Des doutes s’expriment sur l’efficacité du CNR logement
Trois mois après le lancement par Olivier Klein d’un Conseil national de la refondation dédié au logement, des doutes s’expriment sur l’efficacité de la démarche, présentée comme devant favoriser l’émergence de solutions nouvelles. La Fédération des Offices publics de l’habitat (FOPH), de même que l’Union sociale de l’habitat (USH), ont d’ores et déjà rendu publiques leurs propositions.
Alors qu’une réunion plénière du Conseil national de la refondation (CNR), dans ses différentes composantes (*) est annoncée pour le 28 mars prochain, en présence du président Emmanuel Macron, le CNR logement poursuit ses travaux, suscitant, en off, des doutes chez certains membres de ses groupes de travail. Ces derniers déplorent le conservatisme des postures et des positions affichées par les uns et les autres à ce stade alors que le CNR logement, lancé le 28 novembre par le ministre de la Ville et du Logement, Olivier Klein, est censé favoriser l’émergence d’idées et de solutions nouvelles.
"Les différentes parties prenantes, qui proposent souvent depuis des années les mêmes idées de réforme, sans jamais être entendues, peuvent légitimement souhaiter défendre leurs positions avant d’en formuler de nouvelles", analyse un expert.
L’autre source de doute sur l’efficacité de la démarche provient de la juxtaposition des groupes de travail en cours sur le logement, sans coordination apparente. Ainsi, les réflexions lancées par le ministre de la Cohésion des territoires Christophe Béchu sur l’approfondissement de la décentralisation a commencé par la thématique du logement (voir notre article du 14 février). Par ailleurs, l'Observatoire régional du foncier (ORF) d’Ile-de-France s’est vu confier récemment une mission pour réfléchir à la régulation des prix du foncier, sujet qui figure naturellement parmi ceux traités par le CNR logement.
Interrogée jeudi 23 février en marge de la présentation des résultats 2022 de Nexity, sa présidente-directrice générale Véronique Bédague, qui coanime le CNR logement avec Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, a indiqué que les trois groupes de travail du CNR poursuivaient leurs travaux. Elle a souligné qu’à titre personnel, face à la crise du logement en cours, elle était favorable à la mise en place d’un statut de bailleur privé, qui se substituerait aux dispositifs d’incitation fiscale de type Pinel, supprimés. Concernant la rénovation thermique des bâtiments, l’ancienne directrice de cabinet de Manuel Valls à Matignon a évoqué l’opportunité de mesures visant à accélérer les prises de décision au sein des copropriétés.
Polémique autour du financement des autorités organisatrices de l’habitat
Alors que les trois groupes de travail du CNR logement viennent de remettre au cabinet du ministre de la Ville et du Logement et aux deux co-animateurs du CNR leurs propositions respectives, élaborées au terme de plusieurs réunions de travail et après une série d’auditions, la Fédération nationale des offices publics de l’habitat (FOPH) a présenté mercredi 15 février ses propositions pour la décentralisation des politiques de l’habitat et la rénovation énergétique élaborées dans le cadre du conseil national, créant aussitôt une vive polémique avec Action Logement.
Concernant la décentralisation des politiques de l’habitat, la FOPH plaide pour que soit dédié aux autorités organisatrices de l’habitat un financement propre, prenant en exemple les autorités organisatrices de la mobilité, financées par une part du versement Mobilité. "Dans le cadre de la loi 3DS, la FOPH a promu l’idée de l’Autorité organisatrice de l’habitat comme outil de décentralisation des politiques de logement", rappelle Marcel Rogemont, président de la FOPH et membre du CNR logement, soulignant qu’aucun financement n’est prévu pour ces instances.
Des propos qui ont aussitôt déclenché une levée de boucliers de la part d’Action Logement : "Les partenaires sociaux s’étonnent et déplorent l’absence totale de concertation et d’échanges dans l’élaboration de l’étude présentée par la FOPH à ce sujet, qui s’en prend tant au mode de fonctionnement d’Action Logement qu’aux modalités des interventions du groupe", regrette Action Logement.
Outre la mise en place d’un financement dédié pour les autorités organisatrices de l’habitat, la fusion du plan local de l’habitat (PLH) et du plan local d’urbanisme (PLU) "pour plus d’efficacité des politiques de l’habitat" figure aussi parmi les propositions de la FOPH. A propos du rôle des organismes HLM dans la transition énergétique, les offices publics de l’habitat militent pour la création de "MaPrimeRénov’HLM", "pour accélérer les réhabilitations performantes du parc social". "En 2022, 3,4 milliards d’euros ont été dépensés pour MaPrimeRenov’, rappelle Marcel Rogemont : sachant que les HLM représentent 17% des résidences principales, nous demandons que 17% de cette manne nous soient versés".
* Les trois groupes de travail du CNR logement : "redonner aux Français le pouvoir d’habiter" ; "réconcilier les Français avec l’acte de construire" ; "le logement à l’avant-garde de la transition énergétique".
Sans surprise, l’USH a saisi l’occasion du Conseil national de la refondation dédié au logement pour demander la fin de la réduction du loyer de solidarité (RLS), qu’elle compense au détriment de ses capacités d’investissement, ainsi qu’un retour à un taux de TVA de 5,5%. Constatant que les effets de l’inflation et de la crise énergétique pourraient conduire à une augmentation des risques d’expulsion des ménages pauvres, l’USH propose d’inscrire dans la seconde édition du plan logement d’abord "des objectifs ambitieux de développement d’une offre de logement adaptée aux ménages sans domicile" (pensions de famille, résidences sociales, PLAI*, PLAI adaptés). L’USH propose d’expérimenter le refinancement de certains logements du parc social existant (PLS) pour en faire des PLAI* adaptés, de soutenir les gestionnaires de structures collectives ou de sécuriser le Fonds national d’aide vers et dans le logement (FNAVDL), en augmentant son financement. L’USH préconise également l’adoption d’une série de mesures pour protéger les ménages les plus faibles de la hausse du coût de l’énergie. Constatant que la charge foncière représente plus de 20% du prix de revient d’une opération et afin d’encourager la mise sur le marché de terrains avec un potentiel constructible, l’USH recommande une taxation sur le stock foncier non valorisé. Elle est favorable à une simplification des modalités de délégation du droit de préemption urbain aux organismes de logement social, ainsi qu’à une aide accrue aux maires bâtisseurs. Enfin l’USH propose d’instaurer "une servitude de performance urbaine et environnementale" dans le périmètre à proximité des transports en commun structurants, "qui permettrait aux préfets de région ou de département de fixer un niveau de densité minimale". Concernant le défi de la rénovation énergétique des bâtiments, l’Union recommande notamment "de renforcer et accélérer le plan de rénovation énergétique du parc social pour atteindre plus de 130.000 logements sociaux rénovés par an". *Prêt locatif aidé d’intégration |