Congrès des maires – PLF 2025 : les élus inquiets des conséquences concrètes sur le développement local

Au cours du débat du congrès des maires de France consacré le 21 novembre aux finances, les élus locaux se sont succédé au micro, le visage grave, pour exprimer leurs craintes de devoir renoncer à des investissements ou encore des services essentiels à la population. Ou pour faire part de leur manque de visibilité pour conduire leurs projets. En cause bien sûr : les efforts demandés aux collectivités dans le projet de loi de finances.

Les mesures d'économies inscrites dans le projet de budget pour 2025 - chiffrées à 5 milliards d'euros par l'exécutif, mais à près de 10 milliards d'euros par l'Association des maires de France (AMF) - plongent dans l'expectative les élus locaux. Ils s'interrogent notamment sur la possibilité pour eux de conduire les investissements qu'ils prévoyaient. Plusieurs d'entre eux ont fait part de leur inquiétude, lors du débat du congrès de l'AMF consacré ce 21 novembre aux finances locales. "On se retrouve au milieu du gué, on est un petit peu dans une attente", a ainsi témoigné Marielle Muret Baudoin, maire de Noyal-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine, 6.100 habitants). Le fonds vert a financé les études pour la végétalisation des cours des écoles de la ville. "Les parents d'élèves sont derrière nous et nous disent : il faut y aller", a relaté l'élue. Mais avec la diminution en 2024 et 2025 du fonds destiné à accélérer les projets locaux en matière de transition écologique, cette dernière ignore si les travaux pourront être financés. Ce qui la contrarie personnellement. "Le plus important pour nous les maires, c'est de continuer à apporter des services à nos habitants (…) à une belle qualité de vie, c'est ce qui nous motive", a-t-elle estimé, sans baisser les bras. "On réfléchit à la question de comment on va travailler pour la suite".

"Aucune visibilité sur les aides" 

Avec le conseil municipal d'Enval (Puy-de-Dôme, 1.600 habitants), le maire Christian Melis "s'était engagé sur la rénovation énergétique d'un groupe scolaire". Un projet de 1,4 million d'euros soutenu par le département et l'Etat. Mais avec, notamment, la remise en cause d'une partie du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) inscrite dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, "je suis sur la position de stopper ce projet", regrette l'élu. Pourtant, le projet devait permettre de réduire de plus de moitié la facture énergétique du bâtiment municipal. Le maire déclare n'avoir "aucune visibilité sur les aides" que sa commune pourra obtenir et sur le reste à charge. "J'étais venu chercher une réponse et je ne suis pas sûr que je l'obtienne", a-t-il avoué.

"Mais où va-t-on ?", s'est désolé l'un de ses collègues, maire d'une commune de 220 habitants, qui, depuis 2018, investit beaucoup d'énergie dans la rénovation d'une église. Un projet d'un million d'euros financé en partie par "une subvention importante de la mission Bern" sur le patrimoine. La commune escomptait 170.000 euros de recettes du FCTVA. Mais la somme pourrait fondre à cause des évolutions prévues dans le PLF 2025. Le maire est en colère : "Je ne supporte pas qu'on change les règles du jeu".

"Ne pas devenir une cité dortoir"

"On va être bloqué dans l'investissement" et sans lui "nous ne pourrons pas accompagner le territoire dans son développement", s'est alarmée pour sa part Muriel Abadie, maire de Pujaudran (Gers, 1.600 habitants). A une trentaine de kilomètres de Toulouse, les habitants et leur maire ne veulent pas habiter dans "une cité dortoir". Mais les efforts mis à la charge des collectivités par le projet de budget pour 2025 entraîneraient "très probablement une perte de 20.000 euros" pour la commune, soit l'équivalent "de deux ans d'accompagnement des associations qui font vivre le village".

En matière d'investissements prioritaires, les maires en arriveront à "arbitrer des choix aberrants", a alerté Sylvain Laval, maire de Saint-Martin-le-Vinoux (Isère), co-président de la commission Transports de l’AMF. En fournissant des exemples : "Est-ce que nous allons investir pour l'école, pour le pont, (…) ou pour l'arrivée de médecins ?".

Partage des recettes de la route

Face à de telles conséquences pour les communes et leurs intercommunalités, l'AMF appelle à une préservation de leur capacité d'autofinancement. A cette fin, elle souhaite toujours l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation et "le retrait" de toutes les mesures du projet de budget qui impactent les collectivités. En outre, pour permettre la poursuite de l'entretien du réseau routier (1,1 million de kilomètres), dont la responsabilité échoit à 98% au bloc communal et aux départements, les maires souhaitent "que soit construit un nouveau modèle économique du financement de ces infrastructures", comme l'a indiqué Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay, co-président de la commission Transports de l’AMF. Lequel recommande "un juste partage" des 44 milliards d’euros de recettes financées par les usagers de la route (qui bénéficient actuellement en grande partie à l’Etat et aux sociétés d’autoroutes). La proposition est sur la table. 

Mais dans l'immédiat, il y a l'examen du PLF pour 2025, qui débutera le 25 novembre dans l'hémicycle du Sénat. Et placé dans une position centrale, ses élus oeuvrent à faire évoluer le projet de texte dans un sens plus favorable aux collectivités, sans toutefois vouloir passer à la trappe l'ensemble des mesures décriées par les élus locaux. 

Fonds de précaution : de 3 à 1 milliard d'euros ?

"L'idée n'est pas de refaire une copie qui n'aboutira pas", a justifié le sénateur Bernard Delcros (Union centriste), nouveau président de la délégation aux collectivités territoriales. "Nous sommes bien déterminés à faire retirer" toutes les mesures de limitation du FCTVA", a indiqué l'élu du Cantal. Qui estime l'objectif atteignable. Il estime en revanche que le Sénat n'arrivera pas à supprimer le fonds de précaution. L'objectif serait alors de réduire le prélèvement au titre de ce dispositif à 1 milliard d'euros (contre 3 aujourd'hui) et de faire reposer son fonctionnement sur "des critères objectifs de richesse".

Le sénateur déposera par ailleurs un amendement pour accorder aux communes une meilleure compensation de l'extension de l'exonération du foncier non bâti pour les terres agricoles, inscrite dans le PLF pour 2025. L'idée est de faire en sorte que cette compensation évolue comme la revalorisation des bases de fiscalité locale (alors que le PLF pour 2025 prévoit une évolution similaire à celle de la DGF). Il s'agit d'un enjeu de taille pour les communes rurales, pour lesquelles le foncier non bâti représente parfois la moitié des recettes.