Coup d'envoi des états généraux de l'alimentation
La question de l'ancrage territorial de l'alimentation sera l'un des enjeux forts des états généraux de l'alimentation qui s'ouvrent ce jeudi 20 juillet.
Payer les agriculteurs "au prix juste" et promouvoir une alimentation "saine, sûre et durable". Ce sera le double défi des états généraux de l’alimentation lancés ce 20 juillet. L’événement voulu par Emmanuel Macron pendant sa campagne démarrera avec une grande réunion organisée à Bercy avec 500 participants. Le jour même sera lancée une consultation publique sur le site egalimentation.gouv.fr, qui s’achèvera fin octobre. Parallèlement, quatorze ateliers thématiques travailleront de la fin août à la fin novembre sur des sujets tels que "mieux répondre aux attentes des consommateurs en termes de qualités nutritionnelles et environnementales, d’ancrage territorial, de bien-être animal et d’innovations", "développer des initiatives locales", "développer la bio-économie et l’économie circulaire", "conquérir de nouvelle parts de marché à l’export", "rendre les prix d’achat des produits agricoles plus rénumérateurs", "assurer la sécurité alimentaire" dans un contexte mondialisé… Un dernier atelier transversal s'intéressera plus spécifiquement aux investissements, sachant qu'Emmanuel Macron avait confirmé, le 9 juin à Limoges, le lancement d'un plan de modernisation de l'agriculture de 5 milliards d'euros. En matière d'ancrage territorial, il avait fait savoir à cette occasion qu’il souhaitait fixer dans la restauration collective un objectif de 50% d'approvisionnement en circuits courts, en bio ou en produits issus de l’agriculture écologique.
Ces ateliers réuniront des représentants des agriculteurs, des industriels, des distributeurs, des ONG ou des associations de consommateurs. "On sent une très forte envie des territoires de contribuer, notamment des conseils régionaux", assure-t-on dans l’entourage du ministre de l’Agriculture chargé de piloter l’organisation de cet événement impliquant 10 autres ministères. Les préfets seront amenés à organiser des journées de travail en région, soit sur un des 14 thème retenus, soit sur un autre issu de la consultation ou encore sur une thématique spécifique développée dans une région.
Ouverte par le Premier ministre, la journée du 20 juillet sera clôturée par le président de la République. Quatre ministres se succéderont à la tribune : Agnès Buzyn (Solidarités et Santé), Stéphane Travert (Agriculture et Alimentation), Bruno Le Maire (Economie et Finances), Nicolas Hulot (Transition écologique et solidaire). Cette journée "permettra d’élaborer un diagnostic partagé sur les habitudes de consommation alimentaire, la situation des principales filières, les évolutions du commerce et de la distribution, les enjeux d’une agriculture durable et de la transition écologique", précise une communication du ministre de l’Agriculture présentée en Conseil des ministres le 19 juillet.
350 euros par mois
Alors que les agriculteurs ont connu une baisse de leurs résultats de 22% en 2016 et que 50% d’entre eux ont un revenu inférieur à 350 euros par mois, la tenue de ces états généraux suscite autant d’attentes que de scepticisme. On notera tout d’abord que la question des accords de libre-échange n’y est pas officiellement abordée. Or le traité de libre-échange avec le Canada commencera à être appliqué provisoirement à partir du 21 septembre, en pleins états généraux. Et la commission d’évaluation mise en place par le chef du gouvernement le 5 juillet rendra ses conclusions le 7 septembre. Autant dire que la fenêtre de tir pour en corriger d'éventuels effets indésirables sur l’environnement ou la santé sera bien étroite.
L’autre enjeu sera celui de la guerre des prix et de la répartition entre ce que perçoit le producteur par rapport aux transformateurs et aux distributeurs. "L’Etat ne fera pas tout, tout seul. Pour que ces états généraux réussissent il faut que tous les acteurs jouent le jeu (…) L’un des enjeux sera de remettre de la confiance entre les acteurs", insiste-t-on au ministère de l’Agriculture. Jusqu’où l’Etat sera-t-il prêt à aller sachant que le rapport de force est aujourd’hui largement en défaveur des producteurs ?
Saluant l'initiative, un collectif de 39 associations de la société civile (dont Action contre la faim, Attac, Greenpeace ou Terre de liens) a interpellé le président de la République, mercredi, pour demander une clarification "sur les conditions et enjeux des débats". "Nous ne pouvons en effet pas réorienter la politique alimentaire en France sans prendre en compte ses impacts sur les autres pays (du sud en particulier) et sans une refondation de la politique agricole commune", souligne-t-il. Le collectif demande d’intégrer des "enjeux cruciaux absents du débat", comme "la santé environnementale" ou "la préservation et la répartition équilibrée du foncier".