Crise climatique et énergétique : Emmanuel Macron confirme la préparation d'un "plan de sobriété" cet été

L'État va préparer cet été "un plan de sobriété" énergétique, pour faire face au risque de pénurie liée à la guerre en Ukraine, a déclaré Emmanuel Macron au cours de son allocution télévisée du 14-Juillet. Plusieurs mesures du projet de loi "portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat" examiné en séance par les députés à partir de ce 18 juillet entendent "renforcer la souveraineté énergétique" du pays, en sécurisant notamment l'approvisionnement en gaz et en prévoyant certaines dérogations procédurales à la réalisation du projet de terminal méthanier flottant au large du Havre.

"Nous devons nous préparer à un scénario où il faut nous passer en totalité du gaz russe", a prévenu Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée du 14-Juillet diffusée sur TF1 et France Télévisions. "C’est un scénario très dur et donc on doit s’y préparer", a ajouté le président de la République avant d'appeler à la "mobilisation générale". Même si "par son modèle énergétique, la France est peu dépendante du gaz russe", a-t-il souligné, il a rappelé la poursuite de la diversification de l’approvisionnement en gaz, citant parmi les principaux fournisseurs : la Norvège, le Qatar, l’Algérie ou encore les États-Unis. En outre, a-t-il assuré, "nous sommes en train de reconstituer nos stocks pour être à "quasi 100 %" de remplissage "à l’automne". "Nous y serons", a-t-il affirmé.

"Logique de sobriété"

"Ensuite, on doit rentrer collectivement dans une logique de sobriété, a-t-il poursuivi. Je vais demander dès à présent aux administrations publiques, aux grands groupes, à toutes celles et ceux qui peuvent de préparer un plan dès cet été pour qu’on se mette en situation de consommer moins." Des rencontres ont déjà été organisées récemment par les ministres concernés avec des représentants de la fonction publique, des partenaires sociaux et des commerces et des groupes de travail ont été constitués.

Le chef de l'État a évoqué de possibles "contraintes", mais pour qu'"elles pèsent le moins possible", il appelle avant tout à "l’exemplarité" des administrations publiques (État, collectivités) et des grands groupes privés "quand ils le peuvent" et à la "responsabilité collective". "On va essayer de faire attention collectivement, le soir aux éclairages quand ils sont inutiles, on va faire un plan pour les administrations publiques, on va faire un plan de sobriété dans lequel on va demander à tous nos compatriotes de s'engager, et on va faire un plan de sobriété et de délestage - c'est de gaz et d'électricité dont on parle là - avec nos entreprises", a-t-il précisé. "Évidemment on aurait des objectifs chiffrés." Mais "déjà, on consomme un peu moins que l'année dernière", a-t-il insisté. Selon lui, cette "chasse au gaspillage énergétique, c'est à la fois bon pour passer ce cap, et c'est très bon pour le climat et l'indépendance" du pays.

"Accélérer la réponse" à la crise du réchauffement climatique

Car globalement "on doit accélérer la réponse" à la crise du réchauffement climatique. "C'est une urgence et elle est déjà là", a dit Emmanuel Macron, en référence notamment aux incendies dans le Sud-Ouest favorisés par la très forte vague de chaleur en cours. Pour "mieux se protéger face aux éléments de sécheresse et de canicule", il s’agit de "protéger notre modèle agricole", par une meilleure assurance, de "protéger nos aînés et nos enfants, avec les plans [canicule] qu’on a déclenchés". Au-delà, il faut "[organiser] "différemment nos vies pour lisser les pics". "La première chose c'est la sobriété, la deuxième, est de développer le renouvelable", a-t-il poursuivi. "Et on va passer dès cet été une loi d'urgence pour réduire les délais. Il faut qu'on aille beaucoup plus vite, aujourd'hui on met dix ans à faire un plan d'éolien offshore, on doit aller beaucoup plus vite pour produire de l'éolien offshore mais aussi du solaire, des pompes à chaleur, de la géothermie, de la biomasse". "On sait les difficultés sur l'éolien terrestre parce qu'il y a des problèmes d'acceptabilité", a-t-il ajouté.

