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Transports - Dégradation des Trains Intercités : la Normandie unie contre la SNCF

Retards importants et récurrents, toilettes fermées, vandalisme, fraude, voyageurs ulcérés refusant d'être contrôlés : rien ne va plus dans les trains entre Paris et la Normandie, une région tout juste réunifiée par la loi mais unie depuis longtemps... dans ses critiques contre la SNCF. Trop c'est trop, viennent d'affirmer solennellement les présidents socialistes de Haute et de Basse Normandie, Nicolas Mayer-Rossignol et Laurent Beauvais en envoyant une lettre commune au président de la SNCF Guillaume Pepy.
"Les retards à répétition ne sont plus acceptables (...). Si cette situation perdure, certains usagers risquent de perdre leur emploi (...). Nous-mêmes utilisateurs réguliers du train sur ces axes, nous ne pouvons que confirmer ces difficultés", écrivent les deux élus, traduisant un mécontentement général déjà ancien et qui ne cesse de croître. En phase avec les problèmes quotidiens des voyageurs en direction de la capitale, les élus n'ont d'ailleurs guère le choix que de prendre le train, sauf à perdre beaucoup de temps dans les embouteillages aux portes de Paris. "Je prends le Rouen-Paris de 06h26 pour avoir de la marge mais il y a des retards réguliers, des déficits d'information", déplore Nicolas Mayer-Rossignol, dont le prédécesseur à la tête de l'exécutif régional est Alain Le Vern, aujourd'hui directeur général des TER et Intercités à la SNCF.
"Les matériels sont anciens, mal entretenus, de nombreux voyageurs n'ont pas de places assises, il y a des problèmes de disponibilité des conducteurs", renchérit Laurent Beauvais. Voyageant régulièrement sur la ligne Granville-Paris, qui passe par Argentan (Orne), Dreux (Eure-et-Loir) et finit son trajet à la gare Montparnasse.Iil dit être souvent arrivé en retard à des rendez-vous importants, notamment dans des ministères. Interrogé un matin au téléphone par l'AFP, alors qu'il a choisi de faire le voyage en voiture, il raconte être bloqué sous un tunnel, dans le quartier de la Défense. "Voilà où nous en sommes réduits", soupire-t-il.

Galères des usagers

Mais les soucis des élus ne sont rien en comparaison de ceux vécus par certains voyageurs, comme par exemple Ahmed-Rad Abdillahi Ali. Ce gestionnaire de produits d'assurance habite dans la région de Caen et se rend à Paris tous les jours pour son travail. "Je me lève à 04h45, je prends le bus de 05h31 jusqu'à la gare de Caen, puis le train de 06H09 pour être en principe à Paris-Saint-Lazare à 08h18", détaille-t-il. Le soir il n'est pas chez lui avant 20h45. En réalité, le tableau est plus sombre: il arrive souvent en retard au bureau et rentre chez lui à pied (45 minutes de marche), après avoir raté la correspondance avec le dernier bus.
Pour faire bouger les choses, il a fondé en 2008 une association, l'Union des usagers du train Paris-Caen-Cherbourg (UDUPC). Celle-ci, sous l'impulsion de sa nouvelle présidente, Frédérique Lacour, cadre de santé, organise depuis mi-novembre une grève symbolique de présentation des titres de transport aux contrôleurs. "Pour nous le train c'est notre outil de travail", explique la présidente de l'UDUPC. A chaque ligne ou presque, son association : UPG pour Granville-Paris, Train de vie pour Vernon-Paris, UGB pour Bernay-Paris ...
Aux retards et à l'inconfort s'ajoutent incivilités et fraudes, a constaté un journaliste de l'AFP, notamment quand les trains s'arrêtent à Mantes-la Jolie (Yvelines), zone de fort trafic ferroviaire et classée en zone de sécurité prioritaire. Et il y a la question des toilettes. Souvent sales, elles sont parfois carrément fermées. Tout récemment un train de la ligne Le Havre-Rouen-Paris a fait un arrêt présenté comme "technique" à Mantes, pendant vingt minutes... pour permettre aux voyageurs d'aller soulager leur vessie. Les toilettes ne pouvant être vidangées qu'à Paris, elles étaient pleines et avaient donc été fermées. Depuis, un centre d'avitaillement est en cours d'aménagement à Sotteville-lès-Rouen.
Un projet de liaison rapide, la Ligne Nouvelle Paris-Normandie (LNPN) desservant Rouen, Le Havre et Caen est censée soulager le trafic. Mais pas avant au moins dix ans. Dans l'intervalle la SNCF doit améliorer d'urgence l'ordinaire, estiment élus et associations.

"Sur la ligne Paris-Rouen-Le Havre, on retrouvera au 15 décembre une situation normale grâce à des moyens d'urgence", a annoncé à l'AFP le directeur SNCF pour la Normandie Roland Bonnepart. Il a précisé que la capacité des trains, dont le nombre de voitures avait été diminué - redeviendra la même. Leur maintenance sera au besoin assurée dans d'autres centres en région parisienne que celui de Saint-Lazare, lequel pourra bénéficier de "renforts". "Début février, nous pourrons donner aux élus le détail du plan d'action que nous allons mener pour que le technicentre de Saint-Lazare retrouve sa pleine capacité de production", a-t-il dit.
"Nous aurons terminé au 1er avril 2015, après 14 mois de travaux, la voûte du tunnel de Rolleboise" entre Mantes-la-Jolie (Yvelines) et Vernon (Eure), a-t-il précisé au sujet d'un des plus anciens tunnels ferroviaire de France, ouvert en 1843 et long de 2,6 km.
Pour la mi-2015, M. Bonnepart a annoncé des "actions complémentaires" pour aboutir à une capacité normale à la "mi ou fin 2015". "Entre 2005 et 2015 on aura dépensé 1 milliard d'euros", a-t-il dit.
Pour la ligne Paris-Caen-Cherbourg, il a reconnu une forte dégradation en octobre de la ponctualité (17% de trains en retard). Il a fait état d'une amélioration de la situation depuis le 10 novembre (10% de retards) après des travaux sur les infrastructures et le matériel.
S'agissant de la capacité, il a annoncé, également pour le 15 décembre, un retour des trains à 10 voitures, soit un wagon supplémentaire.
Les deux lignes bénéficieront en outre du "plan choc" de 200 millions d'euros de 2014 à 2016 pour la rénovation des voies, de la signalisation et des installations de Paris Saint-Lazare, a ajouté Roland Bonnepart.