Environnement - Des élus vent debout contre les dérogations d'épandage aérien de pesticides
Le 24 juillet, la mission sénatoriale d'information sur les pesticides organisait une table ronde sur les effets des pesticides sur la santé des utilisateurs, de leurs familles et des riverains. Un sujet d'actualité, au moment même où se multiplient les épandages aériens de pesticides, en particulier contre la pyrale du maïs. Le Sud-Ouest, grand producteur de maïs, est le plus touché, avec principalement les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Poitou-Charentes. En Aquitaine, les départements du Lot-et-Garonne, des Landes et de la Gironde sont les plus concernés. "En Lot-et-Garonne, l'arrêté préfectoral prévoit 128 pulvérisations aériennes dans une centaine de communes. C'est un véritable déferlement par rapport à l'an dernier où ces interventions se comptaient sur les doigts d'une main", déclare Bernard Péré, élu Europe Ecologie Les Verts (EELV) du Lot-et-Garonne et président de la commission agriculture au conseil régional d'Aquitaine.
Aquitaine : un moratoire immédiat
Les élus des Landes ont déposé un recours en référé devant le tribunal administratif de Bordeaux. Et ceux de la région viennent de réclamer "un moratoire national à effet immédiat". En Midi-Pyrénées, dans le Gers, Catherine Grèze, députée européenne du Sud-Ouest (EELV), a saisi la Commission européenne, et Philippe Martin, président du conseil général (PS), vient d'écrire au ministre de l'Agriculture. En Haute-Garonne, le préfet avait pris un arrêté qui autorisait le survol des champs à une altitude de 50 mètres pour y épandre de la deltamétrine, de la cyperméthrine et du chlorantraniliprole pour traiter les insectes ravageurs du maïs sur 8.000 hectares, dont quatre zones classées Natura 2000. "Mais l'arrêté préfectoral a été supprimé, en raison de la floraison des cultures qui interdit l'épandage aérien. La campagne reprendra en août, avec des moyens de lutte biologique : des insectes prédateurs de la pyrale (Trichogrammes – parasitoïdes) seront envoyés par capsules en hélicoptère", précise Bernard Péré. Ailleurs, l'Indre et le Loiret sont également concernés pour le maïs et l'Ardèche, la Drôme, le Rhône, la Saône-et-Loire et l'Yonne pour la vigne.
Des risques sanitaires reconnus
Pourtant, les impacts sanitaires et de santé publique sont bien connus : risques pour les riverains, contamination des nappes phréatiques et des cours d'eau, destruction de la microfaune dont les abeilles, etc. Dans un communiqué commun, la Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab), la Confédération paysanne et des associations environnementales précisent que "les produits susceptibles d'être utilisés comportent des matières actives cancérigènes, des perturbateurs endocriniens ou des substances entraînant un risque d'effets néfastes pour le développement prénatal de l'enfant. Et dans la majorité des cas, la distance de sécurité de 50 m n'est pas de nature à rendre ces risques acceptables". C'est pourquoi ces interventions sont interdites par la directive européenne du 21 octobre 2009, transposée en France par la loi Grenelle II et un arrêté du 31 mai 2011, et autorisées uniquement à titre dérogatoire.
Une interdiction assouplie
En mars dernier, Bruno Le Maire, ex-ministre de l'Agriculture, a adopté une circulaire qui autorise la pulvérisation aérienne de sept pesticides supplémentaires. D'où une multiplication des demandes. Juliette Leroux, chargée de mission à la Fnab, dénonce "une véritable catastrophe car ces épandages déclassent toutes nos récoltes, voire l'ensemble de la parcelle concernée pour plusieurs années. Nous demandons l'interdiction des épandages, d'autant plus que le bilan coûts-avantages est négatif et que des méthodes alternatives existent. Il suffirait de pratiquer la rotation des cultures : ne pas cultiver du maïs tous les ans dans le même champ pour éviter que se développe la pyrale du maïs". Plus fondamentalement, c'est ce mode d'agriculture qui est en cause. "La monoculture est dans une impasse et il faut revoir l'ensemble de la politique agricole commune", conclut Bernard Péré.
Sylvie Luneau / Victoires éditions
Réduction de l'usage des pesticides : FNE appelle à respecter les engagements du Grenelle
France Nature Environnement (FNE) a appelé le 24 juillet le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, à ne "pas remettre en cause les engagements" actés lors du Grenelle de l'environnement de réduire de moitié l'usage des pesticides en 2018. "L'objectif de diminution de 50%, on sera en incapacité de l'atteindre, sauf à accélérer un processus dans des conditions et dans des mesures que je n'imagine pas aujourd'hui", a affirmé le ministre le 24 juillet devant la mission commune d'information sur les pesticides du Sénat. "On a bien un problème", a-t-il reconnu, tout en évoquant des progrès, comme le fait d'avoir "réussi à diminuer de près de 87% les recours à des molécules actives qui étaient considérées comme dangereuses". Fin juin, l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP) avait annoncé que, loin de se réduire, le marché des pesticides était en hausse en 2011 (+1,3% en volume), en raison de conditions météorologiques particulièrement éprouvantes pour certaines cultures.
"L'objectif du plan Ecophyto de réduire de 50% l'usage des pesticides a été négocié et signé par toutes les parties prenantes lors du Grenelle de l'Environnement en 2007, y compris les acteurs de la filière agricole", a rappelé FNE, qui fédère 3.000 associations. "Le problème n'est pas l'objectif mais la volonté politique pour l'atteindre", a précisé Jean-Claude Bévillard, vice-président de la fédération en charge des questions agricoles. FNE fait valoir une étude de l'Inra de 2009 démontrant qu'il était possible de réduire de 30% l'utilisation des pesticides sans perte de revenu pour les agriculteurs et sans modifier les systèmes de culture. "Une gestion plus économe des pesticides permet de diminuer les charges et d'augmenter ainsi les marges dégagées, comme l'ont compris les agriculteurs qui optent pour l'agriculture de haute valeur environnementale (HVE), estime FNE. Or les chiffres publiés par le ministère de l'Agriculture en octobre 2011 montrent une augmentation de près de 3% de l'usage des pesticides sur les trois dernières années. C'est-à-dire à l'opposé de l'objectif de réduction de 50% du plan Ecophyto." La fédération juge aussi qu'il s'agit d'une question de santé publique. Pour Claudine Joly, administratrice de FNE, "réduire l'usage des pesticides est une priorité pour des raisons de santé des agriculteurs qui les utilisent et des consommateurs et des applicateurs, de pollution des eaux et des sols, d'atteinte à la biodiversité".
Anne Lenormand