Sports - Comment évaluer - enfin - les retombées des grands événements sportifs ?
A 500 jours du coup d'envoi de l'Euro 2016 de football en France, Jacques Lambert, président de la société organisatrice, affirme que "l'organisation de l'Euro va rapporter beaucoup plus en rentrées fiscales pour le budget de l'Etat qu'elle ne va lui coûter". Une saillie qui fait notamment suite aux débats animés qui ont conduit le Parlement à voter une exonération d'impôts pour tous les grands événements sportifs internationaux (Gesi) attribués à la France avant la fin 2017 (lire ci-contre notre article du 4 décembre 2014). Le tout au nom d'une efficacité économique : "L'accueil de compétitions sportives internationales est une formidable opportunité pour stimuler l'activité économique et la création d'emplois sur notre territoire", s'était félicité le ministère des Sports à l'époque.
Mais qu'en est-il vraiment ? Les Gesi sont-ils la source de croissance vantée par les décideurs ? Force est de constater que l'on n'en sait pas grand-chose ! Pour preuve, la Diges (délégation interministérielle aux grands événements sportifs) a cru jugé utile de plancher sur l'évaluation économique, sociale, environnementale et médiatique de tels événements. Dans son rapport, paru fin 2014, elle constate d'entrée que si "l'accueil d'un grand évènement sportif sur le territoire national est généralement perçu comme une opportunité à de multiples égards, et la candidature à son organisation présentée comme souhaitable (…), notre pays ne dispose pas à ce jour d'outils fiables et pérennes pour mesurer l'impact global des compétitions".
Or, précise la Diges, "de tels outils paraissent indispensables pour au moins trois raisons principales" : la contrainte économique ; la nécessité de sortir de candidatures motivées "uniquement à l'aune du prestige et du bénéfice d'image escomptés" ; et la nécessité "non seulement de fixer des objectifs, mais aussi de disposer de références, notamment quant aux bonnes pratiques, que seule l'évaluation rigoureuse et critique de l'organisation antérieure de grands évènements est en mesure d'apporter".
Attractivité et animation du territoire
Mais avant d'envisager d'étudier les retombées d'un Gesi, encore faut-il savoir quelles sont les attentes en la matière. Dans son rapport, la Diges fait la synthèse des attentes exprimées par les différents acteurs. Pour l'Etat, les objectifs visés par l'organisation d'un Gesi sont tout d'abord de garantir la légitimité d'une telle organisation. En outre, un Gesi peut avoir un effet de levier sur les politiques publiques en termes de croissance économique et d'emploi, de santé publique et de bien-être, contribuer aux objectifs de la politique de la ville ou encore optimiser une démarche environnementale. Enfin, l'Etat y voit un "rayonnement renforcé" pour la France.
Pour les collectivités territoriales, la première attente est d'obtenir "une image bonifiée du territoire". Vient ensuite l'"impact favorable en termes de cohésion sociale". Et enfin le "renforcement de l'animation et de l'attractivité du territoire".
Les attentes du mouvement sportif, recueillies dans le cadre de l'organisation de l'Euro 2016, portent notamment sur la rénovation des infrastructures sportives et sur la hausse du nombre de pratiquants. Enfin, les attentes des acteurs économiques concernent avant tout l'accès des entreprises locales, particulièrement les PME, aux marchés liés à l'organisation de l'événement.
Des travaux pratiques autour de l'Euro 2016
A l'aune de ces attentes, le rapport de la Diges évoque les principales orientations qui se sont dégagées et formule des préconisations pour concrétiser la démarche d'évaluation. Pour ce qui concerne les principales orientations, la Diges a identifié deux grands types d'évaluation des Gesi. D'une part, une mesure quantitative des retombées économiques, qui, "bien que les méthodes de calcul puissent diverger notablement et aboutir à des résultats hétérogènes quant à l'ampleur des retombées, […] a atteint un niveau de robustesse appréciable". D'autre part une étude qualitative et quantitative de l'utilité sociale de l'événement pour l'ensemble de la population. Toutefois, ces deux types d'études ne sont pas suffisantes. "Une étude plus spécifique consacrée aux impacts environnementaux doit désormais être intégrée à la démarche d'évaluation et être développée au-delà de la mesure classique de l'empreinte carbone", précise la Diges, qui ajoute qu'une "évaluation spécifique des retombées médiatiques peut se révéler pertinente selon les cas."
Sans surprise, ce sont donc les évaluations de l'impact économique, de l'utilité sociale, de l'impact environnemental et des retombées médiatiques qui figurent en tête des premières préconisations. Du point de vue méthode, le rapport de la Diges préconise de lancer des études "ex ante" et "ex post", de façon à évaluer les situations avant l'événement et pouvoir ainsi les comparer plus facilement avec le résultat final. Il est aussi question de "territorialiser les études autant que possible". "Pour être traité de la façon la plus satisfaisante, le protocole d'évaluation comportera nécessairement des volets territoriaux intégrant l'expression des attentes respectives de chaque collectivité territoriale concernée", précise le rapport. Enfin, du point de vue opérationnel, la Diges estime que pour mener une évaluation, "il paraît pertinent de faire appel à des prestataires distincts pour déterminer les différentes composantes techniques à retenir. Les prestataires retenus devraient travailler en étroite relation, sous l'égide d'un coordonnateur".
Une fois n'est pas coutume, ce rapport a d'ores et déjà l'assurance de ne pas finir dans un placard : l'Euro 2016 servira de thème de travaux pratiques, avec le début de l'étude économique ex ante dès janvier 2015 pour un rendu final des études ex post en décembre 2016.