Décentralisation de la police de la publicité : le décret est paru
Le décret destiné à acter la décentralisation de la police de la publicité extérieure aux maires et présidents d’EPCI telle que prévue au 1er janvier 2024 par la loi Climat et Résilience est paru le 31 décembre sur le fil du rasoir. Une publication jugée prématurée pour les élus qui auront à gérer sur le terrain cette prérogative qui inclut, outre le traitement des déclarations et autorisations préalables, les contrôles et les sanctions.
Que la commune ou l'EPCI dispose ou non d'un règlement local de publicité (RLP), les maires - et présidents d’EPCI - sont désormais compétents pour assurer la police de la publicité sur leur territoire, et le pouvoir de substitution du préfet supprimé. Le décret permettant la mise en cohérence de la partie réglementaire du code de l'environnement avec la décentralisation de la police de la publicité prévue au 1er janvier 2024 par la loi Climat et Résilience (art.17) est paru in extremis le 31 décembre.
De quoi froisser un peu plus les représentants d’élus, qui comme l’atteste le parcours chaotique du texte devant le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), auraient souhaité un délai supplémentaire d’au moins six mois "pour mieux se préparer à l’exercice de cette compétence". Et pour cause "la formation des agents à ce dispositif technique, le temps de travail à l’élaboration des règlements locaux de publicité et à leur suivi ainsi que l’évolution des logiciels représentent une charge financière conséquente", souligne entre autres l’instance consultative dans son avis défavorable du 5 octobre dernier.
Maires et présidents d'EPCI aux manettes
Sur le modèle de ce qui a été fait pour la partie législative du code de l’environnement, le décret modifie au sein des articles réglementaires la référence à l’autorité compétente en matière de police de la publicité.
Il met par ailleurs en place un guichet unique pour le dépôt des déclarations préalables et demandes d’autorisation préalable auprès du maire, à l’image de ce qui existe en matière d’urbanisme.
Il renvoie à l’application des règles du code des relations entre le public et l’administration relatives à la saisine par voie électronique, "dans un objectif pédagogique", explique le ministère de la Transition écologique, ces règles étant d’ores et déjà applicables aux collectivités en matière de publicité.
Le rôle du préfet est réduit à la portion congrue. Sa compétence subsidiaire est maintenue en matière de protection des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque (cf. article L.581-4 C. env.) et en matière d’emplacements destinés à l’affichage d’opinion ainsi qu’à la publicité relative aux activités des associations sans but lucratif (cf. article L.581-13 C. Env.).
Retour au droit commun sur le transfert aux intercommunalités
C’était un autre point d’achoppement. Le législateur a également prévu (sous certaines conditions) un transfert automatique des pouvoirs de police de la publicité (ce qui comprend les contrôles ainsi que l’instruction des déclarations et autorisations préalables) au président de l’EPCI à fiscalité propre, avec une possibilité d’opposition - très encadrée - pour les maires qui souhaiteraient conserver ces pouvoirs (selon les modalités fixées par l'article L.5211-9-2 du code général des collectivités territoriales).
Ce transfert automatique des pouvoirs de police de la publicité du maire au président de l’EPCI concerne toutes les communes membres des EPCI compétents en matière de plan local d'urbanisme (PLU) ou de RLP, et dans les EPCI qui ne sont pas compétents en matière de PLU ou de RLP, en principe toutes les communes de moins de 3.500 habitants. Conséquence, dans les intercommunalités non compétentes en matière de PLU ou de RLP, les présidents deviennent compétents dans les communes de moins de 3.500 habitants dès le 1er janvier 2024, en lieu et place des maires et sans que ceux-ci puissent s’y opposer.
La loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 (art.250) est toutefois venue apporter des ajustements à ces dispositions. Le gouvernement s’y était d’ailleurs engagé devant les élus du CNEN. Le texte supprime donc la phrase de l'article L.5211-9-2 (dans sa rédaction résultant de l'article 17 de la loi Climat et Résilience) selon laquelle "Dans les communes de moins de 3.500 habitants, ces prérogatives sont transférées au président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, y compris lorsque cet établissement n'est pas compétent en matière de plan local d'urbanisme ou de règlement local de publicité". En d’autres termes, le législateur a mis fin au transfert automatique au président d’EPCI concernant les communes de moins de 3.500 habitants lorsque l’intercommunalité n’est pas compétente en matière de PLU ou de RLP.
Lever l’interdiction de publicité sur le mobilier urbain dans les petites agglomérations
Qualifié de "décret balai", le texte actualise ou corrige au passage certaines dispositions règlementaires du code de l’environnement en matière de publicité (abrogation de dispositions obsolètes, correction de coquilles, actualisation de références, etc.). Il s’agit notamment de rectifier une "erreur rédactionnelle" ayant conduit à l’interdiction systématique de publicité sur le mobilier urbain dans les petites agglomérations. Un correctif réclamé "de longue date notamment par les élus locaux", souligne le ministère. L’APVF (Association des petites villes de France) avait en effet transmis l’an passé un courrier en ce sens au ministre Christophe Béchu.
Concrètement, le décret autorise uniquement la publicité non lumineuse sur le mobilier urbain des agglomérations de moins de 10.000 habitants appartenant à une unité urbaine de moins de 100.000 habitants. La publicité numérique reste interdite dans toutes les agglomérations de moins de 10.000 habitants (article R.581-42 alinéa 2 du code de l'environnement) ainsi que les autres dispositifs publicitaires lumineux (article R.581-34 alinéa 6, renvoyant à l’article R.581-31 alinéa 1).
Le décret abroge également une disposition offrant la possibilité aux publicités numériques qui ne dépassent pas 2,1 m2 et 3 m de haut de s’affranchir du respect des normes techniques qui seront fixées par un arrêté ministériel.
Enfin, il prévoit en revanche une exception à l’obligation d’extinction nocturne entre 1h et 6 h du matin des publicités lumineuses situées sur l’emprise des marchés d’intérêt national tels que celui de Rungis, à l’image de l’exemption dont bénéficient actuellement les publicités installées dans l’emprise des aéroports. Cette dérogation est justifiée "par le caractère très spécifique des activités de ces marchés qui s’exercent la nuit", remarque le ministère.
Référence : décret n° 2023-1409 du 29 décembre 2023 portant modification de diverses dispositions du code de l'environnement relatives à la publicité, aux enseignes, aux préenseignes et aux paysages, JO du 31 décembre 2023, texte n° 76. |