Déficit public largement plus élevé en 2023 : le scénario se confirme
Un déficit public qui s'élève à 5,6% du PIB en 2023, au lieu de 4,9%. C'est Bercy lui-même qui l'envisage, a indiqué le rapporteur général du budget au Sénat, à l'issue d'un contrôle, ce 21 mars, dans les locaux du ministère. Dans ce contexte, l'exécutif montre des signes de plus en plus évidents de sa volonté que les collectivités soient associées aux efforts de maîtrise des dépenses.
Le chiffre avait circulé jusque-là dans la presse, sans toutefois être confirmé par le gouvernement. Selon le rapporteur général du budget au Sénat, le déficit public pourrait bien être de 5,6% du PIB en 2023, contre un objectif de 4,9%. "Je confirme qu'à ce stade, les services de Bercy prévoient potentiellement un déficit à 5,6% du PIB pour 2023", a déclaré Jean-François Husson lors d'une conférence de presse, ce 21 mars. Le sénateur LR de Meurthe-et-Moselle venait de passer trois heures avec les services de Bercy, dans le cadre d'un "contrôle sur place et sur pièces" - une prérogative que lui attribue la loi. Objectif : obtenir la communication de l'ensemble des documents produits par le ministère sur la dégradation des finances publiques.
Sur le déficit de l'année 2023, les informations ont été distillées au compte-gouttes. Au lendemain des annonces faites le 18 février par Bruno Le Maire sur TF1, concernant les 10 milliards d'euros d'économies qui seraient prises dans la semaine, l'entourage du ministre de l'Economie a confié lors d'une rencontre avec la presse qu'il serait "probablement difficile de tenir le 4,9% en 2023". C'est le 6 mars que le ministre l'a franchement avoué : "Notre déficit public sera significativement au-dessus de 5% en 2023", a-t-il dit devant la commission des finances de l'Assemblée nationale. Sans toutefois avancer un chiffre.
Dérapage de 20 milliards d'euros
Interrogé sur France info dans la matinée de ce 21 mars, Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics s'est refusé, de même, à préciser les choses. Le déficit "sera supérieur à 5% en 2023", s'est-il borné à dire. Une réponse qui n'a pas satisfait la commission des finances du Sénat. Laquelle n'a pas voulu attendre la publication, le 26 mars par l'Insee, du résultat du déficit public pour 2023. D'où l'engagement surprise du contrôle effectué au ministère de l'Economie et des Finances. Un exercice de transparence sur des comptes publics dont le bilan est "édifiant, puisque la situation budgétaire est pire que ce que l'on imaginait", s'est alarmé le rapporteur général du budget.
A 5,6% du PIB, le déficit public est en 2023 à un niveau qui "n'a jamais été atteint sous la Ve République hors récession et hors crise", a souligné la commission des finances du Sénat dans un communiqué. En estimant que le dérapage de 0,7 point de PIB équivaut à une vingtaine de milliards d'euros. "C'est vertigineux", a jugé de son côté, au micro de France info, la députée socialiste Valérie Rabault. L'ancienne rapporteure générale du budget arrive, elle, à un montant "autour de 18 milliards" d'euros.
"Gestion budgétaire calamiteuse"
Or, selon Jean-François Husson, l'estimation par Bercy du déficit pour 2024 est "pire" que le résultat pour 2023. Etablie toutefois avant le "virage" du 18 février - n'incluant donc pas les 10 milliards d'euros d'économies annoncées - elle table sur "5,7%" à la fin de 2024, alors que l'objectif du gouvernement est de 4,4% (soit une différence de 1,3 point). Pour 2025, l'écart entre la cible et la prévision serait encore plus "massif", de 2,2 points de PIB (5,9% contre 3,7% envisagés), "si rien n'est fait". Cela représente un "différentiel" de "65 milliards d'euros minimum", s'est alarmé le sénateur. Mais on sait que le gouvernement a d'ores et déjà relevé son objectif d'économies à réaliser dans le budget 2025 (non plus 12 milliards d'euros supplémentaires, mais "au moins" 20 milliards).
"Dès décembre 2023, les services de Bercy alertaient le gouvernement sur un déficit pour 2023 prévu alors à 5,2%", a par ailleurs critiqué le rapporteur général du budget. En estimant que le gouvernement aurait pu et dû "ajuster la trajectoire" du projet de loi de finances pour 2024, qui était en cours de discussion au Parlement. L'exécutif "a fait de la rétention d'informations" et il lui a fallu "un trimestre" pour "sortir du bois", en prenant "tardivement" (le 21 février) le décret annulant 10 milliards d'euros de crédits dans le budget de l'Etat, a-t-il dénoncé. En concluant à l'existence d'une "gestion budgétaire calamiteuse" de la part du gouvernement.
"Mettre les collectivités locales à contribution"
"La situation est très préoccupante", a insisté le sénateur LR. En mettant l'accent sur les difficultés qui attendent le pays. Le décret qui procède à 10 milliards d'euros de coupes budgétaires "n'est qu'un avant-goût amer et douloureux de la potion que va proposer le gouvernement dans les semaines et les mois qui viennent", a-t-il redouté.
Une potion à laquelle les collectivités locales pourraient avoir à goûter. Car, au-delà des premières coupes budgétaires prises le mois dernier, il est de plus en plus clair qu'elles seront elles aussi concernées par les mesures qui seront annoncées dans les mois à venir. Le ministre de l'Economie a été le premier - le 6 mars - à juger nécessaire leur participation au "redressement des comptes publics" (voir notre article). Et ce 20 mars, lors d'un dîner à l'Elysée réunissant les chefs des partis et présidents de groupes parlementaires de la majorité – pour aborder notamment la situation des finances publiques – le président de la République lui-même aurait évoqué "la possibilité de mettre les collectivités locales à contribution". "L’Etat prend ses responsabilités, mais les collectivités locales devront aussi prendre les leurs", aurait estimé Emmanuel Macron, selon des informations du Parisien.
Haut conseil des finances publiques locales
L'exécutif va poursuivre rapidement ses consultations, afin de tenter de dégager des pistes d'économies. Au menu, notamment, la tenue, le 9 avril, d'une séance du Haut conseil des finances publiques locales, l'instance de dialogue entre l'Etat et les collectivités locales, que Bruno Le Maire a installée à la rentrée (voir notre article). Le but sera de "regarder avec tous les acteurs des collectivités locales quelles économies nous pouvons trouver", a précisé Bruno Le Maire, le 13 mars, dans l'hémicycle du Sénat.
Pour l'heure, le ministre délégué aux Comptes publics promet que le programme de stabilité qui sera présenté en avril à la Commission européenne tirera les conséquences des déboires de l'an dernier en matière de finances publiques. Dans ces prévisions, "il faudra naturellement que l'on tienne compte du fait que, pour l'année 2023, le déficit aura été plus élevé que prévu", a-t-il indiqué ce 21 mars, à France info.