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Dark stores : les grandes villes reviennent à l'offensive

Les élus locaux remettent la pression sur le gouvernement pour que celui-ci leur donne les moyens de réguler les dark stores qui se développent dans les grandes villes. Au cœur de la polémique : un projet d'arrêté gouvernemental dévoilé à la mi-août, qui assimilerait ces structures à des commerces et non plus à des entrepôts, facilitant de fait leur implantation.

Les dark stores seront-ils à terme considérés comme des commerces comme les autres ? C'est ce que craignent les élus locaux, qui se battent déjà contre l'implantation de ces structures d'un nouveau genre proposant en quinze minutes de livrer des plats ou des courses à des consommateurs de grandes villes. Et ils l'ont fait savoir au gouvernement dans le cadre d'un courrier transmis le 19 août 2022 à la Première ministre, Elisabeth Borne. Signée par une dizaine de maires de grandes villes, principaux territoires où s'implantent ces dark stores, la lettre réclame que les communes puissent disposer des moyens juridiques de les réguler et de lutter efficacement contre les nuisances que ces structures produisent.

Il faut dire que ces stores, créés par Gorillas, Flink, Getir ou encore Gopuff, provoquent des nuisances sonores pour les riverains et de l'encombrement de l'espace public (emplacement pour les scooters ou vélos des livreurs). Ils créent aussi une concurrence déloyale vis-à-vis des commerces de quartier, selon les maires concernés qui ont multiplié les initiatives pour contrer leur développement.

La lettre est signée par les maires socialistes, écologistes et communistes de Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Lille, Besançon, Villeurbanne et Montreuil, mais aussi par les présidents LR de la métropole du Grand Paris, Patrick Ollier, et de l'Association des maires d'Ile-de-France (Amif), Stéphane Beaudet. Preuve en est que le problème dépasse les clivages politiques.

"Une régulation forte et territorialisée"

France urbaine, l'association des grandes villes, agglomérations et métropoles, demande elle aussi, dans un communiqué publié le 20 août, des moyens d'une "plus stricte régulation des dark stores et dark kitchens".

Les acteurs économiques sont également mobilisés sur le sujet. La CPME dit, dans un communiqué du 19 août, souhaiter la mise en place du cadre légal d'une régulation "forte et territorialisée" du quick commerce à Paris pour combler le vide juridique dans lequel l'activité s'est développée.

Au cœur de la polémique, un projet d'arrêté ministériel daté de juillet 2022 et dévoilé le 13 août sur Twitter par Emmanuel Grégoire, premier adjoint de la maire de Paris. Ce projet permettrait aux dark stores d'être considérés comme des lieux de commerce ou de restauration, et non plus comme des entrepôts, s'ils disposent d'un point de collecte pour le public. Une disposition qui permettrait aux entreprises d'avoir plus facilement l'autorisation de s'implanter en centre-ville. A l'heure actuelle, les dark stores étant considérés comme des entrepôts, ces entreprises doivent obtenir l'accord des services de la mairie pour les installer dans les locaux d'anciens commerces. C'est d'ailleurs le seul levier dont disposent les mairies pour contrer leur développement… Le fait que ces dark stores soient considérés comme des magasins, et non plus comme des entrepôts, permettrait leur implantation n'importe où sans restriction. Le projet d'arrêté est jugé d'autant plus étonnant qu'une concertation est en cours sur le sujet depuis le mois de juillet.

La concertation continue

Le gouvernement a rapidement réagi. Dès le 14 août, au lendemain du tweet d'Emmanuel Grégoire, Olivier Klein, ministre délégué à la ville, a précisé sur Twitter qu'il ne s'agissait pas de la mouture finale du texte, la concertation n'étant pas terminée. Il a aussi indiqué que Paris et les municipalités peuvent participer au débat. "Oui, il faut réguler les dark stores et trouver l'équilibre entre vitalité des centres-villes et emploi. C'est tout l'objet de ce projet", dit-il sur Twitter. Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, dans un thread du 18 août, en a rajouté une couche. "Plutôt que de mettre la poussière sous le tapis, nous souhaitons que leur activité puisse être mieux encadrée, de manière à ce qu'ils ne nuisent à personne", assure-t-elle. Elle compte réunir à la rentrée les élus "pour continuer de travailler à des solutions adaptées", dans le cadre de la consultation menée depuis juillet. Pour le moment, aucune date n'a été avancée.