Défaillances d'entreprises : un été meurtrier pour les PME françaises
Au troisième trimestre, les défaillances d'entreprises ont bondi de 20% par rapport à la même période l'an dernier, selon une étude du cabinet Altares. Sur un an, elles se montent à 66.000, soit un niveau jamais atteint jusqu'ici, dépassant même les pics enregistrés au moment de la crise financière et de la crise des dettes souveraines. 52.000 emplois se trouvent menacés dans les PME.
L'été aura été dur pour les PME françaises, avec 13.429 défaillances enregistrées entre le 1er juillet et le 30 septembre, soit une hausse de 20,1% par rapport à la même période l'an dernier, selon le dernier décompte du cabinet Altares publié le 15 octobre. Il faut remonter aux étés 2013 et 2015 pour trouver un tel niveau de sinistralité. En glissement annuel, le nombre de défaillances se monte à 66.000. Un chiffre jamais atteint depuis quinze ans, dépassant même les pics de la crise financière de 2009 et celles des dettes souveraines de 2014. C'est une augmentation continue depuis le plancher de 2021 où la situation avait été gelée dans le contexte du Covid et des nombreuses mesures d'aides prises alors. Les régions Bretagne, Normandie et Île-de-France ont connu les évolutions les plus défavorables au troisième trimestre, avec des augmentations de plus de 30% (38,3% pour la Bretagne).
"Certes, le volume est un peu au-dessus des pics atteints durant la crise financière puis celle des dettes souveraines, mais plus que le nombre c’est la taille des entreprises en défaut qu’il faut surveiller", estime Thierry Millon, directeur des études Altares. Les TPE de moins de 5 salariés concentrent 86% des procédures. Mais le cabinet alerte tout particulièrement sur la situation des PME et ETI qui représentent 8% des défaillances de l'été 2023, "une proportion qui reste au plus haut sur dix ans, très au-dessus de celle observée avant Covid (6,4% en moyenne)". "Les difficultés de ces employeurs font peser un risque fort sur l’économie et l’emploi des territoires", souligne Thierry Millon. Pour le cabinet, "le principal signal d’alarme" concerne la situation des PME de +50 salariés : les défaillances y bondissent de 47%, représentant une menace pour 52.000 emplois sur un total de 58.810 emplois menacés pour l'ensemble des défaillances, toutes entreprises confondues.
Des "signaux rassurants"
Dans ce contexte entendu, Altares perçoit cependant des "signaux rassurants" notamment pour le B2C et la vente au détail pour qui le sommet de la vague semble passé. Le commerce de détail enregistre ainsi une baisse de 7% des défaillances sur le troisième trimestre. Et les primeurs retrouvent des couleurs avec une chute de 27% des procédures. Après avoir plus que doublé à l'été 2022 (notamment du fait d'une explosion des coûts de l'électricité), la boulangerie semble sortir de la nasse et n'enregistre "que" 5% de défaillances en plus, soit à peu près le niveau de la boucherie. La restauration reste dans une période compliquée, surtout la restauration rapide (+26%). La situation reste également préoccupante pour les magasins de sport (+55%), les pharmacies (+38%), les auto-écoles (+70%)…
Pour ce qui est du B2B et des relations inter-entreprises, les activités de conseil aux entreprises (+41%) ou la sécurité (+39%), le conseil informatique (+60%), l'industrie manufacturière présente un tableau contrasté : le textile plonge (+59%), alors que l'imprimerie vire au vert (-38%). Le domaine des matériaux de construction (+22%) illustre les difficultés de l'ensemble de la filière qui enregistre 26% de procédures en plus. La promotion immobilière souffre particulièrement (+89%), de même que les agences immobilières (+30%).
Augmentation du coût du travail
Autre secteur en crise : l'agriculture (+34%), avec un niveau d'alerte pour le vignoble girondin (+81%) qui pâtit d'une surproduction persistante. Dans le secteur médicosocial, nombre d'ambulanciers mettent la clé sous la porte (+110%), "une activité dont l’évolution des défaillances est peut-être à mettre en parallèle de celles des taxis" (+54%), indique Altares.
Même si pour le cabinet, le mur de 70.000 défaillances semble "évidemment exclu", "il semble difficile de redescendre sous le plafond actuel dans les prochaines semaines". Et les perspectives budgétaires sont un point d'inquiétude de plus pour le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) François Asselin qui dénonce les orientations prise par le gouvernement dans son projet de budget 2025. Bercy espère économiser 4 milliards d'euros en baissant les allègements de charges patronales. "Une telle mesure ne va pas inciter à augmenter les salaires. Pire : l'augmentation du coût du travail risque de bouleverser l'équilibre recettes/dépenses et conduire à des licenciements et des défaillances d'entreprises", a-t-il estimé, dans un entretien au Journal du dimanche daté du 12 octobre.