Des villes à l’air (un peu) moins pollué, mais toujours trop bruyantes, déplore la Cour des comptes européenne

Dans un rapport spécial publié ce 15 janvier, la Cour des comptes européenne relève que l’amélioration de la qualité de l’air dans les villes européennes s’améliore. Elle estime néanmoins que ces dernières doivent encore redoubler d’efforts en la matière. Elle déplore surtout le manque de résultats obtenus par une lutte contre la pollution sonore jugée insuffisante, voire inexistante, et à tout le moins aveugle.

Présenté ce 15 janvier par la Cour des comptes européenne, le bulletin scolaire de l’Union européenne (avec un focus sur trois villes, Cracovie, Barcelone et Athènes) en matière de "pollution urbaine" n’apparaît guère brillant. La Cour déplore que l’UE avance à l’aveugle dans sa lutte contre la pollution sonore. Quand elle avance… Et si les résultats sont plus probants en matière de lutte contre la pollution atmosphérique, la Cour juge que l’élève doit néanmoins redoubler d’efforts pour passer en classe supérieure. 

Lutte contre la pollution de l’air : du mieux, mais doit redoubler d’efforts

"La qualité de l’air dans l’UE s’est améliorée dans l’ensemble", félicite la Cour. Principal motif de satisfaction : "Dans l’ensemble, les émissions des principaux polluants atmosphériques sont en constante diminution". Mais cette réduction "n’entraîne pas automatiquement une diminution des concentrations de ces polluants" (constat récemment tiré pour la France : voir notre article du 15 octobre dernier, et l’UE – voir notre article du 3 septembre). Et c’est là que le bât blesse. 

La Cour ajoute ainsi de nombreux bémols qui ternissent la partition. 

Les rapporteurs relèvent en premier lieu que dans les trois villes auditées, "les normes ne sont toujours pas respectées" et "ce n’est que récemment qu’elles ont pu s’approcher de certaines valeurs limites actuellement en vigueur". 

Ils soulignent ensuite qu’alors qu’elles approchent de la barre, celle-ci va être rehaussée. Pour respecter les nouvelles normes plus strictes récemment fixées (voir notre article du 28 novembre), elles devront donc "redoubler d’efforts". Mais la Cour ne se fait guère optimiste : "Il est peu probable que les engagements de réduction soient respectés dans les années à venir".

A priori, pourtant, les moyens sont là. La Cour indique que l’UE a consacré 46,4 milliards d’euros sur la programmation 2014-2020 pour améliorer la qualité de l’air. Un montant qui devrait quadrupler sur l’actuel programmation (185,5 milliards d’euros). Reste à relever le défi de leur déploiement. La Cour prend comme exemple la difficile mise en place, tant politiquement que juridiquement, des zones à faibles émissions. D’autant que l’électromobilité peine toujours à convaincre la population. En témoigne l’échec de deux projets grecs : l’un prévoyant d’installer 4.500 points de recharge public d’ici à la fin de 2025 (à la mi-avril dernier, les demandes de financement adressées ne concernaient que 459 points de recharge) ; l’autre visant le renouvellement de la flotte de taxis (110 demandes reçues, alors que l’objectif est de remplacer 1.770 véhicules). Au passage, la Cour ne semble pas totalement convaincue par les résultats obtenus par ces ZFE. 

Lutte contre la pollution sonore : l’élève a fait l’impasse sur la matière

Le bilan est encore plus terne côté pollution sonore, tout le monde semblant faire l’impasse en la matière. "Les actions de lutte contre le bruit ne sont pas prioritaires dans les villes sélectionnées et ne sont, au mieux, que partiellement mises en œuvre", estime la Cour.

Selon elle, l’UE elle-même ne paraît guère investie. La Cour note que cette dernière n’est même pas en mesure de chiffrer le montant de l’aide qu’elle alloue à ce combat. Elle met également en relief le fait que "la directive sur le bruit dans l’environnement de 2002 n’a jamais été révisée" (même si elle l’envisage – voir notre article du 24 mars 2023). Et, plus encore, que l’UE n’y a fixé "aucune valeur limite ni aucun objectif de réduction européen", rendant ainsi les (éventuels) progrès accomplis en matière de réduction de la pollution sonore "difficiles à évaluer". La seule véritable contrainte pour les États membres consiste à présenter régulièrement des cartes de bruit stratégiques afin d’évaluer l’exposition de la population et des plans d’action pour réduire la pollution sonore. Une obligation qui n’est pour autant guère respectée – y compris par la France (voie notre article du 25 juillet dernier) –, la Cour constatant des "plans d’action qui [ont] pris du retard ou n'exist[ent] pas du tout". 

Une autorité trop laxiste ?

La Cour pointe ici la responsabilité d’une Commission européenne jugée trop laxiste. 

D’abord, cette dernière tarde à sévir. La Cour relève par exemple que la Commission européenne n’avait engagé des procédures d’infraction contre l’Espagne, la Pologne et la Grèce que respectivement 5, 6 et 9 ans après avoir eu connaissance du non-respect du délai applicable au polluant NO2.

Ensuite, ses procédures sont trop longues. Sur les huit cas d’infraction relatifs à la pollution atmosphérique que la Cour a examinés en détail, elle constate que deux dossiers ouverts depuis plus de dix ans n’étaient toujours pas clôturés et que, dans cinq autres cas, la durée maximale de trois ans que s’est fixée la Commission a été dépassée. Sur les 106 procédures engagées depuis l’entrée en vigueur des directives sur la qualité de l’air ambiant, sur les plafonds d’émissions nationaux, et sur le bruit dans l’environnement, seules 54 sont clôturées.

Enfin, ses procédures sont inefficaces. La Cour remarque que si la Commission a eu gain de cause dans trois affaires portées devant la Cour de justice de l’Union européenne contre la Grèce, l’Espagne et la Pologne en matière de qualité de l’air, "dans deux cas, les dépassements ont continué même après l’arrêt de la CJUE" (la France n’y échappe pas : voir notre article du 8 février 2024). Idem en matière de lutte contre le bruit : les procédures lancées en 2016 et 2017 contre ces mêmes États membres "étaient toujours en cours au moment de l’audit et aucun des trois pays ne satisfait aux exigences de la directive".

Absence de coordination

Sur le fond, la Cour juge que les élèves ne sont pas toujours fautifs. Elle dénonce notamment le manque de coordination entre autorités locales et/ou entre autorités locales et nationales. Et de prendre l’exemple de Cracovie (dans l’ensemble plutôt en tête de classe, loin devant Barcelone et plus encore devant une Athènes proche du radiateur), où les concentrations de PM10 et de PM2,5 ont considérablement diminué avec l’interdiction d’utiliser des combustibles solides pour le chauffage édictée en 2019, mais qui reste affectée "par la pollution générée par les municipalités et les régions voisines". Dans la capitale grecque, c’est "un manque de coordination et une absence de répartition claire des fonctions entre les ministères et les représentants de la ville" qui est pointé.

L’exercice est dans tous les cas difficile. La Cour observe ainsi qu’à Barcelone, les limitations de circulation ont entraîné une augmentation de 33% des activités commerciales dans certains quartiers, "où les bars et restaurants sont devenus de nouvelles sources de bruit".