Démographie : l'accélération de la publication des populations officielles, chantier à fort enjeu pour les collectivités

L'Insee travaille à une réforme qui réduira le délai de publication des populations de référence - ce que l'on appelait encore récemment les populations légales. L'enjeu est de taille, puisque pas moins de 350 dispositifs ou mesures, à commencer par le calcul de la dotation globale de fonctionnement, s'appuient sur ces données. Le chantier, qui répond à une attente de nombreux élus locaux, pourrait aboutir au début du prochain mandat municipal.

Les nouvelles populations de référence - ce que l'on appelait encore récemment les populations légales - ont été publiées le 19 décembre et sont entrées en vigueur ce 1er janvier pour chacune des collectivités territoriales (voir notre encadré ci-dessous). Ces informations, qui sont prises en compte pour la mise en oeuvre de près de 350 dispositifs ou mesures - à commencer par le calcul de la dotation globale de fonctionnement - correspondent aux données de population de l'année 2022, en application de règles qui sont désormais bien ancrées. Mais qui ne sont pas toujours comprises par les élus locaux. Certains d'entre eux aimeraient que les données de la population officielle soient plus fraîches. C'est régulièrement le cas d'élus issus de communes en forte croissance démographique, soucieux de voir les dotations attribuées à leurs communes prendre en compte ce phénomène. Ou encore d'élus en fonction dans des communes dont la population est susceptible de franchir un seuil légal qui détermine diverses dispositions (nombre de conseillers municipaux, indemnités des élus, possibilité de l'installation d'une pharmacie…).

Qualité des statistiques au rendez-vous

À l'automne 2022, leurs préoccupations avaient été relayées par des sénateurs lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2023 (voir l'amendement adopté à ce moment-là). C'était un épisode, parmi d'autres, d'une longue quête qui devrait finalement aboutir. Les populations de référence de l'année 2025 devraient, en effet, être publiées à la fin de l'année 2026 (pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2027). Avec, donc, un an d'avance sur le calendrier habituel. Et il en serait ainsi, par la suite, tous les ans. 

Cette perspective a été approuvée, le 17 décembre dernier, par la commission nationale d'évaluation du recensement de la population (Cnerp), organisme de concertation présidé par le sénateur socialiste Éric Kerrouche et composé notamment d'élus locaux (voir l'avis formulé par la Cnerp). Cette étape était essentielle à l'aboutissement du projet d'avancement du calendrier de publication des populations de référence. Pour être officiellement entériné, ce dernier doit encore recevoir l'aval du comité de direction de l'Insee, mais on voit mal ses responsables se prononcer contre un projet qui est jugé pertinent par ses propres experts et fait consensus au-delà.

La réforme "permettra notamment de fonder les politiques publiques locales sur des données décrivant une situation plus proche du moment de leur application", se félicite la Cnerp dans son avis. En soulignant que le groupe de travail constitué par l'instance sur le sujet, a fait état de "différences d’estimation acceptables" entre la méthode actuelle et celle qui la remplacerait, "y compris à l’échelle communale". Et ce "quelle que soit la taille de la commune" et "quel que soit son mode de recensement" - pour rappel, le recensement est exhaustif dans les communes de moins de 10.000 habitants et est effectué par sondage dans celles de plus de 10.000 habitants.

Impact sur les dotations

En outre, la mise à jour des populations officielles sera avancée sans remettre en cause le principe d’égalité de traitement entre les communes. "Comme précédemment, les populations de référence de toutes les communes se référeront bien au même millésime", insiste Sébastien Hallépée, responsable de la division Méthodes et traitements des recensements à l'Insee et membre du groupe de travail de la Cnerp.

À noter aussi : les populations de référence millésimées 2024 seraient celles d'une "année blanche", puisqu'elles seraient diffusées "en même temps que les populations de référence 2025". De ce fait, elles n’auraient pas de caractère réglementaire", selon l'Insee. Les élus locaux retiendront surtout, côté calendrier, que la réforme entrerait en vigueur après les prochaines élections municipales. C'est un point positif pour eux, puisqu'ils ne souhaitent pas qu'elle interfère avec la campagne électorale.

Reste que la modification ne serait pas sans conséquences sur les montants de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux collectivités territoriales, comme le montrent des simulations de l'Insee et de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Si le calendrier avait été avancé dès 2024, la dotation forfaitaire - la principale part de la DGF, qui est sensible aux évolutions démographiques - aurait augmenté cette année-là de plus de 1% pour 24% à 28% des communes des strates comprises entre 20.000 et 100.000 habitants et 45% des villes de plus de 200.000 habitants. "Les communes qui gagnent avec la réforme sont celles qui sont en forte croissance démographique sur la période", analyse Sébastien Hallépée, interrogé par Localtis. À l'inverse, la dotation forfaitaire aurait baissé de plus de 1% pour 20% à 28% des communes des strates inférieures à 20.000 habitants. Selon l'expert, ces communes "perdantes" sont "celles qui perdent des habitants sur la période".

"Enjeu démocratique"

Il faut souligner que la réforme agirait seulement comme un accélérateur d'évolutions touchant la DGF, dont les véritables causes se trouvent du côté des mouvements démographiques. Certains des maires des communes "perdantes" en ont d'ailleurs conscience et estiment qu'au-delà de ses conséquences négatives à court terme sur la DGF de leurs communes, le nouveau calendrier serait bienvenu. Ce serait une bonne nouvelle "démocratique", estimait par exemple, en 2023, Vincent Chauvet, le maire d'Autun. Les communes en déprise démographique "cherchent à renforcer leur attractivité et à gagner ainsi des habitants. (…) Le fait de savoir si une commune a gagné ou perdu des habitants constituera la pierre de touche du bilan de l’action municipale", déclarait cet élu Modem, dont la commune est pourtant touchée par un déclin de sa population (13.144 habitants en 2022). Mais conscients que le changement de méthode pourrait susciter pas mal d'interrogations, les membres de la Cnerp ont préconisé dans leur avis d'accompagner celui-ci d'un "effort de communication et de pédagogie", notamment à l'égard des élus.

› De nouvelles populations de référence depuis le 1er janvier

Un décret paru au Journal officiel du 1er janvier a rendu officielles les données de population au 1er janvier 2022, que l'Insee avait publiées quelques jours plus tôt sur son site internet. Ces dernières sont donc en vigueur : elles s'appliqueront sur l'ensemble de l'année 2025.
Les données mises en ligne par l'Insee permettent de connaître les populations des communes, des départements et des régions, ainsi que de circonscriptions administratives comme les cantons et les arrondissements. Elles peuvent être visualisées facilement, grâce à un outil de cartographie interactive.

 

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