Des pistes pour concilier objectif ZAN et lutte contre le mal-logement

La  Fondation Abbé-Pierre et la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) publient un rapport conjoint pour rappeler les contradictions apparentes entre les objectifs de "Zéro artificialisation nette" et ceux du logement des personnes, et démontrer que des solutions existent pour dépasser les oppositions.

D’un côté, il y a l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols d’ici 2050, inscrit dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021, et dont la trajectoire se résume par le chiffre d’un peu moins de 100.000 hectares disponibles pour construire des logements, des infrastructures, des équipements. De l’autre, il y a environ 4,2 millions de personnes mal logées, dont 330.000 sans-abris. Pour les loger, mais aussi pour répondre aux évolutions démographiques futures du pays, il faudrait construire environ 400.000 logements par an durant 10 ans, au lieu des quelque 300.000 actuels. Comment concilier ce qui paraît inconciliable, d’autant que l’habitat est le premier facteur (63%) de consommation de sols ?

Pour tenter de résoudre cette équation, la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) et la Fondation Abbé-Pierre (FAP) ont mené une étude en réalisant 36 entretiens avec des réseaux d’élus locaux, des collectivités territoriales, des parlementaires, des aménageurs, des urbanistes, des architectes, des chercheurs. Elles ont également enregistré les remontées du terrain de 16 collectivités engagées dans des démarches innovantes (Appel à manifestation d’intérêt ZAN, Territoires pilotes de sobriété foncière, etc.). Suite à ce travail d’enquête, les deux fondations ont rédigé un rapport, présenté en visio-conférence ce 19 mars, qui dégage 40 recommandations sur la façon de produire des logements en consommant peu ou pas du tout d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf).

Taxation progressive des propriétaires

La FNH et la FAP pointent les 3,1 millions de logements vacants (dont 1,2 million vacants depuis plus d’un an) et les 3,5 millions de résidences secondaires qui sont occupées réellement deux mois dans l’année. Elles proposent de créer une taxation progressive des propriétaires en fonction du nombre de logements qu’ils possèdent, en ciblant la multipropriété. A cela s’ajoutent 170.000 hectares de friches à recycler, les interstices de quartiers peu denses, les opportunités de surélévations dans les villes (environ 3 à 5% du bâti concerné). Autant de solutions qu’il faudrait examiner dans chaque territoire, selon ses spécificités, en coopération avec les collectivités.

L'une des propositions les plus originales découle du constat que 8,5 millions de logements sont sous-occupés. Il s’agit le plus souvent de personnes âgées, restées seules dans leur maison ou dans leur grand appartement, après le départ des enfants ou le décès de leur conjoint. Ainsi, 84% des 65-74 ans et 85% des plus de 75 ans sont en situation de sous-occupation de leur logement.

L’idée est de leur proposer des solutions qui répondent mieux à leurs besoins en termes de vieillissement ou d’isolement social, par des innovations déjà expérimentées sur les territoires : le béguinage, les habitats participatifs, partagés ou intergénérationnels. Et de libérer ainsi une offre pour loger les jeunes familles avec enfants. Il est donc primordial de réfléchir à la façon d’améliorer le parcours résidentiel des seniors.

Le logement social, levier pour la sobriété foncière

On ne pense pas toujours à lui reconnaître cette vertu : le logement social est peu consommateur d’Enaf. Ainsi, 84% des logements sociaux sont en habitat collectif. En Ile-de-France, 87% de la production HLM est faite en densification, en recyclage de friches ou en renouvellement urbain. Dans les Hauts-de-France, ce pourcentage est de 66%. Les logements sociaux restent à long terme une résidence principale au lieu d’une résidence secondaire. Enfin, la vacance ou la sous-occupation est bien moindre que dans le parc privé. Les auteurs du rapport préconisent donc de réserver des hectares à la construction de logements sociaux dans la répartition des quotas d’artificialisation au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCoT).

Cependant, rappellent la FNH et la FAP, pour parvenir à ces objectifs, il faut des moyens financiers et humains d’ingénierie territoriale. Elles en appellent au gouvernement afin d’augmenter chaque année les crédits du Fonds vert, au moins jusqu’en 2027. Or on sait que celui-ci, doté de 2,5 milliards d’euros dans la loi de finances 2024, doit être raboté de 400 millions.

Les deux associations entendent remettre leur rapport au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, en espérant que leurs propositions puissent être prises en compte dans le futur projet de loi sur le logement.

 

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