Environnement / Economie - Deux rapports pour alimenter le volet forêt du futur projet de loi d'avenir sur l'agriculture
Le gouvernement ne devrait pas manquer d'idées pour nourrir le volet forêt du futur projet de loi d'avenir sur l'agriculture qui doit être présenté au Conseil des ministres cet automne. Le 1er juillet, Jean-Yves Caullet, député-maire d'Avallon (89) et par ailleurs président de l'Office national des forêts (ONF) remettra officiellement à Jean-Marc Ayrault son rapport sur la filière forêt-bois dont les principales propositions avaient été dévoilées le 23 mai (lire notre article ci-contre). Il s'agit de sortir la filière de son "immobilisme" et de renflouer un secteur, qui pèse 6,5 milliards d'euros dans la balance du commerce extérieur de la France, a rappelé le député lors d'un point presse le 20 juin. L'objectif est de permettre à la filière, de la propriété forestière aux industries de transformation, d'augmenter fortement sa capacité à créer de la valeur ajoutée, a-t-il expliqué. Ce qui à terme devrait générer la création de 60.000 emplois environ, a-t-il précisé.
Pour y parvenir, le rapport préconise de revoir les dispositifs fiscaux propres à la forêt, en recouvrant la totalité de l'impôt sur le foncier non bâti, ce qui représenterait une manne de 30 à 40 millions d'euros pour la filière. Il recommande par ailleurs la création d'un "fonds stratégique" doté de 100 millions d'euros par an pour financer l'ensemble des investissements. Il faut à terme "réconcilier l'environnement et l'économie sur la multifonctionnalité de la forêt", a insisté Jean-Yves Caullet. Dorénavant "les règles doivent être préconisées par la société et non par les experts", a suggéré le député, invitant la filière forêt-bois "à sortir de son club restreint" et "à s'inscrire dans le débat public".
Un autre rapport, interministériel celui-ci – il a été commandé par les ministères en charge de la forêt, de l'industrie et de l'environnement – issu d'une mission décidée à la suite de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre derniers, propose aussi un ensemble de mesures concrète pour lever les obstacles à l'utilisation du bois, à sa mobilisation et sa transformation ainsi qu'à la gestion effective des forêts françaises. Il aborde également la gouvernance et le financement de la filière. Comme Jean-Yves Caullet, la mission interministérielle s'est interrogée sur la notion même de filière forêt-bois, partant du constat que le secteur constituait en France "un système hétérogène d'un faible degré d'intégration". Relevant "l'interdépendance" entre les secteurs d'utilisation du bois et "l'enjeu clé d'une meilleure articulation entre l'amont forestier et l'aval industriel", elle appelle à la "mise en place d'une stratégie qui puisse concilier les enjeux économiques et environnementaux du secteur (…) et qui renforce la cohérence entre les segments d'activités".
Un plan national de la forêt et du bois interministériel
Dans cette optique, elle propose l'élaboration d'un "plan national de la forêt et du bois, de caractère interministériel" qui serait la "clef de voûte" des instruments d'orientation et de conduite de la politique nationale. Le Conseil supérieur de la forêt et du bois rénové deviendrait alors le garant du plan national et de sa compatibilité avec les objectifs du développement durable. Pour renforcer l'insertion du secteur de la forêt et du bois dans une logique de croissance économique et de valorisation des ressources, la mission préconise la mise en place au sein du Conseil national de l'industrie d'un Comité stratégique de filière chargé d'établir un contrat national de filière assurant la mise en oeuvre des orientations du plan national forêt-bois.
A l'échelon territorial, le plan national sera décliné par des "schémas régionaux de la forêt et du bois" élaborés sous le pilotage conjoint de l'Etat et des Conseils régionaux et qui pourront se concrétiser par des contrats régionaux de filière adaptant aux contextes locaux les objectifs de développement définis par le contrat national de filière.
Après avoir dressé un inventaire des financements publics accessibles aux acteurs du secteur de la forêt et du bois, la mission a aussi examiné la pertinence et la faisabilité d'un financement complémentaire par les marchés du carbone, hypothèse envisagée à l'issue de la Conférence environnementale. Faisant le constat d'une crise structurelle sur le marché régulé européen du carbone et de la multiplicité des politiques éligibles aux recettes de vente de quotas, elle propose qu'un quart de ces recettes soit affecté au financement public de la filière forêt-bois. Cette ressource dont le montant reste incertain viendrait s'adjoindre, ainsi qu'une autre ressource nouvelle assise sur le changement d'affectation des sols, aux redéploiements proposés par la mission au sein des programmes du budget de l'Etat et des dépenses fiscales bénéficiant au secteur de la forêt et du bois. "L'ensemble de ces ressources permettrait d'assurer le financement des mesures proposées", assure-t-elle.
Industries de première transformation et construction
Ces mesures portent tout d'abord sur les entreprises de transformation et sur les usages du bois, avec comme priorités le renforcement des dispositifs publics venant soutenir l'investissement dans les industries de première transformation, ainsi que l'innovation et la formation. La mission formule également des recommandations pour dynamiser l'usage du bois dans la construction et propose d'infléchir les politiques publiques de soutien à l'usage du bois pour la production d'énergie en donnant la priorité à la production de chaleur, la production d'électricité étant limitée aux unités de cogénération, en particulier dans les scieries pour lesquelles une modification du tarif d'achat est présentée.
Un ensemble de mesures visent aussi à augmenter le volume de bois mis sur le marché. Pour répondre au constat d'un manque de gestion des forêts privées de petite et moyenne taille, le rapport envisage la création d'une structure nouvelle de type association syndicale territoriale de gestion forestière qui serait le maître d'ouvrage de la gestion groupée, des travaux d'infrastructure et de la mise en marché du bois de ces propriétés qui se trouveraient couvertes par un plan de gestion concerté et s'inscriraient alors dans la gestion durable. De manière plus générale, des recommandations sont présentées pour mieux articuler la mise en marché du bois avec les besoins des unités de transformation, notamment par le développement des relations contractuelles. Enfin pour sortir le bois des forêts, un soutien devra continuer à être apporté pour améliorer la desserte des massifs et accentuer la mécanisation de la récolte du bois, souligne le rapport.
Le dernier volet concerne la gestion et le devenir du patrimoine forestier. Afin de permettre à la forêt de remplir l'ensemble des objectifs de la "multifonctionnalité", la mission recommande que les principes de la gestion durable s'imposent à tous. A cette fin, elle propose de préciser les concepts de la gestion durable par un référentiel constitué d'indicateurs et de critères pertinents et de faire évoluer les documents d'application de cette gestion dans le but d'en garantir l'effectivité. Les initiatives visant à développer les processus de certification s'inscrivent dans ce cadre.
La mission appelle également à un soutien ciblé de l'investissement dans les travaux sylvicoles et propose différents leviers d'aide relevant de la subvention publique ou de l'incitation fiscale, en concentrant les aides sur les seules forêts privées dotées d'un plan de gestion ou relevant de la gestion groupée. Afin de sécuriser ces investissements, des propositions sont présentées, d'une part pour inciter au développement de l'assurance contre les risques en forêt et, d'autre part, pour mieux maîtriser la densité de grande faune. Enfin, dans le contexte d'incertitude lié aux effets du changement climatique, la mission appelle à renforcer la recherche et à mener des expérimentations.