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Crise sanitaire : la Fnaut craint le retour du "lobby routier"

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a décerné ce 2 octobre  ses "tickets verts" et "tickets rouges", habituellement dévoilés lors de son Congrès annuel. Crise sanitaire oblige, celui-ci a été reporté à 2021 mais les choix retenus pour l'attribution de ses "bons" et "mauvais points" aux autorités en charge de la mobilité témoignent des inquiétudes de la Fédération qui voit dans la voiture la grande gagnante de la situation actuelle.

Les transports publics apparaissent bien comme les "grands blessés" du covid, selon l'expression de Bruno Gazeau. Certes, le gouvernement les a pris en compte "en compensant les pertes d'Ile-de-France Mobilités, en inscrivant 4,7 milliards d'euros pour le ferroviaire et 1,2 milliard pour les transports urbains et en reprenant une grande partie de la dette ferroviaire", relève le président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), ce 2 octobre. Mais, ajoute-t-il aussitôt, "la compensation pour les transports urbains de province, à hauteur de ce qui est fait pour l'Ile-de-France, n'est pas actée", pas plus que celle pour la SNCF. Autre constat de sa part, au vu du budget 2021 : "le scénario d'investissement n°1, présenté par le Conseil d'orientation des infrastructures, dit 'au fil de l'eau' a été retenu alors qu'il est le moins favorable pour la relance du ferroviaire. Et les décisions sur les 'petites lignes' sont soumises aux négociations sur la contribution des régions et aux incertitudes budgétaires au-delà des deux prochaines années." Mais il y a plus grave aux yeux de Bruno Gazeau : "les décisions réellement efficaces ne sont toujours pas prises". "Il faudrait réduire fiscalement l'inéquité entre les modes de transport, qui donnerait une crédibilité durable aux modèles économiques du ferroviaire et des transports urbains et réorienterait les mobilités vers des modes plus vertueux au regard de l'urgence écologique", souligne-t-il.

La voiture, "grande gagnante" de la crise

Pour la Fnaut, la voiture est en effet sortie "grande gagnante" de la crise auprès de toutes les classes d'âge et de tous les publics et cet accroissement de la dépendance automobile, occultée en partie par le prix bas des carburants, pourrait générer une situation explosive si ce prix évoluait à la hausse du fait du contexte international.
L'attribution des "tickets verts" et des "tickets rouges" aux autorités organisatrices de la mobilité, qui constituent habituellement l'un des temps forts du congrès annuel de la Fnaut, reflètent pour une large part cette année ses inquiétudes sur le "retour du lobby routier", selon l'expression de son vice-président, Jean Sivardière. Du fait de l'annulation du congrès qui devait se tenir à Annecy, c'est le bureau de la Fnaut qui les a décernés. Dévoilés ce 2 octobre, ils se démarquent des sujets précédemment mis en avant (tramway, gares TGV, petites lignes).
Sur la thématique routière, la Fnaut a décerné des tickets verts aux 32 présidents de conseils départementaux, recensés par le magazine Auto Plus, qui ont maintenu la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes départementales sans séparateur central, alors que la loi d'orientation des mobilités (LOM) les autorise à repasser certaines sections à 90 km/h après avis consultatif de la commission départementale de sécurité routière.

Tickets rouges aux travaux routiers concurrents du train

Par contre, ils ont attribué des tickets rouges à l'Etat et aux élus des collectivités régionales ou locales qui ont réalisé des travaux routiers concurrents du train. "La Fnaut dénonce ces travaux routiers pléthoriques qui finissent par dé-rentabiliser le rail et renforcer la dépendance des territoires à la voiture et au camion", soutient Jean Sivardière, citant de nombreux exemples d'autoroutes ou 2X2 voies parallèles à des voies ferrées, donc en concurrence directe avec le train ou réalisées à la place d'une voie ferrée. Parmi les destinataires de ces "tickets rouges" : le conseil départemental de Haute-Savoie, qui vient de "décider la construction de l'autoroute A412 Thonon-Machilly, qui concurrencera le Léman-Express" ; l'Etat, la conseil régional d'Occitanie et le département du Tarn pour avoir promu l'autoroute Castres-Toulouse qui "concurrencera la voie ferrée reliant les deux agglomérations" ; le département de Loire-Atlantique qui "continue d'élargir la route Nantes-Pornic à 2X2 voies alors qu'il existe une voie ferrée parallèle insuffisamment utilisée" ; la RN 154, "passée à 2X2 voies et transformée en concession autoroutière au lieu de rouvrir la ligne Orléans-Chartres qui aurait relié la capitale régionale au seul chef-lieu de département qui ne l'était plus  et offert un axe fret permettant d'évacuer le trafic de céréales vers les ports en contournant la région parisienne" ; ou encore l'abandon du projet de tram-train de La Réunion au profit de la nouvelle route du littoral prise en compte dans le plan de relance.

L'accessibilité des transports publics récompensée

La Fnaut s'est par ailleurs intéressée tout particulièrement cette année à l'adaptation des transports publics aux personnes handicapées et attribué un ticket vert aux métropoles jugées particulièrement avancées en la matière – Grenoble, Rennes, Nantes, Montpellier et Strasbourg -, qui enregistrent un taux de satisfaction des usagers de 81% à 67%. Les élus de l'autorité organisatrice Pau Béarn Pyrénées Mobilités ont aussi reçu un ticket vert pour avoir financé la proposition de l'Association de défense des usagers des transports Aquitaine Grand Pau visant à protéger les jeunes élèves d'un Institut médico-éducatif sur le trajet entre les arrêts de bus et leur école.
Dans le domaine ferroviaire, la Fnaut a attribué un ticket rouge à l'Etat et à la région Bourgogne-Franche-Comté pour le "fiasco" que constitue selon elle la réouverture de la ligne Belfort-Delle, où "tout est à revoir". Deux tickets rouges ont aussi été attribués dans les transports urbains. La métropole de Marseille est pointée du doigt pour le manque d'adaptation de son réseau aux personnes à mobilité réduite (le taux de satisfaction des usagers est de 16%) et Perpignan-Métropole pour "la très mauvaise qualité de son réseau urbain (seulement 37 voyages par an et par habitant en 2016" et ses corollaires – "une circulation urbaine très dense et un stationnement sauvage très développé".