Cour des comptes - Finances publiques : la situation est "sous tension", alerte Pierre Moscovici
Dans son rapport annuel, la Cour des comptes considère que les prévisions macro-économiques inscrites dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 sont "optimistes". Pour atteindre son objectif de réduction du déficit public à 2,7% du PIB en 2027, le gouvernement devra engager "de l’ordre de 50 milliards d'euros d’économies entre 2025 et 2027". Le défi est de taille.
Les prévisions pour les années 2024-2027 (notamment celles qui concernent la croissance) figurant dans la loi de programmation des finances publiques publiée en décembre 2023 sont probablement "optimistes", s'inquiète la Cour des comptes dans le tableau des finances publiques qu'elle brosse au travers d'une cinquantaine de pages de son rapport annuel, rendu public ce 12 mars.
Trop favorable (+ 1,4%), la prévision de croissance pour 2024 inscrite dans le projet de loi de finances pour 2024 a conduit le gouvernement à réviser mi-février celle-ci à 1%. Un niveau encore supérieur aux prévisions moyennes des économistes (0,7%). Les économies de 10 milliards d'euros prises le 21 février par le gouvernement vont ralentir le rythme d'augmentation de la dépense publique, mais "il n'est pas certain" que cet effort "suffise pour maintenir la prévision de déficit" à la fin de cette année (4,4% à la fin de l'année), souligne par ailleurs la Cour. Qui prévient : "le risque existe que la dette publique rapportée au PIB augmente de nouveau en 2024". Mais Bercy semble avoir déjà acté la nécessité en 2024 d'aller plus loin dans les coupes budgétaires, puisque Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, n'a pas exclu que soit présenté à l'été un projet de loi de finances rectificative.
Marges de manœuvre ténues
L'exécutif ne devra en fait peut-être pas se contenter de la révision de l'hypothèse de croissance en 2024. Car, selon la Rue Cambon, les hypothèses de croissance annuelle sur la période 2023-2027 sont elles aussi supérieures aux estimations des institutions. Le gouvernement a ainsi retenu une hypothèse de croissance annuelle de 1,35%, alors que par exemple le Haut conseil des finances publiques a tablé sur + 1% seulement. En outre, la Cour des comptes pointe les prévisions "ambitieuses" de réduction des dépenses publiques locales prévues par la loi de programmation des finances publiques jusqu'en 2027. Les prévisions de réduction "en volume de 1,9% en 2026" et "1% en 2027" sont-elles réalistes, alors que les collectivités locales "ne sont associées à aucun mécanisme contraignant" ? Tout dérapage des dépenses locales contribuerait à contrarier l'atteinte des objectifs de réduction du déficit public.
S'il veut tenir son objectif de ramener le déficit public à 2,7% du PIB en 2027, le gouvernement devra réaliser "près de 50 milliards d'euros d'économies" entre 2025 et 2027 (en plus des 10 milliards d'euros déjà actés pour 2024). Mais, "je pense que ça va être dépassé en vérité", a considéré le premier président de la Cour des comptes au micro de France culture ce 12 mars. "Un tel effort est d’autant plus difficile à mettre en œuvre, fait au passage remarquer la Cour dans son rapport, que la hausse des charges d’intérêts et de nombreuses lois de programmation sectorielle (Défense, Justice, Intérieur, Recherche) orientent déjà la dépense publique à la hausse, et que la transition écologique devrait mobiliser un volume croissant de financements".
"Qualité de la dépense publique"
Le montant annoncé par Bercy d'au moins 20 milliards d'euros de réductions budgétaires à trouver dans le projet de loi de finances pour 2025 "nous paraît raisonnable", a toutefois estimé Pierre Moscovici. L'institution qu'il préside appelle le gouvernement à identifier clairement ses sources d'économies. La revue annuelle des dépenses publiques "devra avoir des effets bien supérieurs à ceux du premier exercice, décevant, en 2024", prévient-elle aussi. En sachant qu'une partie de l'exercice relève de la responsabilité des magistrats. En effet, selon le quotidien Le Monde, Matignon a commandé à la Cour trois rapports pour alimenter la revue des dépenses publiques, dont un sur "la participation des collectivités territoriales au redressement des comptes". Au-delà des seules revues de dépenses, "l’effort d’économie nécessaire devra préserver les dépenses de nature à soutenir durablement l’activité économique et la transition écologique", souligne la Cour.
"Il faut vraiment faire un effort de maîtrise de la quantité de la dépense publique et d'amélioration considérable de sa qualité", a résumé Pierre Moscovici à l'antenne de France culture. En jugeant que la situation des finances publiques est "préoccupante, sérieuse en tout cas". Tout ça, ça fait une situation sous tension", a-t-il lancé.