Coût des péages ferroviaires : les régions contre "le maintien d’un projet d’augmentation sans précédent"

Après l'annulation par le Conseil d'État, en mars dernier, de la hausse du coût des péages ferroviaires proposée par SNCF Réseau, les régions ont été une nouvelle fois consultées lors de la relance de la procédure de fixation de ce coût. Dans l'avis transmis par Régions de France ce 7 juin, elles dénoncent "le maintien d’un projet d’augmentation sans précédent", avec des hausses qui "ne pourraient être supportées par les finances régionales et impacteraient automatiquement le prix du billet, donc le pouvoir d’achat des usagers".

Le bras de fer continue entre les régions et SNCF Réseau pour la fixation du coût des péages ferroviaires. Après un recours engagé par huit d'entre elles*, les régions avaient remporté une première manche le 5 mars dernier devant le Conseil d'État (lire notre article). Elles contestaient alors la légalité du projet de document de référence du réseau (DRR) adopté par SNCF Réseau. Les dispositions tarifaires qu'il contenait avaient été annulées par la plus haute juridiction administrative, qui avait considéré que le projet de DRR n'apportait pas les garanties attendues de transparence sur les déterminants du coût des péages. Les régions estimaient également que les hausses proposées (+24% en 3 ans), représentaient "un grave danger en matière de soutenabilité pour le pouvoir d’achat des usagers du rail autant que pour les finances régionales".

À la suite du jugement prononcé par le Conseil d'État, les régions ont à nouveau été consultées sur le projet de DRR, dans le cadre de la relance de la procédure de fixation du coût des péages ferroviaires, et Régions de France a remis son avis à SNCF Réseau le 7 juin dernier.

Péages ferroviaires : 86% du prix du billet en 2022 

"Les Régions contribuent chaque année à hauteur de 3,6 milliards d'euros à l’équilibre d’exploitation des trains régionaux, hors Île-de-France, et Île-de-France Mobilités à plus de 2 milliards d'euros à la seule exploitation des Transiliens et RER du périmètre de la SNCF, a rappelé Régions de France dans un communiqué ce 19 juin. Elles contribuent à hauteur de plus de 1,7 milliard d'euros aux péages ferroviaires pour faire circuler leurs trains, sans capacité d’influence sur l’amélioration de la qualité du service offert par le réseau." "Si les péages représentaient 36% du prix du billet TER en 2002, leur montant atteint 86% du prix du billet en 2022", souligne l'association, qui estime que dans ce contexte, les régions "ont jusqu’à présent protégé le pouvoir d’achat des citoyens, afin que les augmentations des péages ne soient pas reportées sur les tarifs des usagers". Or, "les hausses envisagées dans le DRR, à hauteur de +8% chaque année jusqu’en 2026, ne pourraient être supportées par les finances régionales et impacteraient automatiquement le prix du billet, donc le pouvoir d’achat des usagers", pointe-t-elle.

Dans l’avis qu'elles ont transmis, les régions dénoncent "le maintien d’un projet d’augmentation sans précédent des péages ferroviaires". "Régions de France considère également que les Régions ne disposent pas des éléments nécessaires à la juste détermination de la structure du coût des péages, que ces déterminants, lorsqu’ils existent, sont appliqués de manière inégale en fonction des financeurs publics, et que les informations utiles à l’appréciation des dépenses des régions n’ont pas été communiquées en toute transparence, en dépit d’avancées réelles de la part de SNCF Réseau", soulignent-elles.

Elles rappellent avoir demandé au gouvernement, "depuis bientôt deux ans", le lancement d’un "grand plan de remise à niveau du réseau, aujourd’hui très dégradé, de modernisation des infrastructures, bien public de la Nation, et la garantie de la poursuite des grands projets déjà engagés". "Cette demande volontariste pour relancer les mobilités ferroviaires dans le cadre d’un 'New Deal' n’a, pour l’instant, jamais abouti à des engagements clairs sur le financement des projets, ni sur leur calendrier", regrettent-elles. "Personne ne connaît ni la répartition, ni le calendrier des 100 milliards d'euros évoqués par Mme Élisabeth Borne, alors Première ministre, pour le rail", a constaté récemment Carole Delga, présidente de la région Occitanie et de Régions de France.

Débat public national toujours en attente

Depuis la publication du jugement du Conseil d’État invalidant la hausse des péages ferroviaires, les régions dénoncent également le refus de leur communiquer le contenu du rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) sur la "tarification de l’usage et financement du réseau ferroviaire", "qui aurait dû être le support d’un débat public national", rappellent-elles.

En l’absence de débat public sur la soutenabilité financière des dépenses de transport et sur le financement des infrastructures ferroviaires, les régions se disent déterminées à "défendre le pouvoir d’achat des usagers du rail et la maîtrise de leurs finances dans le cadre d’une procédure de contestation juridique du projet de hausse des péages ferroviaires, contenu dans le nouveau projet de DRR".

(*) Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, et Île-de-France Mobilités

› Bilan annuel du contrat de performance État-SNCF Réseau : l’ART constate une dégradation de la qualité de service

Dans son dernier avis sur la mise en œuvre du contrat de performance État-SNCF Réseau qu'elle a publié ce 12 juin, l'Autorité de régulation des transports (ART) relève que l'état du réseau pèse sur les conditions d'exploitation, même si elle constate une amélioration de certains indicateurs de qualité de service. Elle note des avancées dans l'attribution des sillons au fret, avec un dépassement des objectifs du contrat de performance. Mais "des difficultés persistent" pour l'attribution des sillons aux trains de nuit (taux d'attribution de 75%) et aux circulations fret longue distance (taux d'attribution inférieur à 75% au-delà de 500 kilomètres).
Pour l'exploitation ferroviaire "l'année 2023 a été marquée par une dégradation de la qualité de service", constate l'ART. Le nombre de trains de voyageurs supprimés pour des causes maîtrisables par SNCF Réseau a augmenté de 45% depuis 2018 pour atteindre près de 11.000 trains, soit une journée entière de circulation sur le réseau et un niveau "nettement supérieur" à l'objectif du contrat. L'Autorité constate que le vieillissement du réseau, notamment celui de sa partie où circulent le plus de trains, "n'est pas enrayé et en contraint l'exploitation". Ainsi, les ralentissements ne diminuent pas au rythme prévu et excèdent de près de 20% la trajectoire du contrat de performance.

 

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