Dérogations aux normes : le Sénat appelle à donner les coudées franches aux préfets

Dans un rapport, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales fait dix propositions pour faciliter et encourager le recours par les préfets au droit de dérogation aux normes. Ses auteurs ont la conviction que l'outil peut favoriser la réalisation des projets des collectivités.

La communauté de communes Beauce-Val de Loire (Loir-et-Cher) a obtenu en novembre 2022 un délai pour lancer des travaux subventionnés par la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Le démarrage avait pris du retard notamment en raison de "l'évolution du projet" et de la réalisation de fouilles archéologiques.

Dans le département du Lot, la commune de Limogne en Quercy a, elle, été autorisée en mai 2024 à employer durant deux mois, dans ses centres de loisirs, entre 20% et 50% d'animateurs non qualifiés – alors que la règle fixe une limite à 20% de l'effectif total des animateurs.

Sept domaines concernés aujourd'hui

Les deux structures locales ont bénéficié du pouvoir de dérogation aux normes qui est accordé aux préfets depuis avril 2020. Les décisions prises en leur faveur figurent parmi les 780 arrêtés, qui, selon les statistiques de l'État, ont été pris dans ce cadre (80% ayant été initiés par les préfets de département et 20% par les préfets de région). Mais la réalité pourrait être plus proche du double, car l'administration centrale ne recense pas tous les arrêtés relevant du nouveau pouvoir préfectoral. Il n'en demeure pas moins, selon la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, à l'origine d'un rapport sur ce thème présenté le 13 février, que les préfets "ne se sont guère emparés" de cette faculté.

Par une circulaire du 28 octobre dernier, le Premier ministre Michel Barnier a simplifié la procédure de mise en œuvre du pouvoir de dérogation. Ce dont se félicitent les rapporteurs, Rémy Pointereau (LR) et Guylène Pantel (RDSE), puisque "s’il est utilisé à bon escient", cet outil "peut favoriser la réalisation des projets locaux et le développement des territoires".

Mais, selon les sénateurs, il est nécessaire d'aller plus loin, en donnant les coudées franches aux préfets. Leur faculté de dérogation serait bien trop restreinte actuellement, puisque limitée aux "règles de forme, de délais et de procédure" en ce qui concerne "les décisions individuelles" relevant de leur compétence dans sept domaines (subventions ; aménagement du territoire et politique de la ville ; environnement, agriculture et forêts ; construction, logement et urbanisme ; emploi et activité économique ; protection et mise en valeur du patrimoine culturel ; activités sportives, socio-éducatives et associatives). 

Élargissement à certaines dispositions législatives

Les auteurs du rapport poussent pour que les préfets puissent déroger à des dispositions réglementaires de fond et même à des règles de nature législative, ce qui, si cela était acté, serait une petite révolution. Ils recommandent toutefois d'aller prudemment dans cette direction, en commençant par une expérimentation qui donnerait aux préfets la faculté temporaire de déroger, sous certaines conditions, à des normes législatives du domaine de la construction, du logement et de l'urbanisme. Pour asseoir véritablement le droit de dérogation, la délégation aux collectivités estime qu'il faudrait aussi l'inscrire dans la Constitution. Mais "les conditions politiques" ne sont pas réunies actuellement pour y parvenir, reconnaît-elle.

La faible utilisation du droit de dérogation résulte aussi d’"une certaine frilosité 'culturelle' du corps préfectoral et des services d’instruction", considèrent les auteurs. Il ne serait "pas naturel" pour un préfet de déroger à des normes "alors qu’il est le garant du respect des lois, aux termes de l’article 72 de la Constitution". Pour changer les choses, les sénateurs proposent que les actions des préfets en matière "de simplification et d'adaptation aux enjeux locaux" fassent partie intégrante des critères sur lesquels les préfets sont évalués et leurs primes fixées.

 

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