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Sports - Malgré une large exonération fiscale, l'Euro de basket 2015 a rapporté de l'argent à l'Etat

Fallait-il ou non exonérer fiscalement les grands événements sportifs internationaux organisés en France ? Le débat a fait couler beaucoup d'encre au moment de l'adoption d'une telle exonération par le biais de la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014. Cette mesure faisait suite à l'engagement, en 2010, du gouvernement à mettre en place un dispositif fiscal permettant l’exonération de nombreuses charges en faveur de la structure organisatrice de l’événement, en l'occurrence l'UEFA et sa filiale ad hoc la SAS Euro 2016, dans le cadre de la candidature de la France à l’organisation de l’Euro 2016 de football.
Aux termes de la loi, les organismes chargés de l'organisation en France d'une compétition sportive internationale ou leurs filiales ne sont pas redevables de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux, de même, ils sont exonérés de retenue à la source notamment sur les revenus de capitaux mobiliers et sur les salaires correspondant à des prestations sportives. L'exonération s'étend encore à la taxe sur les salaires, aux participations, à la taxe d'apprentissage et à la contribution supplémentaire à l'apprentissage pour les rémunérations versées aux salariés de l'organisme ou de ses filiales lorsque les fonctions exercées par les salariés sont directement liées à l'organisation de la compétition.
Pour bénéficier d'une telle exonération, un certain nombre de critères précis devaient être respectés. Parmi ceux-ci, notons "les retombées économiques exceptionnelles" que doit entraîner la compétition exonérée. Au total, six compétitions furent retenues dans le dispositif sur la période 2015-2019.

Un coût de 3,7 millions pour l'Etat

La direction des Sports du ministère des Sports a souhaité analyser l’impact économique lié à cette exonération fiscale. Elle a ainsi réalisé un rapport sur la base des éléments financiers et économiques transmis par les organisateurs des événements bénéficiant de ce dispositif. Le premier à avoir rendu sa copie a été le championnat d'Europe de basketball masculin 2015, qui était également le premier à bénéficier du dispositif.
Dans ce rapport dont Localtis a obtenu une copie, le bilan économique de cette compétition qui s'est déroulée à Montpellier puis à Lille durant 17 jours fait état de 292.100 spectateurs ayant généré des recettes en billetterie et hospitalités (places à valeur ajoutée) d'un montant de 14,5 millions d'euros. Le nombre de visiteurs étrangers s'établit pour sa part à 116.900, pour des recettes de 5,8 millions au stade et de 35,4 millions en hôtellerie, restauration et transports. Quant aux dépenses, elles s'élevaient à 16,2 millions d'euros pour l'organisation et à 3,7 millions pour les investissements en infrastructures.
Au final l'Euro de basket 2015 représente un chiffre d'affaires de quelque 21 millions d'euros et des charges de 16 millions, pour un bénéfice de l’ordre de 4,7 millions.
En termes d'exonération fiscale, l’impôt sur les sociétés (IS) a donc été estimé à 1,57 million d'euros et la contribution sociale de solidarité à 27.000 euros, soit un manque à gagner pour les finances publiques d’environ 1,6 million d'euros. Notons par ailleurs que la contribution exceptionnelle à l’IS, qui concerne les sociétés ayant réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions, ne concernait pas l'organisation de cette compétition.
La cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), due par les entreprises qui réalisent plus de 500.000 euros de chiffre d'affaires hors taxe, s'élèverait pour l'Euro de basket 2015 à environ 100.000 euros. Quant aux taxes assises sur les salaires, elles ont été jugées quasi nulles car la plupart des personnes ayant travaillé pour le comité d’organisation étaient des salariés de la Fédération française de basketball. Si l'on ajoute à cela une subvention du CNDS (Centre national pour le développement du sport) de deux millions, le coût total de l’organisation de l’Eurobasket 2015 pour l'Etat est estimé selon le rapport à 3,7 millions d'euros.

Des villes-hôtes bénéficiaires

Du côté des recettes fiscales, le bilan estime la TVA sur la billetterie à 1,8 million d'euros, la TVA sur les dépenses d’organisation à 3,2 millions et la TVA sur les dépenses des visiteurs étrangers à 7,1 millions, soit un gain pour l’Etat de 12,1 millions. Une fois retranché le manque à gagner fiscal, l'estimation de l’impact positif total de l’événement sur les finances de l'Etat est de 8,4 millions d'euros.
Côté villes-hôtes, le bilan est également positif. Selon une étude réalisée par la Fiba (Fédération internationale de basket), l'impact économique global de l’événement en France est estimé par l'organisateur à 88,5 millions d'euros, dont 21,6 millions pour Montpellier et sa région et 66,9 millions pour Lille et sa région.
Si les chiffres parlent d'eux-mêmes et mettent en avant des retombées économiques réelles malgré le cadeau fiscal fait aux organisateurs de tels événements sportifs, une question reste en suspens. On peut en effet se demander si l'attitude des fédérations internationales détentrices de droits sur les grands événements sportifs internationaux ne s'apparente pas à un chantage fiscal auquel les Etats céderaient un peu trop facilement. Il n'est qu'à songer à la pénurie actuelle de candidats à l'organisation des Jeux olympiques pour se rendre compte que, tout bien considéré, les Etats ne sont pas aussi démunis qu'ils pourraient le penser pour faire face aux exigences toujours plus exorbitantes du droit commun des organisateurs…