Conversion de la filière automobile : un travail au niveau des "bassins de vie"
La filière automobile et les pouvoirs publics ont signé, le 6 mai, un nouveau contrat de filière pour la période 2024-2027 qui prend résolument le virage de l'électrique. Objectif : passer à 800.000 immatriculations en 2027 contre 300.000 l'an dernier. Cette conversion à marche forcée va impliquer un effort sur les reconversions.
Alors que les ventes de véhicules électriques marquent le pas en Europe, les représentants de la filière automobile se sont rendus à Bercy, ce lundi, pour signer avec l'État et les régions un nouveau contrat de filière pour la période 2024-2027. L'enjeu : accélérer le virage vers l'électrique avec, en ligne de mire, la fin des ventes de moteurs thermiques à horizon 2035, comme l'a décidé Bruxelles. Six mois de discussions ont été nécessaires pour parvenir à cette signature, tant les enjeux sont colossaux pour la filière. "Nous avons dix ans pour accomplir cette révolution du thermique vers l'électrique", a déclaré le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, lundi, lors d'une conférence de presse, aux côtés de Catherine Vautrin (Emploi), Roland Lescure (Industrie) et du président de la Plateforme automobile (PFA), Luc Chatel.
Le contrat prévoit de tripler les ventes de véhicules électriques en trois ans, pour passer à 800.000 en 2027, sachant qu'il s'en est vendu 300.000 l'an dernier. À terme, l'objectif fixé par le président de la République est de parvenir à 2 millions de véhicules "électrifiés" (y compris hydrides donc) vendus chaque année d'ici 2030.
Pour les utilitaires, le rythme demandé est plus soutenu encore : multiplier par 6 d'ici 2027 les ventes d'utilitaires légers 100% électriques ou à hydrogène, soit 100.000 immatriculations. Le contrat prévoit aussi d'atteindre 25.000 bornes de recharge rapide sur les "grands axes" et dans les "hubs urbains".
"Patriotisme industriel"
Bruno Le Maire a placé le sujet sous l'angle du "patriotisme industriel". "Persister dans le véhicule thermique, comme le proposent certaines formations politiques, c'est être pieds et poings liés avec l'énergie qui vient des pays producteurs de pétrole." "Est-ce que nous voulons être un pays de production ou de consommateurs ?" Mais le choix européen entériné en mars 2023, a été précipité au goût de certains. Il y a quelques semaines, le patron de Renault, Jean-Dominique Senard, avait dénoncé l'absence d'anticipation de l'UE, notamment sur la question des métaux nécessaires pour la construction des batteries. "L’analyse d’impact n’a pas été faite", avait-il fustigé.
Pour soutenir la production française, le gouvernement entend confirmer la politique de l’offre (baisse des impôts de production, attractivité pour les investissements étrangers, compétences, fonds Avenir automobile) tout en maintenant les "aides à la demande". "Nous maintiendrons le bonus sur les véhicules électriques", a assuré Bruno Le Maire, après que ce bonus a été ramené de 5.000 à 4.000 euros pour 2024 (sauf pour les ménages modestes) et retiré aux véhicules d'entreprise. Et le "leasing" sera maintenu. À cet égard, Luc Chatel a demandé de la "stabilité".
Pas de zones franches
Cette transition à marche forcée ne réussira qu'en portant attention aux "plus fragiles", mentionne le contrat. Une enveloppe de 100 millions d'euros est prévue pour accompagner les reconversions. Catherine Vautrin a appelé à travailler à l'échelle des "bassins de vie". "Certains bassins de vie, je pense aux Hauts-de-France par exemple, se retrouvent avec des fournisseurs qui s'installent et qui ont de très gros besoins de compétences", alors que dans d'autres "il peut y avoir des cycles économiques qui se terminent et donc des reconversions vers d'autres métiers", a-t-elle expliqué.
Réussir ce changement va impliquer des "investissements massifs", a prévenu de son côté Luc Chatel, pointant une énergie deux fois plus chère qu'en Chine et en Europe et des dispositifs d'accompagnements insuffisants. L'idée défendue par la PFA de "Green Deal zones" (du nom du Pacte vert européen), à savoir des zones franches pour la construction de voitures électriques, ne figure pas dans le contrat. Luc Chatel a également appelé à la rédaction d'un pacte européen pour l'automobile. "On a pris le sujet par le mauvais bout, on a choisi le changement par la réglementation et non par l'innovation, ou par le marché", a-t-il dit.