Congrès des maires - Développement économique : comment laisser respirer les initiatives locales sous les SRDEII ?
Comment les collectivités s'adaptent-elles à la réorganisation des compétences en matière de développement économique ? Lors d'un débat organisé sur le sujet le 22 novembre 2017 dans le cadre du 100e Congrès des maires de France, les maires ont souligné l'importance de laisser libre court aux initiatives locales et de ne pas favoriser uniquement les grands plans descendants. Exemples en Bretagne et à Grenoble...
Les lois du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique et des métropoles (Maptam) et du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation territoriale de la République (Notr) ont bouleversé les rapports entre collectivités dans le champ économique. Ces lois ont confié à la région le rôle de chef de file du développement économique, avec l'élaboration d'un schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) dressant les grandes orientations, et les aides économiques, dont elle peut confier la gestion aux intercommunalités. Elles ont aussi renforcé le rôle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et mis fin à la compétence générale des départements. Mais cette nouvelle donne passe difficilement chez de nombreux maires qui se sentent à l'étroi dans le carcan régional. "Nous devons faire face à une injonction, celle de la schématisation régionale, véritable rouleau compresseur qui étouffe les actions locales, a dénoncé David Lisnard, maire de Cannes, au cours d'une conférence sur le développement économique organisée le 22 novembre 2017 dans le cadre du 100e congrès des maires de France. Lui serait favorable à plus de "subsidiarité".
Des conventions de partenariat avec les intercommunalités
Certaines régions ou métropoles veillent cependant à ce besoin de respiration. Pour laisser libre court aux initiatives locales, la région Bretagne a ainsi signé des conventions de partenariat 2017-2021 avec chacune des 59 intercommunalités bretonnes. Une façon de prendre en compte, à l'échelon régional, les réalités et spécificités locales, tout en s'assurant de l'appropriation par chaque EPCI de la stratégie régionale. Un travail démarré en 2015 a permis d'aboutir à ces conventions qui sont organisées autour de trois volets. Ainsi, les EPCI peuvent choisir de mettre l'accent sur certaines des onze filières prioritaires identifiées au niveau régional. Ils peuvent aussi abonder les dispositifs régionaux de soutien des entreprises mais peuvent aussi développer leurs propres aides en lien avec la stratégie régionale. Enfin, un service public de l'accompagnement des entreprises (SPAE) est mis en place sur chaque territoire, pour permettre à chaque entreprise de bénéficier d'un accompagnement de proximité. Ce SPAE n'est pas une structure nouvelle mais la mise en réseau des acteurs concernés (région, réseaux consulaires…). Pour accélérer le tout, la région recrute des chargés de mission développement économique qui pourront soutenir sur le terrain les structures intercommunales qui en ont besoin. "La loi impose qu'il n'y ait pas de concurrence entre les territoires, or, sur les implantations des entreprises notamment, il y en a, a détaillé Delphine David, maire de Montfort-sur-Meu, vice-présidente de Montfort Communauté et conseillère régionale de Bretagne, mais en même temps il faut des initiatives locales, des dispositifs souples, pour pouvoir être innovant."
Fabriquer un bloc communal ensemble
A Grenoble, la communauté d'agglomération Grenoble Alpes-Métropole a accédé au statut de métropole le 1er janvier 2015. Composée de 49 communes totalisant près de 440.000 habitants, cette nouvelle métropole se substitue aux communes dans l'exercice de six grands domaines de compétences (politique locale de l'habitat, développement et aménagement économique, social et culturel, aménagement de l'espace métropolitain, protection et mise en valeur de l'environnement et du cadre de vie, politique de la ville et gestion des services). "Nous fabriquons un bloc communal ensemble, la Métropole et les communes, a précisé Christophe Ferrari, maire de Pont-de-Claix et président de la métropole, le bouleversement est derrière nous, il faut maintenant le mettre en œuvre ; la question est de savoir comment tous nous alignons les planètes pour que cela fonctionne, entre la région, les métropoles, les départements, les communes…" Pour son président, la métropole est le bon échelon pour porter le développement économique avec les communes. A l'heure actuelle, la métropole se lance dans une grande enquête en ligne jusqu'au 15 décembre, auprès des habitants, des étudiants, des entrepreneurs et visiteurs sur son image et son attractivité. Objectif : définir et améliorer l'attrait de la métropole. "L'important ne réside pas dans la définition d'une marque mais dans le processus pour déterminer ce qui nous définit", a souligné Christophe Ferrari.
Passer à une logique de co-construction
Pour Frédéric Cuvillier, président du Cner, maire de Boulogne-sur-Mer et président de la communauté d'agglomération du Boulonnais, il est encore trop tôt pour tirer un bilan des relations entre les régions et les intercommunalités. "En revanche, l'interrogation majeure est de savoir quelles seront les politiques des différents niveaux infrarégionaux dans ce cadre régional ; c'est là où la compétition peut prendre racine alors que la loi veut une lecture cohérente entre les territoires." Pour le président du Cner, la région doit laisser coexister des mesures d'accompagnement mises en place par d'autres collectivités et EPCI avec des dispositifs différents. "Alors il y a coopération entre les territoires", a-t-il affirmé. Attention aussi à ne pas réinventer ce qui existe déjà, a-t-il mis en garde, en allusion aux agences de développement économique, et à se saisir des bons instruments. "On fait des SRDEII sans inclure les chefs d'entreprise, a-t-il ainsi souligné, car on pense que l'action publique peut à elle seule faire cela, or les agences de développement économique permettent d'associer ces acteurs".
Sylvain Baudet, chargé de mission développement économique à la Caisse des Dépôts, invite à sortir des postures classiques. "On constate un épuisement des ressorts classiques de développement d'inspiration descendante, comme les SRDEII, les schémas de cohérence territoriale (Scot)… Ce modèle fondé sur l'idée qu'il suffit de créer les conditions d'accueil pour que le développement suive ne fonctionne plus", a ainsi affirmé le chargé de mission. L'enjeu est de "porter une vision prospective de long terme en accompagnant les initiatives locales" qui foisonnent dans les territoires. "Derrière, il y a la nécessité d'un changement de posture des collectivités : d'une politique dominante à une logique de co-construction, a expliqué Sylvain Baudet, on est souvent face à des initiatives locales qui ne sont pas vues ou pas comprises par les collectivités, dans le domaine de la mobilité ou de la relocalisation des activités… Il faut revoir les logiciels et le rôle des collectivités."