Délinquance enregistrée en 2024 : les infractions liées aux stupéfiants explosent dans l"hyper-ruralité"

Le premier bilan de l’insécurité et de la délinquance enregistrée en 2024 dressé par le SSMSI fait ressortir des résultats contrastés. Si plusieurs indicateurs sont stables ou à la baisse, les violences sexuelles, singulièrement les viols, et les infractions liées aux stupéfiants sont en forte hausse. L’étude confirme que ces dernières n’épargnent plus aucun département, les territoires "hyper-ruraux" étant peu ou prou ceux faisant face à la plus forte progression de mis en cause pour trafic (+171,4%).

Alors que le Sénat a adopté ce 30 janvier au soir la proposition de loi "visant à sortir la France du piège du narcotrafic", la "première photographie" de l’insécurité et de la délinquance enregistrée en 2024 présentée le matin même par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) confirme, si besoin était, que le phénomène continue de grossir : les infractions liées à l’usage de stupéfiants ont augmenté de 10% l’an passé en France, et celles liées au trafic de 6%. Des hausses que le SSMSI explique en partie par la mobilisation exceptionnelle des forces de sécurité intérieure pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). On observera toutefois qu’à l’échelle départementale, l’évolution du nombre de mis en cause pour usage est la plus forte dans l’Indre (Châteauroux a certes accueilli les épreuves de tir), la Nièvre et le Gers… Ce qui confirme plutôt le fait que la drogue n’épargne plus aucun territoire. Un dernier constat d’ailleurs corroboré par l’évolution du nombre de mis en cause pour trafic de stupéfiants, en hausse dans une quarantaine de départements l’an passé, et singulièrement en Lozère (+171,4%), dans les Hautes-Pyrénées (+113,6%), les Alpes-de-Haute-Provence (+104,9%), l’Ardèche (+75,3%), l’Isère (+72,2%), la Creuse (+64,9%) et le Cantal (+53,5%). Autant de départements, ou presque, que le sénateur Alain Bertrand considérait comme en tout ou partie "hyper-ruraux" dans le rapport qu’il avait consacré à cette notion (voir notre article du 30 juillet 2014). 

JOP : un impact "limité", et variable

L’impact des JOP sur la délinquance fait par ailleurs l’objet d’un éclairage particulier du SSMSI : ce dernier le juge globalement "limité". Il est variable selon les infractions : violences sexuelles et outrages et violences envers des personnes dépositaires de l’autorité publique, ventes à la sauvette et port d’armes ont été plus nombreuses sur la période dans les zones concernées par ces événements, alors que les cambriolages ou les dégradations volontaires y ont  au contraire diminué.

De manière générale, les résultats pour la France entière sont également contrastés. Ainsi, les violences sexuelles (+7%), singulièrement les viols et tentatives de viols (+9%), s’accroissent nettement, alors que les coups et blessures volontaire sur personne de plus de 15 ans sont quasi stables (+1%), tant pour les violences intrafamiliales (+1%) que celles hors cadre familial (0%). De même, si les homicides sont en légère baisse (-2%), les tentatives d’homicides (+7%) continuent de croître. Les vols violents sans arme (-11%), les vols sans violence contre des personnes (-5%) et les vols de véhicule (-1%) baissent ; les vols avec armes et les escroqueries et fraudes aux moyens de paiement (après de fortes hausses) sont stables ; les vols dans les véhicules (+1%) et les cambriolages de logement (+1%) progressent légèrement. Les destructions et dégradations volontaires en métropole décroissent (-4%). Dans les transports en commun, qui font l’objet d’un éclairage spécifique, les différentes infractions sont globalement en baisse, à deux exceptions près : les violences sexuelles (+6%) et les outrages et violences à personnes dépositaires de l’autorité publique / PDAP (+4%).

Lourd impact des émeutes en Nouvelle-Calédonie

Outre-mer, les émeutes en Nouvelle-Calédonie font l’objet d’un éclairage particulier, entraînant sur la période du 13 au 28 mai (du début des émeutes à la fin de l’état d’urgence), une explosion des homicides (6, +500%), des cambriolages de logement (133, +156%) et de locaux d’entreprises (815, +2.370%), des destructions et dégradations (1.310, +1.059%), des vols de véhicules (266, +402%), des outrages et violences à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité publique (66, +267%) et des vols avec violence (30, +114%). Les deux mois suivants sont également marqués par de multiples infractions : par exemple, 140 outrages et violences à l’égard des PDAP entre les 12 et 25 juin.

De quelques "spécificités territoriales"

Pour la première fois, ce bilan provisoire de janvier est dores et déjà accompagné d’un "atlas départemental", par ailleurs enrichi de cartes issues de l’enquête de victimisation conduite par le SSMSI portant sur le sentiment d’insécurité, la satisfaction vis-à-vis de l’action locale des forces de sécurité ou l’observation de patrouilles. Le document met une nouvelle fois en lumière quelques "spécificités" territoriales. Ainsi, le ratio du nombre de victimes d’homicides par rapport à la population est particulièrement élevé dans les Bouches-du-Rhône, en Seine-Saint-Denis, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe. S’agissant des coups et blessures volontaires intrafamiliaux, le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, la Seine-Saint-Denis et la Réunion sont les plus touchés, contrairement à la Loire-Atlantique, proportionnellement département le plus "épargné". Pour les autres coups et blessures volontaires, le nombre de victimes rapporté à la population est plus important à Paris, en Seine-Saint-Denis et en Guadeloupe. À l’inverse, les Yvelines et les Hauts-de-Seine sont les moins affectés. Pour les violences sexuelles, Paris, le Nord et le Pas-de-Calais sont les plus touchés, alors que les Bouches-du-Rhône et les Hauts-de-Seine sont moins concernés.

Les vols avec armes touchent plus durement les Bouches-du-Rhône et l’outre-mer, les vols violents sans arme Paris (de très loin) et la Seine-Saint-Denis (et moins le Nord, le Pas-de-Calais et les Yvelines), et les vols sans violence contre des personnes Paris (de très loin encore), alors que le Nord, le Pas-de-Calais, les Yvelines et la Seine-et-Marne sont les moins affectés. Les cambriolages de logement touchent proportionnellement davantage les Bouches-du-Rhône, Paris, la Gironde et l’Isère (la Réunion étant la moins touchée).

On notera enfin que la carte de localisation des commissariats de police et de brigades de gendarmerie fait apparaître une densité plus faible dans les Alpes, mais aussi sur la côte landaise, en Centre-Val de Loire, en Bourgogne, en Champagne-Ardenne et en Corse. Des informations utiles au moment où la Cour des comptes appelle à une refonte de cette carte.