Sports - Coupe du monde de rugby 2023 : un budget réaliste, des relations déséquilibrées ?
Le projet de budget de l'organisation de la Coupe du monde de rugby 2023, qui sera organisée en France, paraît "réaliste et est correctement documenté" mais les relations entre les organisateurs privés et les pouvoirs publics sont déséquilibrés "jusqu'à la caricature". Tels sont les principaux enseignements d'un rapport sur l'organisation du mondial masculin de rugby en 2023, commandé en janvier dernier par le ministre de l’Action et des Comptes publics et la ministre des Sports à l’inspection générale des Finances (IGF) et à l’inspection générale de la Jeunesse et des Sports (IGJS) et qui vient d'être rendu public.
Après avoir estimé que la solution institutionnelle choisie pour organiser ce grand événement sportif – un groupement d'intérêts public (GIP) –, "paraît la mieux adaptée" le rapport passe en revue le budget prévisionnel et commence par distribuer les bons points.
Redevance
Le projet de budget de l’organisation paraît ainsi "réaliste et est correctement documenté", estime les rapporteurs. Il se répartit entre la redevance due à World Rugby, l'organisme détenteur des droits sur l'événement (172,5 millions d'euros, garantis par une convention entre la Caisse des Dépôts et la Fédération française de rugby), l’estimation "peu expertisée en amont" des apports des collectivités publiques (90,3 millions, dont 25,5 millions pour l’Etat) et le budget opérationnel propre de France 2023 (146 millions).
Le rapport note en outre que les recettes de la billetterie (373,2 millions d'euros) sont "conformes, en volume et en prix, à l’expérience des précédentes coupes du monde". Il est en de même pour la plupart des postes de dépenses. In fine, pointe le rapport, "le résultat escompté est de 68 millions d'euros [et] l’Etat ne prend donc pas un risque important du fait de sa participation" au GIP France 2023.
Caricature
Mais la partie la plus intéressante du rapport est sans doute celle par laquelle ses auteurs prennent du recul et reviennent "sur l’équilibre des relations entre les fédérations internationales et nationales d’une part, les pouvoirs publics d’autre part, dans le montage d’un grand évènement sportif international". Et les rapporteurs de résumer : "La situation est, jusqu’à la caricature, celle d’un schéma dans lequel les gains sont privatisés et les coûts (ou les pertes) socialisés."
Dans le cas de la Coupe du monde de rugby 2023, le rapport de l'IGF et de l'IGJS estime que la fédération internationale World Rugby "n’assume aucun risque ni charge, mais est assurée de recevoir une redevance très significative pour le droit d’organiser le tournoi", sans compter la contrepartie du programme des hospitalités (83 millions) et le produit du programme de partenariats (35 millions).
Et alors que la Fédération française de rugby (FFR) prévoit un résultat largement bénéficiaire (68 millions d'euros) et la moitié des gains sur les recettes d'hospitalités, les retours en faveur du développement des pratiques sportives et du rugby ou au bénéfice de l’État et des villes d’accueil de la compétition sont jugés "peu contraignants". En résumé, "l’Etat assume le risque de la garantie de la redevance, des charges importantes pour la sécurité de l’évènement, sans même avoir le retour de la fiscalité sur les résultats [depuis le vote d'une loi d'exonération fiscale pour les grands événements sportifs en 2014, ndlr] et le fonctionnement du comité d’organisation". Quant aux villes d’accueil, elles assurent aussi une bonne part de l’organisation des matches et de leur environnement (mise à disposition des stades, création de fans-zones) "sans que le retour sur les profits escomptés par la FFR ne fasse l’objet d’un cadre défini à l’avance".
Précédents
La mission regrette une situation qui "n’a rien de nouveau" – deux précédents rapports sur la Coupe du monde de rugby 2007 et l'Euro 2016 de football avaient déjà pointé un "partage asymétrique" – et déplore que l’Etat ne mette pas en pratique "une réelle doctrine quant aux conditions financièrement acceptables pour l’organisation de tels grands évènements", apporte son soutien "en suiveur" et "cautionne ainsi la dérive des exigences financières toujours accrues des grandes fédérations sportives mondiales".
L'Etat devrait donc, selon les rapporteurs, faire réaliser des études économiques fiables de nature à permettre de dégager des enseignements des grands évènements sportifs déjà organisés ou des projets futurs, au lieu de s'en remettre "le plus souvent aux études réalisées par des cabinets à la demande de la fédération candidate, avec un biais de principe favorable".