tout au moins d'un vrai pouvoir de dérogation locale a été abordée pour renforcer aussi l'efficacité du couple Maire-Préfet". Il ajoutait que, sur cette question, il avait "demandé à la Première ministre de [lui] soumettre des décisions concrètes à prendre sous un mois" (voir notre article du 7 septembre). 

"Renforcer les marges de manœuvre locales"

"Nous voulons avancer rapidement", a confirmé Elisabeth Borne lors de son allocution devant les préfets. En insistant : "L’Etat territorial doit prendre des initiatives, innover et se saisir pleinement de son pouvoir de dérogation". Ce pouvoir dont disposent les préfets depuis avril 2020 leur permet dans certains champs, et à certaines conditions, de déroger à certaines normes réglementaires (voir notre article du 9 avril 2020).

Cet instrument conduit à "renforcer les marges de manœuvre locales dans la mise en œuvre des réglementations nationales", soulignait le Premier ministre, Jean Castex, dans une circulaire, à l'été 2020. Dans ce document, il listait les nombreux prérequis exigés de la part des préfets avant qu'ils ne l'activent. Des conditions qui ont probablement freiné les initiatives préfectorales. Moins de 500 demandes de dérogations ont été formulées par les préfets depuis trois ans, pointait Elisabeth Borne, en mai dernier (voir notre article du 17 mai). A l'époque, déjà, l'exécutif demandait "qu’une nouvelle étape soit franchie pour permettre de déroger aux règles nationales et faciliter l’aboutissement de projets locaux".

"Nous devons pouvoir supprimer une norme"

Comment ses souhaits vont-ils se concrétiser ? S'agira-t-il d'aller au-delà de l'actuel pouvoir de dérogation attribué aux préfets ? Ou simplement de relancer un appel aux préfets, pour que ceux-ci s'en saisissent davantage ? Il est difficile pour l'heure de le savoir. "Sans renoncer en rien aux objectifs de nos politiques publiques, une norme, nous devons pouvoir y déroger, nous devons pouvoir l’adapter, et nous devons même pouvoir la supprimer, le cas échéant", a dit simplement l'hôte de Matignon, ce 8 septembre. En appelant les préfets, en lien avec le ministre de l'Intérieur, à faire remonter leurs "idées", sans se "restreindre".

Ces pistes issues du terrain sont très attendues par Elisabeth Borne, qui y fera certainement référence dans les propositions qu'elle remettra au chef de l'Etat. Des préconisations dont Emmanuel Macron débattra avec les chefs de partis lors de leur prochaine rencontre, prévue à l'automne.

Devant les préfets, la Première ministre a fait l'éloge de la différenciation, qui "fait ses preuves depuis longtemps dans les outre-mer". "Nous ne devons pas chercher à imposer des réponses et des chemins uniques, dans une logique descendante. Au contraire, (…) vous devez identifier les enjeux spécifiques pour chaque territoire", a-t-elle plaidé. En insistant aussi sur le dialogue à avoir avec les acteurs locaux, en particulier les élus.

  • Sécurité, politique de la ville, écologie, éducation…

La Première ministre a évoqué de très nombreux autres sujets dans son discours, faisant même quelques annonces.

  • Très attendu par les élus locaux, le Comité interministériel des villes (CIV) se tiendra le 9 octobre prochain. La Première ministre l'a indiqué, alors qu'elle évoquait les émeutes du début de l'été. Ce CIV sera l'occasion d'"annoncer plusieurs mesures". La réponse aux violences urbaines "doit être globale", a-t-elle dit. En précisant : "Il y a des questions de sécurité et d’ordre public, bien sûr, mais plus largement de respect de l’autorité, d’intégration, d’éducation, de lutte contre la précarité et de mixité sociale." Elisabeth Borne a aussi salué le travail en commun mené, pendant et après la crise, par les élus locaux, les forces de l’ordre et le parquet. "Quand nous travaillons ensemble, nous agissons vite, bien et les résultats sont au rendez-vous", s'est-elle réjouie.
     
  • En matière d'écologie, la Première ministre a apporté un certain nombre de confirmations. Le chef de l'Etat présidera bien, "prochainement", un conseil de la planification écologique - la date du 18 septembre circulait récemment dans la presse - et la Première ministre présentera "dans quelques jours", aux partis politiques, la stratégie de l'exécutif en la matière. Par ailleurs, plusieurs ministres (en particulier Christophe Béchu, Marc Fesneau et Agnès Pannier-Runacher) engageront un tour de France pour "déployer la planification écologique dans les territoires, en lien avec les élus".
     
  • Au-delà des mesures mises en place pour cette rentrée, un "plan d'action complet" sera présenté pour lutter contre le "fléau" du harcèlement dans les établissements d'enseignement. Le ministère de l'Intérieur "aura tout son rôle" dans ce plan, a glissé la Première ministre.
     
  • La "force d’action républicaine", voulue par le président de la République, sera "prochainement opérationnelle". Cette proposition avait été présentée en janvier 2022 par Emmanuel Macron, dans le cadre de la campagne pour l'élection présidentielle. L'initiative vise à unir notamment "les forces de sécurité, les magistrats et les équipes éducatives", pour "rétablir en urgence l’ordre dans les quartiers en crise".
     
  • Grâce au plan dédié mis en place depuis quelques mois, les délais de rendez-vous pour la délivrance des titres d’identité ont été réduits à moins de 25 jours en moyenne, soit en dessous de l'objectif de 30 jours fixé par la Première ministre pour "l'été". 

         TB