Déchets en Île-de-France : la Driee veut valoriser plutôt qu'enfouir
En Île-de-France, à peine un tiers des déchets des ménages et des entreprises sont collectés en vue d'être recyclés, selon le dernier rapport de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (Driee) d'Île-de-France. La saturation et la division des capacités d'enfouissement oblige à agir vite et bien. L’État, la région, le Syctom et des collectivités volontaires cherchent des solutions.
En Île-de-France, c'est l'une des urgences environnementales : "La métropole francilienne collecte et trie mal ses déchets", martèlent les inspecteurs de l'environnement. Un corps constitué d'une centaine d'agents, aux missions multiples (dont l'inspection des installations classées), et qui dit parvenir à pallier la baisse d'effectifs en tirant notamment profit de la simplification administrative. "On envoie plus d'agents inspecter sur le terrain", a confirmé le 17 septembre leur patron, Jérôme Goellner, à la tête de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (Driee) d'Île-de-France, à l'occasion de son traditionnel bilan annuel d'activité.
Comment ce service déconcentré du ministère de la Transition écologique et solidaire œuvre-t-il pour améliorer la collecte et mieux valoriser les 30 millions de déchets produits chaque année dans ce territoire ? "En s'appuyant sur le pouvoir réglementaire, sur des moyens de contrôle et sur un dialogue approfondi avec les divers acteurs pour faire progresser le secteur", y répond-on. "En d'autres mots, sur notre triptyque "accompagner (les nouvelles filières, les collectivités)-réglementer-contrôler", résume Cédric Herment, chef de service prévention des risques et nuisances à la Driee IDF.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), adoptée en 2015, fixe un cadre à l'action. Tout comme le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), en voie d'être adopté. Les flux en jeu sont considérables : 10% des déchets ménagers français sont générés dans la métropole. A peine un tiers sont collectés et atterrissent dans une filière adaptée. Au rayon des causes, des constats connus : un maillage en déchetteries dix fois plus faible qu'à l'échelon national, un syndrome Nimby ("pas de cela chez moi") pas nouveau mais qui joue toujours plein pot… et des difficultés à s'organiser entre collectivités. Le tout alors que le temps presse : dès 2020, l'enfouissement doit baisser et les installations de toute façon saturent : "L'an dernier, elles ont été utilisées à plus de 90% de leur capacité autorisée." Face à l'urgence, une seule réponse : "Il faut alimenter les méthaniseurs, les incinérateurs et les centres de tri avec des déchets qui leur sont le plus adaptés."
Vers une refonte des règles de gestion
Un diagnostic visant à améliorer les schémas de collecte et de traitement franciliens est donc en cours. Autour de la table, l’État, la région, le syndicat de traitement des ordures ménagères (Syctom), chargé de traiter les déchets de 85 communes d'Île-de-France dont Paris, ainsi que des établissements publics territoriaux (EPT) du Grand Paris volontaires. "Un tel effort de coordination est sans précédent", vante Cédric Herment. S'il a déjà débouché sur un "programme d'actions préventives" concocté par le Syctom avec d'autres acteurs de la gestion des déchets (voir ci-dessous notre article du 5 juillet sur ce "Grand Défi"), les premières actions ne verront réellement le jour qu'en 2020. Il est ainsi prévu d'établir de nouvelles règles communes, de "préciser les flux sur lesquels agir" en priorité, sans oublier de parler de financement et d'éventuelles futures installations.
La Driee ne le cache pas : les entreprises sont dans le viseur. Le non-respect du décret de mars 2016 communément appelé "décret 5 flux", qui contraint les gros producteurs de déchets de trier papier, métal, plastique, verre et bois, est de notoriété publique. Des contrôles effectués fin 2018 dans des supermarchés et dans la restauration rapide par la Driee avec d'autres Dreal ont d'ailleurs donné lieu à des résultats désastreux et à une flopée d'infractions constatées. Après une action "coup de poing" l'été dernier dans des installations de stockage de déchets sur le contrôle de la prévention des incendies, une autre sera donc conduite l'an prochain dans des entreprises sur cet axe du tri des déchets. "Car ce sont eux, ces déchets non dangereux provenant d'activités économiques (DNDAE), qu'on retrouve en décharge. En clair, plus de la moitié des déchets qui y sont enfouis viennent des poubelles des entreprises, magasins et restaurants. Soit 1,5 million de tonnes de déchets dont une grosse partie (80%), pourrait être valorisée. C'est cette transition, cette réorientation vers des filières existantes ou à développer que nous accompagnons", indique-t-on à la Driee.
Un groupe de travail monté fin 2018 par la Driee avec des fédérations professionnelles, des exploitants et la région, piste ainsi les flux de déchets pouvant être détournés de l’enfouissement vers de la valorisation, matière ou énergétique. Une filière est mise en lumière, celle des combustibles solides de récupération (CSR). Ces CSR sont préparés à partir de déchets non dangereux solides, essentiellement des refus de tri de déchets municipaux, commerciaux, etc. "Des réseaux de chaleur comme celui de la CPCU pourraient utiliser des CSR. Mais cela ne se fait pas d'un jour à l'autre. C'est complexe et à l'interface entre le monde de l'énergie et celui des déchets. Nous contribuons aussi au développement d'autres filières comme la méthanisation en instruisant des projets ou en participant à l'élaboration de schémas", conclut-on à la Driee IDF.