Couverture mobile : la lente résorption des zones blanches

Si le programme New Deal Mobile suit son cours, un peu plus d’un tiers des sites prévus en couverture ciblée sont en service. La couverture des zones grises s’avère plus compliquée que celle des zones blanches, la multiplication des antennes étant mal accueillie. Par ailleurs, certaines communes pourraient se retrouver privées de mobile du fait d’un différend sur le montant des loyers.

Mi-décembre 2022, l’Arcep a publié un bilan du volet couverture ciblée du New Deal Mobile sur la base de chiffres arrêtés au 30 septembre 2022. À cette date, 3.795 zones à couvrir avaient été identifiées en concertation avec les élus, sur les 5.000 que chaque opérateur s’est engagé à ouvrir aux termes de l’accord conclu en 2018. Sur ce total, un peu moins de la moitié des sites 2G/4G sont en service (1.787), 92% étant partagés entre les quatre opérateurs. D’ici deux ans, les opérateurs doivent livrer 1.719 sites, dont 526 nouveaux ayant fait l’objet d’un arrêté le 23 décembre 2022. Enfin, parmi les 3.795 sites officialisés, l’Autorité note que 289 (7,6%) sont toujours "en attente de déploiement". 

Délai de près de deux ans

Une catégorie qui regroupe toutes les zones où les opérateurs rencontrent des difficultés à trouver un lieu d’implantation, du fait de problèmes techniques (raccordement au réseau de collecte, alimentation électrique…) ou de l’opposition des riverains et/ou des élus. L’Arcep indique assurer "un suivi rapproché" de ces cas particuliers. L'installation d’un site de téléphonie mobile n’est cependant jamais chose aisée comme en témoigne la moyenne de 22,7 mois nécessaires pour aboutir à la mise en service d’un site une fois l’arrêté ministériel publié. Un délai à peine inférieur aux 24 mois maximum prévus par l’accord New Deal lorsque l’opérateur doit trouver un terrain et bien loin des 12 mois imaginés lorsque la commune propose un terrain viabilisé. Or ces délais sont peu susceptibles de se réduire en dépit des mesures de simplification prises par la loi Elan (notre article du 27 mai 2019). Les premiers sites couverts relèvent en effet majoritairement de communes issues des programmes zones blanches des années 2000. Or la plupart des sites à venir seront situés en zone grise, où au moins un des quatre opérateurs mobiles est déjà présent.

Une exigence de mutualisation

L’arrivée de pylônes New Deal y est beaucoup plus difficile à faire accepter par la population car il vient s’ajouter à une antenne existante. En d’autres termes, contrairement aux zones blanches où la mutualisation intégrale (infrastructures passives et actives) s’impose, elle est le fruit d’une négociation dans les zones grises. Et celle-ci n’est pas toujours fructueuse. Comme l’a reconnue la sous-préfète du Morbihan lors de l’édition 2022 des "territoires connectés" de l’Arcep, "inaugurer un pylône à quelques centaines de mètres d’un pylône existant est difficile à expliquer". Du reste, l’absence de mutualisation est souvent le principal motif de blocage avancé par les riverains ou les élus, comme on peut le constater dans la presse régionale comme ici à Beaupuy. La loi sur la réduction de l’empreinte écologique du numérique, dite loi Chaize (notre article du 3 novembre 2021), est censée renforcer la mutualisation en imposant aux opérateurs de fournir un motif technique sérieux – comme l’impossibilité pour un opérateur de recevoir un faisceau hertzien pour assurer la collecte du trafic – pour justifier l’absence de mutualisation. Mais dans les faits, ce motif est "facile à trouver" observe-t-on à l’AMF. Par ailleurs, élus et habitants seraient moins enthousiastes quand on leur annonce un pylône de plus de 40 mètres - qui caractérise les pylônes hébergeant plusieurs opérateurs - beaucoup plus visibles que les mâts mono-opérateur…

Risques de nouvelles zones blanches

La course au déploiement 4G et 5G renforce par ailleurs la valeur foncière des points hauts. Mais si l’époque n’est plus à brader les terrains pour un euro pour attirer les opérateurs, l’augmentation brutale des loyers est en train de se retourner contre certains maires. Des sociétés foncières telles que Valocîme, une Towerco qui propose aux bailleurs de sites télécom d’accroître leurs revenus, en payant directement un loyer plus élevé (notre article du 22 mars 2021) ont en effet approché des communes, particuliers et copropriétés pour leur proposer de reprendre un bail arrivé à échéance en leur promettant des loyers beaucoup plus élevés. Des montants que les opérateurs ou les towercos – ces sociétés qui gèrent désormais les points hauts des opérateurs – jugent exorbitants. L’affaire du pylône d’Heiligenberg en Alsace fait figure de cas d’école.  Ce site hérité de l’ORTF était loué par la mairie à TDF (Télédiffusion de France) - un opérateur d'infrastructure et une entreprise du secteur numérique et audiovisuel - avant que le bail ne soit repris par Valocîme. Ce dernier avait proposé à la mairie un loyer bien supérieur à ce qu’était prêt à payer TDF. TDF a ensuite refusé de revendre son pylône et a été obligé de le démonter. Depuis mai 2022, c'est une antenne provisoire qui assure le service public de télédiffusion. Résultat : les utilisateurs, bien au-delà d'Heiligenberg, se retrouvent avec une couverture mobile dégradée voire inexistante. La Fédération française des télécoms confirme que "plusieurs centaines de sites sont concernés par cette situation" tout en refusant de s’exprimer davantage sur un sujet entre les mains de l’autorité de la concurrence depuis juillet 2022. Elle rappelle aussi que l’État, par la voix de l’ANCT, a invité les élus à être vigilants sur les clauses des baux qui leur étaient soumis, tout en rappelant qu’il s’agissait là d’un problème relevant du droit privé.