Développement économique : un manque de coordination entre la DGE et les régions
Dans un rapport publié le 5 décembre 2024, la Cour des comptes salue l'évolution qu'a connue la Direction générale des entreprises (DGE) depuis 2018. Mais elle estime qu'il y a encore du travail à faire, notamment dans ses liens avec les régions, les autres ministères et dans sa capacité à construire des cadres d'actions et de discussion plus large sur des sujets d'intérêt commun.
Si la restructuration de 2018-2019 de la Direction générale des entreprises (DGE) a porté ses fruits en matière de décloisonnement, de positionnement et de renforcement de son expertise, il n'en est pas de même pour son rapport avec les territoires. C'est ce qu'indique la Cour des comptes dans son rapport "La DGE : une réorganisation aboutie, un rapport aux territoires à renforcer", publié le 5 décembre 2024. La DGE est forte de près de 760 collaborateurs au niveau central et s'appuie sur le réseau des services économiques de l'Etat en région (SEER) qui compte environ 360 agents au sein des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Elle est chargée de l'ensemble des politiques transversales de soutien aux entreprises et des politiques et dispositifs spécifiques à certains secteurs économiques. Ses compétences ont été récemment étendues aux enjeux de simplification de l'environnement juridique des entreprises et de promotion du développement durable et des enjeux de transition écologique. Elle a aussi étendu son champ d'action face aux crises sanitaire et énergétique.
La restructuration engagée en 2018 et 2019 avait conduit à une réduction de ses effectifs au niveau régional, pour tenir compte de la montée en puissance des régions en matière de développement économique dans le cadre de la loi Notr.
Le réseau régional avant tout conçu comme un relais
Une réorganisation aboutie selon la Cour des comptes mais qui laisse des marges de progression, notamment dans les relations avec les territoires. "Des progrès ont été observés avec la mise en place de treize 'projets prioritaires' impliquant étroitement la direction générale et les services économiques en région, décrit la Cour, la situation demeure cependant insatisfaisante : jamais explicitement formulé par l’administration centrale, le rôle du réseau régional est avant tout conçu comme celui d'un relais pour décliner les orientations et projets nationaux de la direction, sans prise en compte des priorités propres aux territoires ni de la nécessité d'animer le riche réseau d'acteurs locaux intervenant sur les questions de développement économique". La direction n'entretient aucun lien direct avec les conseils régionaux, hors certains dossiers ponctuels. Une situation paradoxale, dans la mesure où avec la crise sanitaire, les SEER ont augmenté leur champ d'intervention, au-delà de ce que prévoyait la restructuration. "Lors de son enquête, la Cour a relevé que les représentants des collectivités territoriales rencontrés sont pour leur grande majorité demandeurs d'interlocuteurs étatiques à même, sur les questions économiques, de parler au nom de l'Etat et d'articuler son action avec celle des collectivités territoriales, sans doublon", indique le rapport, qui fait le constat d'une centralisation de l'action de l'Etat, via la multiplication d'appels à projets nationaux, et d'un recours croissant à des opérateurs, tels que l'Ademe, sur lesquels les préfets et directions régionales n'ont qu'imparfaitement prise.
Il manque un cadre d'échange pérenne entre la DGE et les représentants des régions
La réduction des moyens du réseau régional de la DGE a également "fortement restreint sa capacité à appuyer l'échelon départemental de l'Etat, pourtant revalorisé à la faveur de la crise, encourageant de ce fait la création de structures parallèles", assurent les magistrats : les sous-préfets à la relance mis en place en 2020, les sous-préfets référents pour la territorialisation de France 2030… "La cohérence de l'action territoriale de l'Etat s'en trouve altérée", explique la Cour des comptes pour qui il manque un cadre d'échange pérenne entre la DGE et les représentants des régions. Pour pallier ce manque, la Cour recommande de mettre en place un cadre de concertation régulier entre le directeur général des entreprises, Régions de France et les représentants des conseils régionaux. Elle propose aussi de revoir le dimensionnement des moyens des SEER, dont le champ d'action a été largement étendu durant la crise sanitaire.
"Au-delà des premiers ajustements ponctuellement opérés, il apparaît nécessaire de les mettre en adéquation avec les missions qui leur sont confiées par la direction générale comme par les représentants locaux de l'Etat, insiste le rapport, des redéploiements devraient être envisagés à cette fin avec l'échelon central, dont les moyens ont crû depuis 2019".
Structurer des cadres d'actions et de discussion plus larges
La Cour recommande d'engager des travaux sur le dimensionnement pertinent des services économiques de l'Etat en région, en intégrant l'enjeu d'appui à l'échelon départemental. Les magistrats estiment enfin que la DGE devrait améliorer sa coordination avec les autres acteurs ministériels puisqu'elle a un positionnement transverse et une fonction d'intégration à l'échelon central de l'Etat des politiques et dispositifs de soutien aux entreprises et filières économiques, et qu'elle contribue aux grands plans de l'Etat (programmes d'investissement d'avenir, France 2030, …). Objectif : mieux étayer ses positions lors de discussions avec ses homologues et proposer des analyses objectives des besoins et situations des entreprises et des filières.
De même, la rue Cambon pense que la DGE, en parallèle au "mode projet" dans lequel elle s'est lancée, devrait structurer des cadres d'actions et de discussion plus larges avec ses homologues, pour déployer une approche plus complète et pérenne des sujets d'intérêt commun.