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Des députés planchent sur la pauvreté à l'école

Médecine scolaire, fonds sociaux et non-recours au droit, gratuité de la restauration scolaire, expulsions des logements... ces sujets ont été abordés en commission à l'Assemblée nationale le 7 février, dans le cadre d'une table-ronde destinée à identifier des solutions pour lutter plus efficacement contre la pauvreté des enfants à l'école.  

En France, un enfant sur dix vit dans une situation de grande pauvreté, c'est-à-dire dans une famille dont le revenu est inférieur à 500 euros par mois (1). Ces 1,2 million d’enfants font partie des 3 millions vivant avec leur famille sous le seuil de pauvreté. 7,7% des enfants sont concernés par le phénomène de sous-alimentation, 48% des décrocheurs sont des enfants d'ouvriers contre seulement 5% des enfants de cadres. Une personne qui vit durablement en situation de grande pauvreté a 25 ans d'espérance de vie de moins que les autres... Tels sont quelques-uns des constats qui ont été égrenés à l'occasion d'une table-ronde consacrée au thème de la pauvreté à l'école, organisée par les commissions des affaires culturelles et de l'éducation et des affaires sociales, le 7 février 2018.
Face à cette situation "insupportable" et alors que "les enseignants et équipes éducatives sont en première ligne pour l'affronter", il s’agissait d’imaginer des "solutions concrètes et des actions partagées" pour permettre à ces enfants de réussir à l'école, a expliqué en introduction le député et président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, Bruno Studer (LREM).
Parmi les recommandations faites à cette occasion : instaurer une gratuité de la cantine, interdire l'expulsion des familles dont les enfants sont scolarisés, en finir avec la multiplicité des documents à fournir pour s'inscrire à l'école ou accéder à des prestations, développer des soins gratuits pour les enfants, faire que les fonds sociaux ne soient plus une variable d'ajustement… Auteur du rapport "Grande pauvreté et réussite scolaire : le choix de la solidarité pour la réussite de tous", Jean-Paul Delahaye demande que soient menées des actions sociales et de santé.

A Bobigny, un demi-poste de médecin scolaire pour 3 lycées, 4 collèges et 28 écoles

Plusieurs idées ont été avancées pour pallier le problème de la médecine scolaire. La visite médicale scolaire doit avoir lieu pour chaque enfant à l’entrée en maternelle, à l’entrée au primaire et à l’entrée au collège, a martelé Véronique Decker, qui dirige depuis 18 ans une école à Bobigny (Seine-Saint-Denis), ville qui ne compte aujourd'hui qu'un demi-poste de médecin scolaire pour trois lycées, quatre collèges et 28 écoles. "Evidemment, il n'y a plus de visites médicales sauf en cas d'urgence." Par ailleurs, plus de 100 enfants sont actuellement en attente d'une place en IME (institut médico-éducatif) et certains restent à la maternelle jusqu'à l'âge de 8 ans.

Contourner les stratégies d'évitement en renforçant l'attractivité des écoles

Véronique Decker estime que certaines aberrations administratives expliquent aujourd'hui cette "grande précarité structurante". En particulier le fait que "tout le système français repose sur le lieu d'habitation". Les mairies refusent ainsi l'inscription d'enfants dans les écoles si certains papiers jugés "essentiels" ne peuvent être présentés.
Pour contourner les stratégies d'évitement et favoriser la mixité sociale, George Pau-Langevin (Nouvelle Gauche) suggère de prendre exemple sur des initiatives telles que le développement d'écoles-orchestres ou encore celle instaurée par un établissement en Bretagne où toute la pédagogie est faite en anglais, modèles qui peuvent "inciter les familles 'bobos' à inscrire leurs enfants" dans ces établissements.

Des fonds sociaux diminués de plus de moitié en dix ans

Jean-Paul Delahaye invite de son côté les députés "à veiller comme le lait sur le feu" à ce que les fonds sociaux ne soient plus une "variable d'ajustement budgétaire". Ces derniers sont passés selon lui de 72 à 32 millions d'euros entre 2001 et 2011 "dans l'indifférence générale". Il souligne le "progrès significatif" opéré, dès l'ancienne mandature, avec l'augmentation, à la suite de son rapport, de 25% du montant des bourses au collège, une hausse qu'il juge encore insuffisante. De l'ordre de 450 euros par an pour la tranche maximale, elle n'était que de 360 euros par an en 2015.
Pour faire face au problème du non-recours aux prestations sociales qui concernent, selon une députée, plus de 35% des personnes éligibles, Marie Aleth Grard, vice présidente d'ATD Quart Monde, estime nécessaire de penser ces aides "avec les personnes à qui elles sont destinées" et encourage à ce titre à aller regarder un dossier de RSA, afin de constater son caractère "trop intrusif". Concernant les demandes de bourses au collège, un travail a été engagé par le précédent ministère pour simplifier les dossiers et reculer la date des dépôts. Jean-Paul Delahaye plaide pour "qu'il n'y ait plus de date du tout".

Instaurer partout en France la gratuité de la restauration scolaire pour les plus pauvres

Beaucoup ont aussi souligné les problèmes de malnutrition et insisté sur la nécessité d'instaurer la gratuité de la restauration scolaire afin d'en faire "un droit pour tous". La députée Annie Vidal (LREM) a noté la fréquentation moindre des cantines en REP+ et le fait que la participation demandée aux parents était comprise entre 40 et 60%.
Une proposition de loi devrait être déposée en vue d'instaurer un "principe de progressivité du coût partout" et "la gratuité au moins pour les familles de la première tranche". Dans la même logique, des députés ont évoqué l'idée de systématiser un petit-déjeuner dans tous les établissements.

Interdire l'expulsion des familles dont les enfants sont inscrits à l'école

Les participants à la table-ronde ont également abordé la problématique du logement. Rien qu'en Ile-de-France, 15.000 enfants seraient hébergés en centres d'hébergements d'urgence et en hôtels sociaux ; 50% ont moins de trois ans et 11% ne sont pas scolarisés. Marie-George Buffet (GDR) plaide pour une loi qui interdirait l'expulsion de familles dont les enfants sont inscrits à l'école.
Les invités des députés se sont enfin accordés à saluer les mesures gouvernementales "CP dédoublés" et "devoirs faits". En revanche, pour Jean-Paul Delahaye, enlever une matinée de classe peut contribuer à réduire l'ensemble des efforts à néant.
 

(1) Il s’agit du seuil à 50% du niveau de vie médian selon les données 2012 d’Eurostat.