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Emploi - Conventions de revitalisation : quel impact réel sur les territoires en difficulté ?

Dans un rapport d'enquête rendu public ce 16 décembre, réalisé à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes tire un bilan des conventions de revitalisation. Au total, depuis 2002, 1.402 conventions ont été signées pour soutenir l'activité économique des territoires mis en difficulté par des licenciements. Elles ont réellement permis de financer un certain nombre d'actions dans des bassins fragilisés. La Cour pointe toutefois certains dysfonctionnements.

"L'utilité du dispositif des conventions de revitalisation est reconnue par l'ensemble des acteurs locaux." La Cour des comptes a rendu public le 16 décembre 2015 un bilan des conventions de revitalisation, bilan demandé par la commission des finances de l'Assemblée nationale, en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances. Le rapport a été publié à l'issue de l'audition, par cette même commission, de Pascal Duchadeuil, président de la 5e chambre de la Cour des comptes.
Ces conventions de revitalisation sont issues de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale et de la loi du 28 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Elles s'imposent aux entreprises de 1.000 salariés et plus qui procèdent à des licenciements collectifs pour motif économique, et aux entreprises volontaires d'au moins 50 salariés non soumises à l'obligation de congé de reclassement mais appartenant à un groupe "in bonis" (non placées sous le régime de la liquidation judiciaire) de plus de 1.000 salariés.
Le dispositif vise à soutenir l'activité économique des territoires mis en difficulté par des licenciements. Les entreprises concernées versent une contribution destinée à créer de l'activité, développer des emplois et atténuer ainsi l'effet des licenciements sur le bassin d'emploi concerné. La convention doit être signée dans un délai de six mois à compter de la notification du plan de sauvegarde de l'emploi. Dans le cas contraire, l'entreprise doit verser au Trésor public une contribution correspondant à quatre fois la valeur du Smic par emploi supprimé.
"Un point très important : ces fonds qui concourent à la politique de l'emploi ne sont en rien des fonds publics. Ils sont mis à disposition par l'entreprise pour revitaliser le territoire et ils demeurent la propriété de l'entreprise jusqu'à la fin de la mise en œuvre de la convention", a insisté Pascal Duchadeuil durant son audition, poursuivant : "C'est l'entreprise - et non pas les acteurs publics - qui doit décider de l'usage des fonds, ce qui pose une difficulté s'il devait y avoir une évolution. Dans le cas d'une procédure qui pourrait conduire par exemple l'Etat à prendre la main sur l'usage de ces fonds, il y aurait un risque de requalification en aides d'Etat."

100 à 120 conventions par an

Au total, le bilan fait état de 1.402 conventions de ce type signées entre 2002 et 2014, représentant 717 millions d'euros de contributions d'entreprises. En moyenne, 100 à 120 conventions sont signées chaque année pour une contribution de 50 millions d'euros et un objectif de création d'emplois compris entre 10.000 et 12.000 par an.
Les régions les plus concernées par ces conventions sont la région Rhône-Alpes (117 conventions), l'Ile-de-France (110), le Nord-Pas-de-Calais (69) et la Lorraine, soit les régions où se concentrent les sièges sociaux et des industries.
A l'inverse, d'autres régions sont moins concernées : Franche-Comté et Limousin (8 seulement), Poitou-Charentes (11), Midi-Pyrénées (21) et Provence-Alpes-Côte d'Azur (28).
Sur le plan sectoriel, ce sont les entreprises de l'industrie manufacturière qui signent le plus de conventions : elles représentent 40% des conventions en 2013, suivies par les entreprises des services et surtout des services financiers hors assurance (20%) qui voient leur part augmenter.
La procédure de négociation et de mise en œuvre de ces conventions mobilise de nombreux partenaires, au premier rang desquels les entreprises et les représentants de l'Etat, mais aussi les collectivités locales, les acteurs économiques locaux et des prestataires chargés de mettre en œuvre les conventions.

Une efficacité insuffisamment mesurée

Dans son rapport, qui analyse plus spécifiquement la mise en œuvre des conventions de revitalisation dans les régions Bretagne, Centre, Lorraine et Paca, la Cour des comptes met en avant les atouts du dispositif : ces conventions permettent de financer dans des bassins fragilisés des actions dédiées à la création et au maintien de l'emploi, à côté des financements de l'Etat. Le dispositif permet un travail partenarial entre l'ensemble des intervenants en mettant en œuvre des actions ou modalités de financement innovantes et en renforçant la cohérence de l'action menée en faveur de l'emploi sur les territoires.
Mais la Cour pointe aussi certaines faiblesses. Les pratiques locales sont disparates et le suivi local des entreprises en difficulté notamment "ne semble pas systématiquement organisé de manière à anticiper l'impact des plans de sauvegarde de l'emploi et les actions de revitalisation à mettre en œuvre." Autres points faibles : l'absence de chef de file identifié au sein des services de l'Etat pour gérer les relations avec les entreprises et coordonner les partenaires, dont le nombre - qui peut atteindre une trentaine en comptant les acteurs économiques et les collectivités locales - est jugé très élevé ; des modalités de gestion des contributions des entreprises multiples et pas toujours sécurisées… C'est le cas des fonds mutualisés mis en œuvre dans certains territoires. "L'implication des entreprises apparaît enfin variable," souligne le rapport. Dans la grande majorité des conventions, les entreprises s'engagent dans le processus de revitalisation, mais la question de leur implication se pose quand elles quittent le territoire ou lorsqu'elles sont rattachées à des groupes étrangers et lorsqu'elles confient à des prestataires la mise en œuvre des conventions. Les effets réels du dispositif sur l'emploi sont insuffisamment mesurés, d'après la Cour des comptes.
Pour remédier à ces dysfonctionnements, celle-ci avance plusieurs recommandations, dont la désignation par les préfets d'un chef de file opérationnel au sein des services de l'Etat, qui serait l'interlocuteur unique de l'entreprise, et l'obligation de partager des indicateurs de suivi pour les conventions.
Autres propositions : prescrire un référentiel pour encadrer la part des fonds des conventions affectée à la rémunération des prestataires et présenter, dans le guide méthodologique existant, les structures juridiques permettant de sécuriser juridiquement et financièrement la mutualisation des fonds de revitalisation. La Cour des comptes propose aussi de donner plus de temps pour décider d'une convention de revitalisation.