Contrat d’engagement jeune : en zone rurale, une mise en œuvre à adapter
La mise en œuvre du contrat d’engagement jeune pose des difficultés spécifiques en zone rurale. Pour éviter des déplacements trop nombreux aux jeunes qu’elles accompagnent, les missions locales s’adaptent en développant leur maillage, les interactions à distance, voire les modalités de transport des 16-25 ans.
Accompagner les 16-25 ans, jour après jour, dans leurs démarches d’insertion professionnelle : cette exigence spécifique au contrat d’engagement jeunes pose des difficultés particulières aux missions locales couvrant des territoires ruraux. "Certains jeunes vivent trop loin des missions locales et des villes centres pour pouvoir s’y rendre systématiquement. Délocaliser les ateliers en zone rurale n’est pas facile, et les équipes ne peuvent se démultiplier partout", souligne la directrice générale de l’association régionale des missions locales de la région Centre-Val de Loire, Sylvie Fargeot, qui accueillait à Tours les dernières rencontres nationales du réseau (voir notre article du 12 octobre 2022).
À la mission locale de Montargis-Gien (Loiret), plus de la moitié des jeunes reçus par la mission locale sont issus de très petites communes, dont certaines à 25 kilomètres de l’antenne principale. Des déplacements compliqués, compte-tenu "des réseaux de bus parcellaires, voire inexistants en période de vacances scolaires", indique Laurent Bricard, responsable du secteur couvrant les cinq cantons du Giennois.
Adapter l’offre de service
Préoccupé par la baisse de motivation des jeunes qu’engendrent ces déplacements, la mission locale de Montargis-Gien a décidé de mettre en place des visioconférences et des ateliers à distance afin de leur éviter de trop nombreux allers-retours. Veillant à "diviser par deux les distances à parcourir", la structure s’est aussi résolue à développer davantage son maillage : grâce au soutien de collectivités territoriales, quatre lieux de permanence mensuelle ont été ouverts. "Il s’agit souvent d’endroits partagés avec des partenaires", précise Laurent Bricard.
Le cadre particulièrement strict du CEJ, qui impose 15 à 20 heures d’activités hebdomadaires, suppose aussi de remplir l’emploi du temps des jeunes afin de "rentabiliser" leurs déplacements. "Pour un rendez-vous à 10h, ils sont souvent obligés de prendre le bus de 6h30 et d’attendre celui de 17h pour rentrer. Cela implique la mise en place d’autres activités dans la journée afin de leur permettre de participer à des ateliers, de s’entraîner sur le simulateur de conduite ou éventuellement de rencontrer un employeur. Nous essayons de construire un catalogue d’activités afin que le jeune puisse être acteur et donner du sens à sa venue", ajoute Laurent Bricard.
Développer "l’aller-vers"
Autre enjeu : attirer davantage de jeunes issus de ces zones. La mission locale de Montargis-Gien échange ainsi "régulièrement" avec les associations sportives du territoire. "Les éducateurs peuvent être un relais d’information pour ceux qui n’oseraient pas s’adresser à nous ou ne nous connaitraient pas", ajoute le responsable.
À la mission locale rurale de Tarare (Rhône), on constate aussi que les jeunes des communes rurales manquent beaucoup plus à l’appel que ceux des villes-centre. Son directeur mise donc sur l’originalité de ses ateliers afin de les attirer : mécanique au sein d’un complexe de karting, bande-dessinée, expériences sensorielles dans le milieu de la restauration… "Nous visons deux nouveaux jeunes par semaine", indique Thierry Receveur.
Afin de faire connaître ses ateliers, la mission locale a aussi profité d’un appel à projet émis dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté pour lancer une petite cellule de jeunes en charge de la communication de la mission locale. Une tâche effectuée par cinq d’entre eux et un chargé de projet, qui ont investi les réseaux sociaux et aménagé, aussi, un studio d’enregistrement afin de réaliser des podcasts traitant des thématiques de l’emploi et de la formation. Budget : 50.000 euros.
Transports dédiés aux jeunes
En zone rurale, les mobilités restent néanmoins le nerf de la guerre. Or, dans les communes vallonnées du Rhône comme sur les routes forestières du Val-de-Loire, il est difficile de se contenter de modes de transport doux.
La mission locale de Tarare travaille donc à la mise en place de taxis intergénérationnels : un groupe de seniors serait constitué pour convoyer les jeunes vers leurs entretiens, formations, découvertes métiers, etc. "Ce dispositif concernerait une partie très rurale de notre territoire. Les anciens seront indemnisés en échange de ce service", souligne Thierry Receveur. Celle de Pithiviers (Loiret) a lancé son propre minibus dès 2021 dans le cadre de l’appel à projets "Repérer et mobiliser les publics invisibles". Un outil permettant d’effectuer permanences et maraudes itinérantes qui s’avère particulièrement utile pour capter les jeunes des petites communes isolées.
À l’instar de la mission locale de Montargis-Gien, et afin d’encourager les jeunes à passer l’examen du permis de conduire, 24 structures avaient reçu une dotation pour acquérir un ou plusieurs simulateurs de conduite (voir notre article du 8 avril 2021), suivies par une soixantaine d’autres trois mois plus tard.