Contestation écologique de grandes infrastructures : "l'instance d'arbitrage, c'est le juge", affirme Christophe Béchu
Les oppositions écologiques aux grands projets d'infrastructures ne sont pas contestables mais "l'instance d'arbitrage, c'est le juge", a défendu ce 25 avril le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, après un week-end marqué par la mobilisation de plusieurs milliers de personnes dans le Tarn contre le projet d'autoroute A69 Toulouse-Castres. Il a aussi affirmé que pour sortir des énergies fossiles, "l'avenir n'est pas d'aller construire des autoroutes et des routes".
"On ne peut pas contester l'idée de la contestation, d'abord parce que je ne mets pas en doute la sincérité de ceux qui contestent, quels que soient les dossiers. Mais dans la sphère publique, il faut une instance d'arbitrage et cette instance d'arbitrage à la fin, c'est le juge", a déclaré Christophe Béchu sur France Culture ce 25 avril, après un week-end marqué par la mobilisation de plusieurs milliers d'opposants à Saïx dans le Tarn contre les travaux entamés de l'autoroute A69 Toulouse-Castres.
"On a à la fois des procédures de validation d'utilité publique et la possibilité d'aller la contester" devant la justice administrative, a poursuivi le ministre, "et moi je ne sais pas, dans une démocratie, inventer une règle en fonction du nombre de ceux qui protestent contre un projet quand ceux qui le soutiennent sont silencieux".
"On a souvent des procédures longues, ce qui fait qu'entre le moment où vous constatez une utilité publique et le moment où le projet commence à entrer en réalisation, il peut y avoir une évolution de la société ou de ce qu'ils soutiennent", a toutefois concédé le ministre, alors que les protestations contre des grands projets d'infrastructures se multiplient face aux conséquences visibles du réchauffement climatique causé par les activités humaines.
Projet déclaré d'utilité publique en 2018
Dans le cas de l'A69, le projet est évoqué depuis une trentaine d'années et a été reconnu d'utilité publique en juillet 2018 par le gouvernement (voir le décret) . "L'utilité publique a été déclarée parce qu'il s'agit du seul territoire de plus de 100.000 habitants qui n'est pas relié par une 2x2 voies à Toulouse" et que le projet "est massivement soutenu par une population qui considère que cette absence d'infrastructure s'est traduite par une perte d'attractivité d'un point de vue économique et social", a défendu le ministre. Pour les opposants, au contraire, l'autoroute va accentuer les déplacements des Castrais vers les activités économiques dans la région de Toulouse.
Organisateurs de la mobilisation de ce week-end, le collectif La voie est libre, Extinction Rebellion, la Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre (SLT) ont demandé "l'arrêt immédiat" du chantier. Lors d'une conférence de presse, ils ont à nouveau proposé un aménagement de la nationale existante et dénoncé la perte de terres agricoles ou de biodiversité qu'entraînerait la construction de cette portion d'autoroute de 53 km. Dénonçant aussi "une injustice sociale organisée", ils ont déploré le coût du trajet Toulouse-Castres, qui pourrait atteindre 17 euros aller-retour. "Si on veut être cohérent, ce projet doit être abandonné", a pour sa part estimé le député LFI Manuel Bompard, présent dans la manifestation. "C'est un projet qui date des années 90, qui pense le territoire et l'aménagement du territoire uniquement avec la voiture et les autoroutes. Et en fait ça, c'est plus possible!", a déclaré à l'AFP Sandrine Rousseau, députée EELV, venue aussi sur place, estimant qu'"il n'y a vraiment pas besoin d'une autoroute en plus".
Des élus du Tarn opposés à l'A69 ont dénoncé un projet en "totale contradiction avec l'urgence climatique". Mais d'autres soutiennent le projet, qui réduirait d'une vingtaine de minutes le trajet Castres-Toulouse en 2025, d'une durée d'un peu plus d'une heure aujourd'hui. Atosca, concessionnaire privé de l'A69, le juge "exemplaire" pour l'environnement ou l'emploi. Concernant les terres agricoles, l'emprise prévue a été réduite de 380 à 300 hectares, selon son directeur général Martial Gerlinger.
"Réduire les impacts environnementaux"
Le ministre délégué aux Transport Clément Beaune s'est refusé ce 24 avril à se prononcer sur le sort de l'autoroute Toulouse-Castres, se disant prêt à étudier la façon d'en "réduire les impacts environnementaux" si le projet est poursuivi. "On doit évidemment revoir un certain nombre de projets routiers", a-t-il affirmé sur France Info. "Il est hors de question de faire comme avant !"
"Il est clair qu'on va réduire la part des projets routiers - il n'y en aura pas zéro, il y en aura moins - pour donner une priorité assumée aux transports publics et au transport ferroviaire", a-t-il ajouté, alors que le gouvernement s'apprête à négocier les contrats de plan Etat-région avec les exécutifs locaux. "La réponse sur tous les projets routiers, ce sera d'ici le début de l'été", a remarqué le ministre, promettant "une analyse projet par projet".
"Il y a des critères environnementaux, il y a des critères de désenclavement des territoires, des questions de coûts", a-t-il ajouté, notant que certains projets, comme Poitiers-Limoges, avaient déjà été abandonnés.
L'autoroute Toulouse-Castres "A69 est examinée dans ce cadre", a noté Clément Beaune. "C'est le projet autoroutier qui est aujourd'hui le plus avancé", a-t-il cependant relevé. Le contrat de concession avec le groupement Atosca a en effet été signé en avril 2022 à la veille de la présidentielle, et les premiers travaux ont commencé. "On est dans un Etat de droit", a souligné Clément Beaune. Il envisage néanmoins d'en "réduire les impacts environnementaux". "Ca me paraît possible et souhaitable", a-t-il estimé.
Défense d'un "vrai changement de cap"
Sur France Culture ce 25 avril, Christophe Béchu a également rappelé que "l'avenir n'est pas d'aller construire des autoroutes et des routes", et assuré défendre un "vrai changement de cap" pour sortir de notre "addiction aux énergies fossiles". Le gouvernement est en train "d"intensifier ses investissements dans le ferroviaire" avec un plan à 100 milliards d'euros (régénération du réseau, petites lignes, RER métropolitains), "dans les transports décarbonés au sens large et de diminuer son soutien à des projets routiers", a-t-il affirmé.