Le chef de l'État a également défendu le choix du gouvernement de continuer à faire fonctionner les centrales à charbon de Saint-Avold et de Cordemais : "On avait quatre centrales qui fonctionnaient au charbon. Sur ces quatre centrales, on en a fermé deux. Il y en a une, de toute façon, qu’on voulait garder plus longtemps parce qu’elle dépend de l’ouverture de Flamanville et d’une centrale à gaz à Landivisiau pour pas que ça coupe en Bretagne", rappelle-t-il. Quant à la centrale lorraine, elle continuera à fonctionner "pour pas qu’il y ait de coupure, tout simplement". Il estime qu’il s’agit d’une question de "semestres" avant de fermer les deux dernières centrales. "Il ne faut pas culpabiliser les Français, on est de bons élèves", contrairement à "l’Allemagne et la Pologne".

"Beaucoup plus d'argent" dans la transition

En termes de financement, Emmanuel Macron a évoqué les aides aux Français pour passer au véhicule électrique et rénover leur logement. "Je vous le dis avec beaucoup de force : un euro public est mieux utilisé à vous aider à acheter plus vite votre voiture hybride ou votre voiture électrique qu’à vous aider à dépenser de l’argent pour acheter de l’essence qui pollue et qu’on paie à d’autres." Et d’assurer que la France allait "mettre beaucoup plus d’argent" dans cette transition - sans citer de montant précis. "J’ai demandé au gouvernement à ce que la fiscalité qu’on touche dans cette période sur le pétrole, le gaz, aille complètement financer l’accélération de cette transition énergétique."

 
  • Projet de loi pour le pouvoir d'achat : dix articles pour "renforcer la souveraineté énergétique" du pays

Examiné en séance par les députés à partir de ce 18 juillet, le projet de loi "portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat" compte un titre entier, comportant dix articles, visant à "renforcer la souveraineté énergétique" du pays. Certaines dispositions visent à assurer un approvisionnement suffisant en électricité et en gaz pour l'hiver prochain en donnant la possibilité au ministre chargé de l’énergie d’ordonner aux opérateurs des infrastructures de gaz de constituer les stocks de sécurité nécessaires en cas de remplissage inférieur à l’objectif minimal (art.10), de renforcer les capacités d’interruptibilité sur les réseaux de gaz naturel (art 11) et de contrôler la production des installations produisant de l’électricité à partir de gaz naturel en cas de menaces sur la sécurité d'approvisionnement (art.12).
Les articles 13 et 14 encadrent la construction et l’exploitation du futur terminal méthanier flottant qui sera construit dans le port du Havre, afin d’accroître les capacités d’importation de GNL. Ils prévoient la simplification des procédures environnementales liées à ce projet qui suscite la colère des ONG, telle Greenpeace qui a vivement réagi dans un communiqué du 7 juillet, qui pointe un "cadeau aux énergies fossiles". Le projet de loi rend possible ­ une exonération d’évaluation environnementale en s’appuyant sur la transposition de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2011/92 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Il comporte aussi une disposition permettant, dans l’éventualité d’une destruction d’espèces protégées ou d’habitats d’espèces protégées, d’autoriser le démarrage des travaux sans attendre la validation finale des mesures de compensation, sur la base de mesures de compensation provisoires ou d’une poursuite ultérieure des travaux d’identification des mesures de compensation. Il donne également la possibilité de réaliser une partie des travaux de façon anticipée, sans attendre l’autorisation de l’ensemble du projet et permet de raccourcir le délai de consultation des communes traversées par la canalisation de transport de gaz naturel visant à raccorder le terminal méthanier flottant au réseau de transport de gaz naturel. En commission, deux amendements ont été adoptés :  l'un prévoit un décret en Conseil d’État pour préciser les obligations incombant à l’opérateur du terminal en matière de démantèlement des installations à l’issue de l’exploitation et de renaturation des espaces artificialisés, l'autre limite à 5 ans la durée d’exploitation du terminal méthanier.
Deux articles concernent les centrales à charbon. L'un (art.15) encadre les contrats de travail des salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold, qui a fermé provisoirement le 30 mars mais qui est susceptible de devoir fonctionner à nouveau l’hiver prochain en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité. L’article 16 prévoit qu’un décret, actuellement en consultation, vienne rehausser le plafond d’émissions des centrales à charbon fixé par un décret de 2019 et inscrit l’obligation de compenser ces émissions.
Enfin, les articles 17 à 19 prévoient des dispositions pour organiser l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) - modalités de transfert des volumes d’Arenh d’un fournisseur défaillant au fournisseur de secours (EDF), encadrement du risque de contentieux sur la livraison de 20 TWh supplémentaires d’Arenh en 2022.